EVE fédère la chaîne du transport routier

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Engagements volontaires pour l’environnement des acteurs de la chaîne logistique, EVE rassemble donneurs d’ordres et prestataires autour d’un objectif commun : la transition écologique et énergétique du transport routier. En plus de Fret21, de la Charte et du Label Objectif CO2, un nouveau dispositif EVcom pour les commissionnaires a été dévoilé le 19 septembre et une plateforme d’échanges de données environnementales est annoncée début 2020.

Pour améliorer la performance environnementale du transport routier, transporteurs, commissionnaires et leurs clients s’accordent en faveur de politiques fondées sur le volontariat soutenu par des mesures incitatives. Si ce volet mériterait d’être davantage approfondi à leurs yeux, « le principe d’engagements volontaires a démontré sa pertinence depuis plus d’une décennie », constate Laure Dubois, secrétaire générale adjointe de l’OTRE. En témoignent les dispositifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) Charte Objectif CO2 dès 2008, Fret21 sur une phase pilote à partir de 2015 et Label Objectif CO2 créé en 2016. Le premier s’adresse aux transporteurs routiers de marchandises et de voyageurs pour compte d’autrui et pour compte propre. Le deuxième est destiné aux entreprises, issues de la distribution et de l’industrie, agissant en qualité de donneurs d’ordres des transporteurs routiers. « Quant au Label Objectif CO2, il permet de valoriser un niveau de performance énergétique et environnementale des transporteurs routiers de marchandises, déjà engagés ou non dans la Charte Objectif CO2, au moyen d’un audit indépendant », rappelle Rodolphe Lanz, secrétaire général de la FNTR. Ce label est appelé à être étendu aux transporteurs routiers de voyageurs d’ici à la fin de l’année.

Tronc commun

Déployés par le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), l’Ademe et les organisations professionnelles concernées par l’organisation des transports routiers (FNTR, TLF, OTRE, AUTF, CGI et FNTV), ces dispositifs comptent aujourd’hui plus de 1 500 entreprises. Lesquelles sont composées pour l’essentiel de « chartées » Objectif CO2 et de labellisées Objectif CO2 sachant qu’une trentaine d’entreprises ont adhéré à Fret21 pendant sa phase pilote. Significatif, le nombre de véhicules couverts par ces dispositifs représente 30 % de la flotte française (fret et voyageurs confondus) pour un gain estimé à près de 3,7 millions de tonnes de CO2e* depuis leur création.

Présenté par Yann Tréméac, de l’Ademe, chaque dispositif repose sur une approche identique : « Évaluer la situation de référence en matière de consommation d’énergie et d’émissions de GES au moyen d’un diagnostic complet réalisé avec des outils mis à disposition par l’Ademe, identifier et mettre en œuvre un plan d’actions personnalisé, se fixer un objectif global de réduction des émissions de GES sur une durée de trois ans, se donner les moyens de suivre la mise en œuvre du plan d’actions et d’atteindre les objectifs. »

Créer des synergies et aller plus loin

Bien que pertinentes, ces démarches ont l’inconvénient de « raisonner en silo » en s’appliquant à chaque maillon de la chaîne du transport routier. En l’état, cette faiblesse est susceptible de freiner l’amélioration de l’efficacité énergétique globale des transports dont les objectifs sont fixés dans la stratégie nationale bas carbone de la France. Par rapport à 2013, année de référence, elle fixe une baisse des émissions de GES du transport à 29 % à l’horizon 2030 et d’au moins 70 % d’ici à 2050. « Ces résultats ne sont atteignables que si l’ensemble des acteurs du transport routier et de la logistique s’engagent dans une dynamique de progrès de leur performance énergétique. Or ce secteur est très morcelé », souligne le chef adjoint du service transports et mobilité de l’Ademe. Le seul transport routier public de fret compte 35 000 entreprises dont 80 % sont des TPE de moins de 10 salariés. « Pour les atteindre, il est nécessaire d’être au plus près d’elles dans les territoires et d’impliquer, en même temps, les donneurs d’ordres, qu’ils soient chargeurs ou commissionnaires, et leurs transporteurs afin qu’ils puissent agir individuellement sur leurs propres leviers, mais aussi de façon collective dans le cadre d’actions collaboratives, explique Yann Tréméac. C’est sur la base de ces constats qu’est né le programme EVE (engagements volontaires pour l’environnement des acteurs de la chaîne logistique et du transport de voyageurs) ». Acté par la signature d’une convention entre le MTES, l’ADEME, Total Marketing France, l’AUTF, la CGI, la FNTR, la FNTV, l’OTRE et TLF, son lancement remonte au 10 octobre 2018 et sa durée est prévue jusqu’au 31 décembre 2020. « EVE a pour vocation de fédérer l’ensemble des parties prenantes du transport routier et de la logistique autour d’un objectif commun : la transition écologique et énergétique du secteur », met en avant Denis Choumert, président de l’AUTF.

