En France, les transporteurs disposent désormais d’une gamme complète de groupes frigorifiques neufs qui répondent aux obligations de la réglementation européenne F-Gas II. Abandonnant le R404A, la production de froid de ces groupes s’appuie sur des fluides frigorigènes R452A, R134a ou la cryogénie. « Depuis le 1er janvier 2018, 100 % des groupes proposés par Carrier Transicold qui utilisaient du R404A sont alimentés en R452A. Nos 600 points de service sur la zone EMEA plus Russie sont également équipés pour fournir aux transporteurs des charges complètes ou partielles avec ce fluide », déclare Lionel Pourcheresse, responsable Solutions Produits de la marque en France où elle fabrique ses produits à Franqueville-Saint-Pierre près de Rouen. « Pour améliorer la performance de nos modèles et diminuer leur empreinte carbone, nous travaillons sur trois axes : réduire la quantité de réfrigérant au moyen de nouveaux composants dont des condensateurs de nouvelle génération, le confinement pour abaisser les fuites en privilégiant les systèmes électriques hermétiques plutôt que mécaniques, et l’emploi de fluides frigorigènes à faible potentiel de réchauffement global (PRG) », indique le responsable. Avec l’utilisation par exemple du R452A, la filiale de l’américain UTC déploie sur ses gammes Vector et Pulsor la technologie tout-électrique Eco-Drive. « Elle élimine les transmissions mécaniques et transforme la puissance du moteur en électricité grâce à un générateur réduisant les risques de fuite (– 50 %), les émissions ainsi que la consommation de carburant et les nuisances sonores du groupe. Eco-Drive permet de maintenir une puissance calorifique constante et plus précise quel que soit le régime moteur », précise Lionel Pourcheresse.
En qualité de HFC soumis à la réglementation F-Gas II, les fluides R452A et R134a sont toutefois condamnés à terme. Dans cette perspective, que tous les fabricants de groupes partagent, Carrier Transicold mène plusieurs recherches notamment sur des fluides à très bas PRG. « Inférieurs à 300, leur mise en exploitation dans le transport routier pourrait intervenir à l’horizon 2023-2025 », confie Lionel Pourcheresse. Une autre recherche concerne le réfrigérant naturel CO2 R744 utilisé en circuit fermé. « Au stade de prototype, une dizaine d’exemplaires de groupes CO2 pour semi-remorques et remorques sont en test en Europe, sachant que cette technologie est éprouvée depuis plus de cinq ans dans les conteneurs maritimes », ajoute-t-il. À la différence du mode maritime, cette solution doit relever au moins deux défis : une ouverture plus fréquente des portes du camion et son espace limité pour y loger les composants du groupe. « La compression du CO2 est complexe, et l’enjeu est de configurer des compresseurs adaptés en performance, puissance et taille. Une fois cette difficulté résolue, cette technologie pourra sans doute être déclinée aux porteurs et utilitaires », ajoute le manager. La commercialisation des premiers Vector CO2 est escomptée à l’horizon 2023-2025 sachant que Carrier Transicold a lancé récemment sur le segment des remorques et semi-remorques l’unité frigorifique multitempératures Supra CNG Piek alimentée au gaz naturel comprimé pour ensembles GNV.
Au départ optionnel, le R452A est devenu le fluide standard chez Thermo King depuis janvier 2016. « Notre marque s’est attelée à fournir une solution alternative au R404A dès la publication du règlement 514/2014 dit “F-Gas II”, rappelle Arnaud De Ridder, directeur de Thermo King et Frigoblock, deux marques filiales du groupe irlandais Ingersoll Rand. Nous utilisons également le R134a pour toutes les applications opérant dans le frais, et le R410A pour nos modèles Frigoblock. Ce dernier permet d’obtenir plus de puissance unitaire sans impacter l’encombrement et le poids des groupes », précise le directeur. Avec des PRG respectifs de 1 430 et 2 088, les gaz R134a et R410A ne sont pas concernés par le seuil fixé par le F-Gas II en 2020 sachant que « le fluide universel capable de couvrir toutes les applications du transport frigorifique, du frais au congelé, n’existe pas », indique Arnaud De Ridder.
