Sur les 48,5 Md€ d’échanges commerciaux entre la France et le monde arabe en 2017, 56 % l’ont été avec les pays d’Afrique du Nord, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie en particulier*. Totalisant près de 9,7 Md€, en hausse de 6 % en 2018 et 7 % par an en moyenne depuis 2014, le Maroc arrive en tête au sein des trois pays. Le royaume chérifien devance de peu l’Algérie affichant 9,4 Md€ d’échanges avec la France en croissance de 13 %, soit un revirement comparé au repli de 3 % par an enregistré depuis 2014. La Tunisie se classe en 3e position avec 7,8 Md€ environ : + 5 % en 2018, + 1 % en moyenne annuelle depuis 2014.
Illustré le 20 juin dernier par l’inauguration de la nouvelle usine PSA Peugeot-Citroën sur la zone franche Atlantique d’Amer Saflia près de Kenitra, le Maroc bénéficie d’une forte attractivité auprès des investisseurs mondiaux. Dynamique, sa croissance économique flirte avec les 3,4 % par an depuis 2013 alimentée, notamment, par des filières industrielles structurées et globales. Dans le cas de PSA à Kenitra par exemple, le constructeur prévoit que 60 % de ses achats en pièces détachées seront fabriquées localement et 80 % sous deux ans sur la base d’une production qui passerait de 100 000 à 200 000 automobiles sur la période.
Englobant l’aéronautique, le premier poste d’échanges marocain en valeur avec la France est celui des matériels de transport : près de 22 % des exportations nationales vers le Maroc et plus de 37 % des importations de la France en provenance du royaume. Dans le sens nord-sud suivent les équipements électriques et ménagers (11,3 %), les machines industrielles et agricoles (10,7 %) et les produits métallurgiques (8,3 %). Dans le sens inverse, les flux historiques composés de textiles et chaussures résistent (18,9 %) devant les produits agricoles et de la pêche (14,3 %) et les équipements électriques et ménagers (9,9 %). « Permettant d’optimiser les flux logistiques, les volumes échangés entre la France et le Maroc sont pratiquement équilibrés », souligne Emmanuel Arnaud, vice-président exécutif commerce et marketing chez Gefco.
Pour ses transports entre l’Europe, le Maroc et la Tunisie, Gefco exploite une flotte de 600 remorques de type fourgon grande hauteur complétée par des matériels de partenaires. « Selon les trafics, elles sont équipées d’un système de géolocalisation avec geofencing, de nids d’abeille pour le transport de vêtements et d’une ventilation intérieure pour minimiser les chocs thermiques et la condensation », présente le responsable.
Selon un plan de transport routier transitant à 95 % par Gibraltar via Algésiras et Tanger (5 % par Motril et Malaga), ce parc est appelé à augmenter, suite au contrat conclu avec PSA portant sur les approvisionnements de la nouvelle usine à Kenitra. « Cette collaboration prévoit aussi la desserte ferroviaire entre l’usine et le port de Tanger à 200 km environ au moyen de nos propres wagons porte-voitures ainsi qu’une navette maritime roulière entre Tanger et le port de Bouzas-Vigo qui a déjà démarré. »
Depuis le rachat et l’intégration de GLT à l’été 2018, le pilotage des flux routiers de Gefco entre l’Europe et le Maroc est assuré à Oiartzun, en Espagne. Cette « tour de contrôle » organise par exemple les accroches-décroches de remorques à Algésiras et à Tanger (traversées maritimes réalisées principalement en mode non-accompagné) et compte deux sites cross-dock à Barcelone et à Madrid. Elle travaille en synergie avec les hubs français du groupe dédiés aux échanges avec le Maghreb et reliés à son réseau national et européen de groupage : Marly-la-Ville, qui consolide les flux avec le nord de la France et de l’Europe, Toulouse dédié aux échanges avec le Maroc avec une expertise aéronautique et Vénissieux, qui consolide les flux rhodaniens et du Grand-Est (un 4e hub à Vitrolles est dédié aux groupages avec la Tunisie et l’Algérie). « En 2019, nos flux Europe-Maroc s’élèveront à 24 000 passages en complet et en groupage au moyen de rotations import-export quotidiennes avec la France et depuis peu la Péninsule ibérique. »
Avec un effectif de 150 personnes, la filiale Gefco Maroc propose tous les métiers du groupe sous l’offre Geo Gateway, overseas compris, et compte trois implantations à Tanger, Casablanca et Tit Mellil.