Nouveau dispositif EVcom

Pour encourager les synergies entre acteurs, il rassemble les dispositifs existants de Objectif CO2 (Charte et Label), Fret21 et un nouveau destiné aux commissionnaires baptisé EVcom. Son lancement officiel et la présentation de ses premiers signataires se sont déroulés le 19 septembre à Paris en présence de tous les membres du programme EVE. Avec le concours du cabinet CPV Associés, « 12 commissionnaires pilotes l’ont testé », rappelle Jérôme Douy, directeur délégué aux pôles multimodal, supply chain et développement durable de TLF. Premiers commissionnaires signataires de la charte EVcom, ils sont adhérents de l’Union mais aussi de la FNTR et de l’OTRE. Selon la même logique appliquée à Objectif CO2 et Fret21, « EVcom s’articule autour d’engagements volontaires de réduction des émissions de GES sur une durée de trois ans renouvelable, au moyen d’un diagnostic en début de période, d’un plan d’actions personnalisé assorti d’objectifs et d’un système pour suivre leur mise en œuvre. TLF travaille sur ce dispositif depuis 2016 », précise le directeur.

Son plan d’actions comporte quatre axes : l’optimisation des émissions de la flotte de véhicules lorsque le commissionnaire en exploite une (passerelle possible avec Objectif CO2), les achats responsables de transport (croisement possible avec Fret21), la relation client via, par exemple, un accompagnement dans l’optimisation des plans de transport ou le report modal, et une démarche RSE s’inspirant du référentiel RSE Logistique lancé par la DGITM en septembre 2018. « Chaque engagement volontaire devra comprendre au moins cinq actions minimum, une dans chaque axe sauf lorsque le commissionnaire n’opère pas de flotte en direct où seules quatre actions minimum sont alors requises », complète Laure Dubois. Son suivi se fera à l’aide d’une application Excel à l’instar de Fret21. Les deux dispositifs s’appuieront à terme sur des portails Web comme pour la remontée des données et le suivi des engagements dans la Charte Objectif CO2.

Double cible

Sur la base de ces dispositifs, EVE fixe d’ici fin 2020 un cap ambitieux de réduction d’émissions de GES chiffré à « plus d’un million de CO2e supplémentaire par an ». Tout aussi ambitieuse est la création d’une plateforme commune d’échanges de données environnementales entre prestataires et leurs clients. Permettant à ces derniers d’accéder à des informations précises sur l’émission en GES de leurs transports routiers, « cette plateforme sera un moyen de se conformer au décret n° 2017-639 “Information GES des prestations de transport” imposant aux prestataires (transporteurs et commissionnaires) de communiquer à leurs clients la quantité de GES émise pour le transport de leurs marchandises », indique Rodolphe Lanz. À noter que le décret n° 2017-639 a modifié l’obligation d’affichage des émissions de CO2 en vigueur depuis le 1er octobre 2013. Une première version du système d’information EVE est annoncée début 2020. Pour atteindre ces objectifs, la convention de mise en œuvre d’EVE fixe une série d’objectifs. « Cumulés, ils prévoient de sensibiliser 4 650 entreprises, tous profils confondus », poursuit le secrétaire général de la FNTR. Ainsi, 3 350 « établissements » transporteurs devront être sensibilisés à Objectif CO2 (Charte et Label) ainsi qu’à la future plateforme d’échanges de données environnementales par la FNTR, TLF, l’OTRE, la CGI et la FNTV. Sauf pour la CGI, la répartition des entreprises à sensibiliser (comme le budget associé) est fonction de leur représentativité nationale.