Chez Thermo King et Frigoblock, dont le réseau national compte 43 points de service, la transition vers des fluides frigorigènes s’inscrit dans une réflexion globale baptisée « Thermotopia » et consacrée à la mobilité future en zone urbaine. « Qu’il s’agisse de défis ou d’opportunités, les perspectives les plus intéressantes résident au cœur des villes, notamment face à l’urbanisation croissante et à l’évolution des réglementations », ajoute le directeur. Intégrant l’emploi croissant de technologies numériques en matière de tracing des températures et de gestion à distance des groupes, cette démarche s’accompagne de plusieurs innovations.
Conçu à la fois pour utilitaires et porteurs électriques et thermiques de moins de 3,5 tonnes, le nouveau groupe E-200 électrique Thermo King « garantit une puissance frigorifique et calorifique constante, indépendante du fonctionnement du véhicule sans émissions polluantes ni nuisances sonores », présente Arnaud De Ridder. Disponible début 2019 en France avec, au choix, les fluides R452A ou R314a, il est constitué de composants originaux tels qu’un contrôleur qui adapte avec précision la capacité de refroidissement aux besoins réels du transporteur et à la puissance disponible. « Profitant de la fiabilité et d’une réduction des fuites délivrées par les systèmes électriques, il parvient à gérer simultanément plusieurs sources d’alimentation pour bénéficier d’une autonomie de fonctionnement lors des arrêts de livraison ou des pauses », détaille le directeur. Pour petits porteurs et fourgons électriques et thermiques avec alternateur, la série B-100 Thermo King est également zéro émission et s’adresse aux mobilités urbaines. Silencieuse et pour toutes applications sous température dirigée, du frais au congelé en passant par les applications nécessitant le maintien de températures positives comme certains produits pharmaceutiques, elle se distingue par son autonomie. Laquelle est permise par une batterie auxiliaire de 12 V installée de série sur les véhicules électriques qui suffit à l’alimenter. Tous les modèles de cette série B sont proposés avec les réfrigérants R452A ou R134a.
À noter que Frigoblock complète les offres E-200 et B-100 par ses gammes FK, EK et HK également électriques pour porteurs, remorques et semi-remorques compatibles avec les moteurs GNC et GNL.
Dévoilé à Solutrans 2017, le groupe frigorifique mono ou multi-températures SLXi thermique hybride Thermo King pour porteurs, semi-remorques, ainsi que pour utilitaires, se démarque par sa polyvalence. « Utilisant le fluide R452A, il peut fonctionner en mode électrique, qu’il soit relié à une source d’alimentation triphasée à quai ou qu’il circule sur la route. Déjà utilisés sur les modèles Frigoblock, le système EnviroDrive et le générateur Inverter, installé sur le moteur du véhicule et associé à un système d’entraînement à inverseur, fournissent une alimentation électrique constante, pour une totale autonomie provenant du moteur thermique, qui peut être redémarré si nécessaire. En moyenne, le SLXi hybride génère une économie de carburant et une réduction des émissions polluantes de l’ordre de 50 % », explique Arnaud De Ridder. En complément, la série SLXi est équipée d’un moteur GreenTech certifié conforme Phase V relative aux engins mobiles non routiers.