Sa flotte locale comprend une centaine de moteurs dont 50 % destinés à la distribution d’automobiles neuves à l’aide d’ensembles porte-voitures. « Ces capacités appartiennent à Gefco ou sont mises à disposition par des affrétés. Au Maroc, nous sommes aujourd’hui le premier transporteur de voitures neuves avec 80 000 véhicules distribués en 2018, et un parc de stockage de 10 000 places à Tit Mellil. Les véhicules distribués sont importés via Tanger et Casablanca ou produits au Maroc où nous assurons également la gestion des emballages dans le cadre du pool Gefbox pour le transport de pièces détachées automobiles », valorise Emmanuel Arnaud, qui annonce le lancement d’un nouveau service de groupage (FTL) import entre la Turquie et le Maroc.
En ce qui concerne Dachser, l’offre Cargoplus couvre notamment l’ensemble des pays du Maghreb. C’est le cas sur le Maroc où l’entreprise est présente depuis plus de trente ans par l’intermédiaire de sa filiale qui emploie plus de 170 personnes réparties sur quatre sites. « En complément des opérations de transport internationales traitées depuis les sites de Mohammedia et de Tanger, Dachser offre également de nombreuses prestations complémentaires, présente Dominique Charbonnier, directeur de Dachser Cargoplus France. Dachser Maroc possède deux sites logistiques l’un situé à Mohammedia (14 000 m2) et l’autre à Tanger (1 000 m2 avec un projet d’extension à 3 000 m2). Notre filiale est également commissionnaire en transport aérien et maritime, agent en douane et transporteur routier domestique depuis ses agences de Casablanca, Mohammedia et Tanger. Pour le transport intérieur, nous opérons un parc en propre de plus d’une cinquantaine de remorques. » Pour ses échanges entre l’Europe et le Maghreb, Dachser possède une flotte de 400 remorques principalement grand volume équipée de double plancher et, en partie, pour traiter le transport de vêtements suspendus. « Dotée d’un dispositif de géolocalisation, cette flotte s’enrichit depuis trois ans de nouveaux matériels. Composée jusqu’à présent essentiellement de véhicules fourgons, elle intègre désormais des remorques bâchées sécurisées. Elles sont très appréciées par nos clients industriels, des secteurs automotive et aéronautique en particulier, pour la polyvalence et l’optimisation des opérations de manutention. » Les investissements du groupe visent également à renforcer la digitalisation des processus d’informations avec la remontée automatique aux clients des données de suivi. « Pour des industries qui opèrent en flux tendus, cette visibilité est stratégique. »
En complément des six agences Cargoplus France qui organisent chaque semaine des flux en groupage et en complet vers le Maghreb, Dachser s’appuie également sur le site de Bruges (Bordeaux) qui fait fonction de hub et assure des départs quotidiens avec le Maroc. « Ce hub consolide les flux en groupage de notre réseau et organise les lignes quotidiennes en provenance et à destination de Tanger et de Casablanca. » Sur ce schéma qui transite par le détroit de Gibraltar (et ponctuellement par Motril) avec le concours de tractionnaires marocains, espagnols et français, Dachser a traité 6 000 passages l’an passé ; « un flux équilibré », confirme Dominique Charbonnier.