Travail de sensibilisation

Dans le même temps, 1 000 chargeurs issus de la distribution ou de l’industrie devront être sensibilisés à Fret21 et à la plateforme par l’AUTF. « Notre mission dans le cadre du programme EVE va plus loin que la sensibilisation avec la présentation détaillée de Fret21 jusqu’à une phase d’adhésion au dispositif qui ne présage pas obligatoirement d’un engagement volontaire à la fin de cette démarche plus longue. Ce travail de sensibilisation est mené par filière avec le concours des fédérations sectorielles comme la chimie, l’automobile, la grande distribution, l’agroalimentaire… », explique Denis Choumert. Enfin 300 « établissements » commissionnaires devront être sensibilisés à EVcom et à la future plateforme. Le déploiement de cette campagne de sensibilisation terrain s’appuie notamment sur les réseaux régionaux de la FNTR, TLF et l’OTRE. À date, ces dernières déclarent avoir rempli 40 à 75 % de leurs objectifs contre 40 % pour l’AUTF qui mise sur une accélération sous peu suite au travail d’information mené auprès de ses filières. Soit, selon l’Ademe, 1 500 entreprises sensibilisées à fin août tous dispositifs confondus.

Eco CO2 prend le relais sur le terrain

À chaque sensibilisation, une attestation est émise par les organisations professionnelles. Elle précise le nom de l’entreprise, ses coordonnées, sa flotte éventuelle et surtout la personne à contacter. Elle est transmise à la société Eco CO2 sélectionnée sur appel d’offre par l’Ademe. « En étroite collaboration avec les agences régionales de l’Ademe, des Dreal et réseaux locaux des organisations professionnelles rassemblés parfois en comités régionaux, notre mission est d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de leurs engagements volontaires », indique Gil Doat, chef des programmes transport et logistique d’Eco CO2. « Spécialisée dans la mise en œuvre de programmes de sensibilisation environnementale générateurs de certificats d’économies d’énergie (CEE) depuis 2008, notre société compte 54 personnes dont plus de la moitié est sur le terrain. Parmi eux, 10 sont d’anciens chargés territoriaux de l’AFT qui, précédemment, accompagnaient les transporteurs aux dispositifs Charte et Label Objectif CO2 ». À cette équipe formée également à Fret21 et à EVcom s’ajoutent des référents nationaux affectés à chaque dispositif et à l’élaboration de la plateforme d’échanges de données environnementales ainsi qu’un responsable communication chargé d’une grande partie du programme EVE. D’ici fin 2020, cette dynamique au sein de la chaîne du transport routier devra aboutir à 700 entreprises chartées Objectif CO2 et à 500 labellisées Objectif CO2.

CAP et financement chiffrés

Renouvellements compris, les chartes et labels permettront d’atteindre une réduction de 720 000 tonnes de CO2e par an. Pour Fret21, 200 entreprises signataires, renouvellements inclus également, sont escomptées avec, à la clé, une réduction de 400 000 tonnes de CO2e par an fin 2020. Quant à EVcom, son objectif est l’adhésion au dispositif de 60 commissionnaires permettant d’économiser jusqu’à 120 000 tonnes de CO2e par an. Depuis le lancement du programme EVE, 250 entreprises ont adhéré à l’un des dispositifs à fin août selon l’Ademe, primo-accédants et renouvellements compris. « La convention de mise en œuvre d’EVE prévoit aussi un nombre d’utilisateurs de la future plateforme d’échanges de données environnementales d’ici fin 2020, soit 1 200 transporteurs routiers, 200 chargeurs et 60 commissionnaires », relève Laure Dubois.