Conscient comme les autres fabricants de groupes frigorifiques embarqués de la fin programmée des HFC R452A et R134a, Thermo King développe en parallèle une gamme cryogénique baptisée CryoTech. Zéro émission, elle utilise du dioxyde de carbone liquide (CO2, R744) recyclé et commercialisé comme réfrigérant. « Indépendamment du véhicule utilisé, la technologie Cryotech est une solution ultra-silencieuse certifiée Piek. Le R744 recyclé est obtenu à partir de processus industriels sous la forme d’un dérivé qui, dans un autre contexte, aurait été libéré dans l’atmosphère. Son utilisation ne pèse donc pas davantage sur le réchauffement planétaire », indique le directeur. Assurant une descente en température rapide, elle s’adresse à la distribution urbaine, où le groupe est fréquemment mis à l’arrêt lors des livraisons.
Toutes les solutions de froid embarqué conçues par Air Liquide respectent la réglementation européenne F-Gas, puisqu’elles ne reposent pas sur des HFC mais sur la cryogénie à partir d’azote liquide ou de neige carbonique. « Dans le cadre d’une approche globale intégrant le gaz naturel et le biogaz comprimé (GNC), liquéfié (GNL), l’azote liquide et l’hydrogène, Air Liquide met à disposition des transporteurs de nouvelles énergies décarbonées », déclare Luc Vandewalle, directeur commercial Mobilité biométhane et Solutions propres au sein d’Air Liquide Advanced Business Technologies Europe. Au travers de la solution baptisée Blueeze pour porteurs, remorques et semi-remorques, l’azote liquide alimente les camions disposant d’un groupe froid cryogénique avec, à la clé, une réduction de 100 % du bruit, de 90 % des particules fines et de 85 % de l’empreinte carbone. « Cette offre ne rejette que de l’azote, composant naturel de l’air. » Elle s’appuie sur un réseau de distribution nationale d’azote liquide qui comptera 14 stations publiques multi-énergies et privatives chez des transporteurs d’ici à fin 2018. « En 2019, nous projetons l’ouverture de 10 nouvelles stations multi-énergies. Elles sont localisées à proximité de zones logistiques qui desservent des centres urbains. » À partir d’un réservoir à ultrabasse température de 650 à 930 litres situé sous le véhicule, un plein est réalisé en cinq minutes au moyen d’un système sécurisé sans contact contrôlé par électronique. Par mesure de précaution, l’opérateur est néanmoins équipé d’un EPI composé de lunettes et de gants.
Sous la forme d’une solution cryogénique de production de froid indirecte à l’azote liquide, la solution Blueeze « assure des descentes en température deux fois plus rapides que les groupes diesel classiques ». Le refroidissement de l’air de la caisse du camion s’effectue par la circulation d’azote liquide à – 196 °C dans un ou des échangeurs étanches avant rejet de l’azote sous forme gazeuse dans l’atmosphère. « Fiable et mature, notre technologie permet un contrôle plus précis des températures et fournit une puissance maximale disponible même lorsque le moteur du véhicule est arrêté ou au ralenti. Elle est en outre certifiée Piek avec des émissions sonores inférieures à 57 dBA à puissance maximale », détaille Luc Vandewalle.
En sus de la fourniture du groupe frigorifique cryogénique mono ou multitempératures sans pièces mobiles, Blueeze est une offre complète et intégrée comprenant l’approvisionnement en azote liquide, la maintenance toute France du système de production de froid voire de la station de distribution livrée clés en main ainsi que tous les services et formations associés. Lors du salon Solutrans 2017, les Transports Perrenot ont ainsi commandé 69 groupes froid cryogéniques Blueeze pour équiper une partie de leurs flottes GNV et bio-GNV de marque Iveco. Utilisés notamment pour servir son client Easydis, filiale logistique du distributeur Casino, les groupes sont installés sur des porteurs et remorques frigorifiques par Lamberet. Commercialisée depuis 2015, la solution Blueeze équipe aujourd’hui plus de 200 véhicules frigorifiques en France.