Plus original est le plan de transport air-road déployé pour un équipementier américain. S’appuyant sur ses expertises overseas et la connexion au réseau Dachser monde, les marchandises sont transportées par air entre les États-Unis et Roissy-CDG puis sont reprises par l’agence Cargoplus de Vémars avant d’être expédiées par route jusqu’aux destinataires marocains. « Comparée à un acheminement maritime, cette organisation permet un gain de plusieurs jours ». Autre spécialiste reconnu sur le marché des transports et de la logistique entre l’Europe et le Maghreb, Militzer & Münch (M&M) compte 4 implantations au Maroc regroupant l’ensemble de ses métiers, overseas inclus : 2 à Tanger et 2 à Casablanca adossées à des entrepôts dont un de 8 000 m2 à Casablanca dédié à la logistique domestique pour des flux déjà dédouanés et destinés au marché local marocain. « M&M vient de finaliser l’ouverture d’un magasin avancé de 1 000 m2 pour le secteur automotive à Tanger et est le 1er opérateur signataire de la convention OEA Sécurité-Sûreté pour le secteur du transport international au Maroc, déclare Guillaume de Laage de Meux, directeur général France-Europe du Sud et de l’Ouest-Maghreb du groupe M&M. Cette convention s’accompagne de nombreux avantages puisqu’elle permet à nos clients de bénéficier d’une accélération importante des traitements de leurs opérations internationales. Pertinent aussi pour nos expéditions de fret aéronautique, cet agrément nous permet de réaliser à Casablanca l’ensemble des formalités douanières de façon autonome, en toute confiance et transparence avec les douanes marocaines. »
Avec d’autres acteurs en cours de certification également, la qualité OEA déployée au Maroc s’inscrit dans une démarche plus globale de digitalisation et de simplification des procédures douanières. « La volonté de l’État marocain est de fournir aux investisseurs étrangers dont européens les meilleures conditions possibles pour fluidifier leurs chaînes logistiques. La digitalisation, la simplification et la dématérialisation associées à la démarche OEA illustrent cette ambition. » À noter que la sécurité s’intègre à cette stratégie avec le scanning désormais systématique des remorques à Tanger.
Avec le concours de sa filiale marocaine qui emploie une centaine de personnes, M&M propose des rotations quotidiennes en groupage entre la France et le Maroc en sus de services en complet à la demande. Dans l’Hexagone, ses huit agences dont la nouvelle à Collégien en Île-de-France (M&M ayant doublé ses implantations nationales depuis 2012) contribuent à les alimenter avec consolidation possible sur son hub de Bordeaux. Sur ce schéma qui transite pour l’essentiel par Gibraltar, 7 000 passages ont été traités l’an passé au moyen d’une flotte de 300 remorques Méga dédiée aux échanges entre l’Europe et le Maghreb. Équipée de double plancher et pour le transport de vêtements, laquelle sera totalement géolocalisée d’ici fin 2019. « Nous constatons par ailleurs une augmentation des échanges entre l’Allemagne, les pays d’Europe de l’Est, la Turquie et le Maghreb, le Maroc en particulier. Du fait de son expertise sur ces marchés, M&M France pilote aussi ces flux. »
Pour soutenir ce développement, M&M France a conclu fin 2017 un partenariat exclusif avec le groupe italien Italmondo. Présent sur les flux import-export entre l’Italie et le Maghreb, Italmondo intervient dans les transports nationaux et internationaux par route, mer et air ainsi que dans la logistique et la douane. Bien qu’en croissance, le marché des transports routiers entre l’Europe et le Maroc est soumis à une rude concurrence. En témoigne Marc Grolleau dirigeant de Transcargo à la tête d’un parc de 400 remorques fourgons dédié au marché Maghreb et équipé pour le transport de vêtements suspendus et, pour partie, de système de géolocalisation : « Le transport routier entre la France et le Maroc est aujourd’hui dans les mains de tractionnaires marocains et espagnols ; les transporteurs français ayant de plus en plus de mal à s’y positionner. » Proposant des services en complet et en groupage pilotés via son siège de Vitrolles, Transcargo résiste mais a vu son trafic transitant par Gibraltar chuter à 300 remorques l’an passé. Au Maroc, le transporteur s’appuie sur une filiale à Casablanca qui assure des prestations de transport domestique et douanières avec une équipe d’une quinzaine de personnes et une flotte en propre de cinq tracteurs complétée par des matériels de partenaires locaux.
À la croisée des routes maritimes est-ouest et nord-sud, 200 navires de charge transitent chaque jour par le détroit de Gibraltar. Une localisation stratégique où le Maroc a aménagé le port Tanger Med. Opérationnel depuis 2007, il est devenu aujourd’hui un hub logistique et de transbordement mondial. Un rôle appelé à se renforcer, suite à l’ouverture le 24 juin dernier de deux terminaux conteneurisés. Lesquels portent ses capacités à 9 M EVP, 7 millions de passagers, 700 000 de camions TIR, 15 Mt d’hydrocarbures et à un million de véhicules à l’exportation ! Tanger Med est aussi une plateforme industrielle avec plus de 900 entreprises dont le volume d’affaires à l’export s’élève à 7,3 Md€ par an. Elle héberge plusieurs leaders mondiaux dans l’automobile dont le groupe Renault-Nissan depuis 2012, l’aéronautique, l’électronique, l’agroalimentaire, le paramédical et le textile. Avec l’ambition de l’agrandir à terme à plus de 200 ha, le hub logistique de Tanger Med rassemble 400 000 m2 d’entrepôts aujourd’hui.