Pour orchestrer ce programme, sa gouvernance fait intervenir l’Ademe en qualité de porteur pilote, des représentants du MTES via la DGEC et la DGITM, les organisations professionnelles en qualité de porteurs associés, et le financeur Total Marketing France. Lequel apporte l’essentiel des 15 M€ budgétés pour son déploiement par le biais de la quatrième période du dispositif CEE qui a débuté le 1er janvier 2018 pour trois ans. Via l’Ademe, ce financement permet de couvrir les dépenses des organisations professionnelles sur présentation de justificatifs ainsi que les actions d’Eco CO2 et la réalisation de la plateforme d’échanges de données environnementales. Sur appel à projet, sa construction a été confiée par l’Agence à l’éditeur informatique CGI. Conforme au RGPD, elle devra notamment répondre aux attentes de simplicité et de sécurisation manifestées par les représentants des transporteurs routiers. Aidée par un intranet, la conduite de l’ensemble du programme est assurée par un comité de pilotage et des comités opérationnels dédiés à chaque dispositif et à la plateforme d’échanges de données.

Calendrier serré

En raison du récent lancement d’EVcom et dans l’attente du système d’information EVE, les organisations professionnelles reconnaissent leurs difficultés à sensibiliser les entreprises sur les deux outils. Ce décalage dans leur mise à disposition laisse à penser qu’un prolongement d’au moins un an serait souhaitable. Supposant l’aval du MTES via la DGEC notamment, cette hypothèse très probable serait facilitée en termes financiers par la décision récente de prolonger d’un an la quatrième période du dispositif CEE.

Au-delà de 2020 (ou 2021), la convention de mise en œuvre d’EVE impose aussi à l’Ademe et aux organisations professionnelles d’élaborer un projet de pérennisation de la démarche qui ne reposerait plus nécessairement sur le mécanisme CEE ouvrant actuellement un débat sur les sources financières possibles.

*L’équivalent CO2 noté « CO2e » est une unité de mesure créée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) pour pouvoir cumuler les émissions des différents gaz en tenant compte de leurs contributions spécifiques à l’effet de serre.

Ouverture aux polluants atmosphériques

Si les objectifs de réduction des émissions couvertes par EVE concernent les GES, lors de la phase d’évaluation d’autres polluants atmosphériques tels que les NOx et particules sont pris en compte par les nouvelles fiches actions des dispositifs Objectif CO2 (Label et Charte), Fret21 et EVcom. Cette orientation était notamment souhaitée par les collectivités territoriales qui disposent elles aussi d’un programme d’engagements volontaires dans le cadre national des chartes sur la logistique durable en ville. Au nombre de trois, ses grands principes sont la concertation avec les acteurs concernés (transporteurs, commerçants, riverains…) pour harmoniser les volontés des collectivités et les réalités économiques des partenaires, la définition d’un périmètre adapté aux problématiques urbaines (ville, agglomération voire département dans certains cas), et la réalisation d’un plan d’actions avec objectifs de résultat. Sur la base d’expérimentations menées par cinq collectivités entre 2017 et 2018*, la DGTIM met à disposition une « boîte à outils » afin de faciliter l’élaboration de ces chartes. Lors des Rencontres internationales de la supply chain le 20 juin dernier à Paris, l’Aslog, le Club Demeter et l’Institut du Commerce ont également décidé de collaborer autour d’un nouveau programme baptisé « Engagement volontaire pour une logistique urbaine efficiente ». Sous l’acronyme EVOLUE, il propose quatre leviers autour de la gestion des données, l’organisation des chaînes d’approvisionnement, les moyens opérationnels et humains, les infrastructures et espaces de livraison. Son déploiement comprend une phase de collecte, d’analyse et de diagnostic des flux urbains existants avant de bâtir des actions de réduction des externalités négatives (GES, polluants atmosphériques, bruit, congestion…) dans le cadre d’engagements volontaires entre collectivités, donneurs d’ordres et prestataires transport et logistique.

*Montpellier Méditerranée Métropole, métropole de Lille, ville de Dieppe, communauté d’agglomération du Pays de Lérins (Cannes) et la communauté d’agglomération du Pays de Grasse

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