Le dernier Solutrans a aussi été l’occasion pour Air Liquide de dévoiler son prototype de groupe froid alimenté par de la neige carbonique. Baptisé Cryocity et destiné à la logistique du dernier kilomètre au moyen d’utilitaires de 4 à 16 m3, il est actuellement testé par Petit Forestier et Comptoir du frais, distributeur de produits frais pour la restauration hors foyer. « Autonome, propre et silencieux, sa technologie brevetée sur la base de neige carbonique délivre une source de froid puissante maintenant les produits au frais pendant la durée de la tournée. La neige carbonique est produite instantanément depuis une source de CO2 liquide valorisée dans un réservoir-échangeur installé dans la caisse et conçue pour optimiser la charge utile du véhicule », présente Luc Vandewalle.
Indépendante de la motorisation de l’utilitaire, la solution Cryocity affiche une empreinte carbone réduite de 75 % par rapport à un système alimenté par énergies fossiles. Elle complète les offres Carboglace et Carbofresh à partir également de neige carbonique qu’Air Liquide propose aux véhicules d’une capacité inférieure à 4 m3.
Lauréate de l’appel à projets innovants 2014 du Club Déméter Environnement et Logistique, la gamme de groupes frigorifiques mono et multitempératures développée par TMC Saroul se distingue par son fonctionnement 100 % autonome et électrique. « À grande efficience énergétique, elle est basée sur une conception sans courroie, un circuit recyclage en cuivre et une faible charge de fluide frigorigène R452A », présente son dirigeant Philippe Saroul. Solution de production de froid embarqué destinée aux fourgonnettes, utilitaires et porteurs jusqu’à 19 tonnes/60 m3, son alimentation est assurée par un pack d’une à plusieurs batteries qui se rechargent grâce à l’alternateur du véhicule. « Sans modification technique sur ce dernier, cette alimentation permet une économie de carburant et d’émissions polluantes de plus de 75 % comparée à un groupe frigorifique diesel. » Respectant la norme antibruit Piek, leur puissance est constante, que le véhicule soit à l’arrêt, au ralenti ou en phase de roulage avec une autonomie variable selon le pack de batteries choisi. Comptant notamment Star Service pour client, Philippe Saroul déclare la production de 400 unités par an et une flotte en circulation de plus de 4 000 groupes avec une forte notoriété dans le transport de produits médicaux et pharmaceutiques. Réparti sur toute la France, son réseau SAV compte une trentaine de points de service.
Placée en redressement judiciaire en juin 2018, la société Coldway, spécialisée dans la production de froid autonome par absorption, a été reprise fin octobre par le spécialiste de l’emballage réfrigérant Sofrigam. Utilisé en logistique urbaine dans des box isothermes, le procédé de Coldway s’appuie sur une production de froid et de chaleur autonome à partir d’une réaction thermochimique entre de l’ammoniac, des sels et du graphite. Sa solution se compose de trois éléments : un réacteur contenant le matériau réactif (sel et graphite), un évaporateur où est logé de l’ammoniac liquide, et une vanne de communication entre les deux réservoirs. À l’ouverture de la vanne, l’ammoniac se vaporise à l’intérieur de l’évaporateur et produit du froid tandis que le gaz est absorbé par les sels en dégageant de la chaleur. Cette production de froid et de chaleur immédiate et contrôlée peut avoir une amplitude de – 30 °C à + 200 °C. Une fois l’ammoniac évaporé, la production de froid et de chaleur s’arrête. Le système est alors rechargé au moyen d’un apport de chaleur extérieur (électrique, solaire, récupération, etc.) qui provoque la condensation de l’ammoniac. Régénéré, le système thermochimique stocke l’énergie et est prêt à être réutilisé. Le cycle est réversible à l’infini sachant que les éléments réactifs que sont l’ammoniac, les sels et graphites, sont confinés dans un circuit hermétique ne nécessitant aucun remplissage. Sans impact sur la couche d’ozone ni HFC, consommables ou énergie extérieure, la solution de production de froid conçue par Coldway est enfin silencieuse car sans moteur.
E.D.
