Des files ininterrompues de camions sur une portion de nationale ou au détour d’un rond-point. Ces images ont fait le tour des télévisions pendant la semaine du 19 novembre. Camions bloqués, enseignes de distribution non livrées, marchandises immobilisées, usines sous tension… En corollaire, des conducteurs contraints à l’attente dans leur cabine des heures entières, des jours pour certains, au mépris de l’hygiène la plus élémentaire… La barque est pleine de ces actions qui commencent à « hérisser », le mot est faible, le poil des transporteurs, petits et grands. Certains, du côté de Lille, en sont même à perdre le Nord, à l’image de Christophe Caron, spécialiste du transport frigorifique (10 camions dans le froid et le sec). « Nous avons tous perdu entre 50 % et 70 % du chiffre d’affaires. Pour ceux qui opèrent dans l’alimentaire, les conséquences ont commencé un week-end avant. Certaines plateformes n’ont pas pris le risque de charger le samedi. Du coup, nous avons perdu toutes les tournées du samedi. Au niveau des navettes, au lieu de 15, nous avons opéré cinq tournées. » Christophe Caron appartient à l’ex-collectif Spinelli, qui voulait « monter à Paris » au temps de l’écotaxe. Il avait le projet, avec d’autres, de rejoindre la capitale pour manifester ce 2 décembre – sans se joindre aux Gilets jaunes – mais y a finalement renoncé. « On voulait manifester pour le gazole, les charges, la concurrence déloyale. Mais nous avons perdu trop de chiffre d’affaires la semaine dernière. Aussi nous préférons rester dans nos exploitations. »
L’anarchie – du moins l’absence d’organisation et d’encadrement – qui règne autour du mouvement des Gilets jaunes a fait prendre les camions pour cibles. « Ce ne sont pas nos entreprises de transport qui licencient. Au contraire, nous cherchons désespérément à embaucher. Nous sommes des opérateurs économiques, pas des décideurs politiques. Ce sont nos entreprises et nos emplois qui subissent les conséquences en première ligne », déclare la FNTR Picardie dans un communiqué. Plus bas, dans le Sud-Est, la situation de ras-le-bol perdure. À Avignon, à Nîmes, dans les Alpes-de-Haute-Provence (Barcelonnette, où 130 véhicules étaient bloqués le 26 novembre), du côté de Marseille ou de Fos, les actions de blocage et de filtrage se poursuivent. D’autant plus que le discours d’Emmanuel Macron le 27 novembre n’a pas convaincu grand monde dans les rangs des Gilets jaunes. Ni du côté du patronat du TRM (cf. verbatim de Claude Blot, président de TLF). « En PACA, nous avons beaucoup souffert à partir du samedi 17 novembre. La semaine du 26 novembre, la tension s’est relâchée, notamment au niveau des dépôts pétroliers », souligne Jean-Marc Montagnac, secrétaire général de l’OTRE PACA. Lequel pointe du doigt l’action « nocive » de bandes venues des quartiers nord de Marseille qui se mêleraient aux Gilets jaunes et constitueraient, selon lui, une menace pour les conducteurs. Jean-Marc Montagnac dit même s’être fendu d’un courrier en direction du préfet afin de l’alerter sur la situation. Le responsable patronal indique à ce sujet que lesdites bandes « ont confectionné des clous artisanaux pour les placer sous les roues des camions ». Selon Jean-Marc Montagnac, les blocages et autres filtrages mènent à cette situation ubuesque qui veut que « nous ne satisfaisons pas les livraisons mais nous faisons payer les charges fixes au client ». Il appartient à l’État de prendre ses responsabilités…
« Nous sommes pénalisés de plein fouet. Il serait temps que l’ordre public soit restauré. Dans son discours du 27 novembre, le président de la République nous a montré sa vision de la transition écologique à vingt voire trente ans. J’espère que les entrepreneurs seront invités aux travaux de réflexion, notamment au sein du Haut Conseil pour le climat qu’il met sur pied. Emmanuel Macron a parlé de taxe flottante. Je pense qu’il faisait allusion à la taxe carbone, mais je rappelle qu’il y aura augmentation de la TICPE au 1er janvier 2019. […] Il a également évoqué les contrats de transition énergétique qui seraient signés avec les Régions. Le transport privé peut être concerné par ces contrats […]. Il faut aussi se pencher sur l’inégalité énergétique qui pénalise certaines Régions et frappe certains secteurs économiques français en matière de compétitivité sur le marché européen. »