DIDIER LÉANDRI : Nous observons depuis dix-huit mois une baisse des parts de marché au départ des ports français du Havre, de Dunkerque et de Marseille. La situation est paradoxale. Il n’y a jamais eu autant de conteneurs traités depuis 2017, et pourtant la part modale du transport fluvial baisse. Ce dysfonctionnement du marché fait obstacle au transport massifié, et amène les acteurs de la communauté portuaire, au Havre et à Marseille, à chercher des solutions pour rétablir la situation.
D.L. : Au Havre, le conseil de surveillance va examiner, mi-juin, le projet stratégique du port et le plan d’investissement sur les dix ans. Pour développer l’accès fluvial direct entre la Seine et Port 2000, une chatière va être percée dans une digue pour un accès plus direct. Le projet coûte 100 millions d’euros et a recueilli le soutien de la Région et de la profession. Le port de Marseille compte créer une zone d’interchange maritime. Le succès d’Anvers et de Rotterdam repose sur cet accès direct au fleuve, qui évite des transbordements intermédiaires. Les barges peuvent accéder directement au quai maritime. 45 % du trafic de Rotterdam est fluvial, c’est 39 % pour Anvers contre 9 % au Havre, 9 % et 6 % à Marseille. Notre principal cheval de bataille, c’est d’améliorer le passage portuaire.
D.L. : Les opérations de manutention dans les ports de mise sur barge sont facturées directement à l’opérateur fluvial alors que pour les mises sur les camions ou les trains, c’est le donneur d’ordre qui paie cette prestation. C’est donc une inégalité de traitement qui handicape la profession dès la sortie du port et qui nous plombe. Le port de Dunkerque a résolu ce problème : les volumes transportés en fluvial ont été multipliés par deux l’année qui a suivi. Autre sujet, nous sommes pénalisés par le succès des ports maritimes. Encombrés par les porte-conteneurs maritimes, les ports, saturés, ne donnent pas la priorité aux opérateurs fluviaux quand ils demandent des places à quai. Donc, les marchandises s’orientent davantage vers des modes de transport jugés plus flexibles comme le routier. Il nous faut une meilleure organisation et coordination au sein des ports. En tant que challenger sur le marché du conteneur, Dunkerque a été le premier port de France à mettre en place la réforme de l’organisation des dockers par exemple. Il existe une réelle volonté de la communauté portuaire de porter la solution fluviale. Je crois beaucoup que l’État, qui a la tutelle des ports, peut bien orienter les opérations car il est évident que le réseau routier des ports ne sera pas en capacité d’absorber la hausse du trafic croissance.