Toutes activités confondues, Tanger Med emploie 75 000 personnes dont plus de 90 % dans l’industrie. En 2018, il a traité 52 Mt dont 3,4 M EVP constitués à 90 % de transbordement, 479 300 véhicules neufs à l’export et 326 800 camions TIR dont le traitement est parfois tendu, comme à Algésiras d’ailleurs, lors des grandes migrations estivales.
Lancé par CMA CGM en octobre 2017, le service roulier entre Marseille et Tanger a finalement stoppé ses rotations trois mois plus tard faute de rentabilité selon l’armement. Baptisé Morocco Express, il proposait un transit-time de 36 heures entre les ports phocéen et marocain à raison de deux à trois départs par semaine et par port au moyen de deux navires de 180 remorques de capacité chacun. Désormais cantonné à la liaison Marseille-Casablanca, ce service n’est pas le seul à relier la France au Maroc. À Sète, Grandi Navi Veloci (GNV) propose deux rotations, une avec Tanger à raison d’un à deux départs par semaine selon la saison, l’autre avec Nador à raison d’une à deux rotations tous les dix jours. Avec des transit-times compris entre 45 et 51 heures, ces liaisons maritimes peinent à rivaliser face aux plans de transport routier via l’Espagne, plus souples, plus compétitifs et plus rapides avec des délais d’une vingtaine d’heures porte à porte. L’annonce d’une autoroute ferroviaire au port de Marseille en 2020 reliée à Bettembourg, Calais et le nord de l’Europe changera-t-elle la donne sachant que, selon CMA CGM, un parcours maritime entre Marseille et Tanger réduit déjà de moitié les émissions de CO2 par rapport à un trajet par route ? Exception à la règle, le service roulier atlantique entre Tanger, Vigo et Saint-Nazaire utilisé, notamment, par Gefco.
Engagé dans un plan d’amélioration de son industrie logistique depuis le début des années 2000, le Maroc a identifié plusieurs expertises et prestations à développer en priorité dont une offre sous température dirigée. C’est dans ce cadre que Sofrilog a annoncé le 15 janvier 2019 son projet d’implantation dans le pays avec le concours d’un partenaire local, la famille Lorabi. Ensemble, ils ont créé en juillet 2017 La Marocaine Frigorifique et Logistique (LMFL) détenue à parité. Dotée d’un capital de 10 millions de dirhams, soit près de 1 M€, LMFL prévoit la création d’une offre de stockage et de distribution porte-à-porte multi-clients sous température dirigée en 2020. Au démarrage, elle s’appuiera sur une plateforme tri-températures à Casablanca. Selon un modèle éprouvé par Sofrilog en France, la distribution sera assurée à l’aide d’un parc propre et de moyens affrétés. Cette offre domestique couvrirait l’ensemble du territoire autour d’un axe Casablanca-Rabat. « Cette zone de chalandise concentre 45 % de la production alimentaire marocaine, la moitié des implantations de la grande distribution et de la RHF du pays ainsi qu’un tiers de sa population », souligne Fatima Zahra Lorabi, directrice générale de LMFL et ancienne salariée de STEF en France. En sus de clients locaux, les futures prestations annoncées s’adresseront aussi aux clients français de Sofrilog intéressés par la continuité de son réseau à l’international.
Sous couvert d’autorisations obtenues auprès des autorités espagnoles, XPO Logistics a lancé fin mai un nouveau service en camions longs de 25,25 m et d’un poids maximal de 60 t. Avec plusieurs rotations par semaine, il relie la Galice en Espagne et le Maroc chargé de matières premières dans le sens Nord-Sud et de textiles destinés à la vente au détail au retour. Pour ces prestations, XPO exploite actuellement 15 ensembles « 25,25 » qui affichent une réduction des émissions de CO2 jusqu’à 20 % grâce à la massification et à l’optimisation des consommations qu’ils permettent. Présent à Tanger et à Kenitra, XPO déclare 18 000 traversées de remorques par an via Gibraltar.
*Hors matériels militaires.