Devenir visible et vendeur

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La tension sur le recrutement incite les entreprises du transport, surtout des grandes, mais pas que, à engager une démarche de définition de leur marque employeur, destinée aux candidats potentiels comme aux salariés à fidéliser… Il s’agit, grâce à des images, des récits, des témoignages, voire un nouveau nom, de se rendre plus visible et attractif en tant qu’employeur, en particulier sur Internet et les réseaux sociaux. Comment se combine-t-elle avec une stratégie de secteur ? Quelles sont les limites et les précautions à observer sur les réseaux sociaux ? Et quel travail peut demander une démarche approfondie ? Tour d’horizon…Dossier réalisé par Florence Roux et Véronique-Vigne Lepage

Au départ, il y a la puissance des chiffres. Avec quelques dizaines de milliers de conducteurs manquants en 2018, comment le transport routier de marchandises résisterait-il à l’appel du Net ? Comment ignorer les 6,8 millions d’abonnés de LinkedIn, les 10,3 millions d’utilisateurs de Twitter ou les 35 millions d’amis sur Facebook en France. Sans oublier les 800 000 annonces sur Leboncoin ou les très spécialisées 12 750 annonces de Jobtransport… Pour exister sur le Web en tant qu’employeur, il faut y être visible, accessible et crédible. Pour ne pas dire « sexy ».

Storytelling sur le net

Dans ce contexte, depuis quelques années, de grands groupes français, tels STEF, Dupessey ou Bert (lire notre interview page 21), ont lancé des démarches multicanales – sites interactifs, réseaux sociaux, plateformes emploi, etc. – pour transmettre une image forte d’employeur. En général coachés par des agences de communication, ils diffusent leurs offres dans des rubriques dédiées, mais invitent aussi à « vivre une expérience passionnante », partagent « l’expérience métier » de leurs salariés sur YouTube, publient leurs photos dans des situations valorisantes, mettent en avant l’esprit d’équipe, voire inscrivent dans leur nom la valeur humaine qu’ils revendiquent : Dupessey & Co, Bert & You. La démarche dite de « marque employeur »emprunte aux techniques du marketing et au « storytelling », pour répondre à des problématiques d’image liées au recrutement et à la gestion des ressources humaines.

« La “marque employeur” ne date pas d’aujourd’hui, même si elle ne portait pas ce nom, reconnaît Alain Péroni, directeur associé du site Jobtransport, plateforme Web de mise en relation entre candidats et employeurs. Mais aujourd’hui, une rumeur qui intervient sur les réseaux peut nuire en direct, devenir virale. C’est pourquoi une entreprise doit structurer sa communication et parler d’une seule voix, notamment dans l’offre, qui est le premier acte commercial et de séduction. »

Cependant, pour Philippe Casset, directeur de clientèle à l’agence de communi­cation Pamplemousse, à Annecy (74), « la marque employeur ne répond pas uniquement à la tension au recrutement d’un secteur. Elle doit attirer et pérenniser. Au-delà du salaire, les nouvelles générations attachent une grande importance à l’équilibre travail-vie privée, au cadre de vie, au sens du travail… À partir de là, toute une réflexion peut s’engager sur la vision stratégique de l’entreprise, la transformation digitale, les relations avec les clients, la RSE, la politique environnementale. Après la réflexion, seulement, on communiquera, avec tous les outils nécessaires : un site, un site dédié à l’emploi, les réseaux sociaux, les communiqués de presse, les canaux spécialisés… En tout cas, ce grand chantier modifie en profondeur la vision et la philosophie des entreprises. »

Bouche-à-oreille et confort de vie

Ou alors reflète cette vision. Jonathan Delisle, président des transports éponymes [La-Ferté-Gaucher (77), 830 salariés dont 720 conducteurs, 730 véhicules], estime que son groupe n’a « rien fait d’officiel en termes de marque employeur », mais « s’est adapté aux outils ». Le site de l’entreprise, entièrement refait fin 2018, présente très précisément la politique de RSE, met en valeur sa stratégie de protection de l’environnement, comporte une rubrique qui recense les offres par métier et qui est interfacée avec deux réseaux sociaux et une boîte mail. « Delisle est devenue une marque, explique-t-il. Et pour moi, cette marque est synonyme d’une culture d’entreprise qui cherche à fidéliser ses salariés. Pour vendre de la qualité, il importe que les conducteurs se sentent bien, qu’ils soient bien rémunérés, accueillis et formés… pour que les meilleurs restent. Nous sommes justement en train de mettre en place un système de bonus pour motiver les bonnes pratiques de conduite. Et les nouveaux candidats sont sensibles au respect du confort de vie, au système de participation, au CE, à la manière de travailler de l’entreprise. »

La marque employeur serait-elle synonyme de bonne politique sociale et sociétale ? Valérie Lassale, dirigeante des transports éponymes [Varennes-sur-Allier (03), 70 salariés, 50 tracteurs], bien qu’elle n’ait pas investi dans les réseaux sociaux – « mieux vaut s’abstenir plutôt que mal le faire », pense-t-elle – a construit un site Internet qui valorise bien les forces de l’entreprise : métiers, matériels et certifications. « Notre site est surtout une vitrine de notre savoir-faire, assume-t-elle. Nos recrutements passent souvent par Pôle emploi, par le Geiq transport Auvergne. J’affiche aussi des annonces dans notre station de lavage ou nos entrepôts, et nos conducteurs cooptent aussi des confrères. Pour nous, la meilleure des marques est ce que disent nos salariés qui se trouvent bien chez nous. »

Une cooptation nécessaire

Pour Vincent Landry, directeur opérationnel des transports du même nom [Thouars (79), 62 salariés, 35 ensembles], la cooptation est si importante qu’elle est même ré­compensée depuis un an par une prime, si le nouvel embauché dépasse la période d’essai. « Le bouche-à-oreille est moins systématique qu’il y a dix ou vingt ans, admet-il. Mais il reste un bon moyen de recruter des salariés qui feront un travail de qualité. » Si les trois dirigeants de la PME, Vincent, Alice Landry, et Thomas Taimbault, n’utilisent pas le concept de marque employeur, ils le reconnaissent dans leur démarche pour « faire venir et fidéliser les salariés », leur engagement environnemental et, surtout, assure Vincent, « ce qui fait la différence, c’est le respect de la réglementation et des personnes… » D’autant, complète, le dirigeant de 33 ans, « que les jeunes générations ne sont plus prêtes à sacrifier leur vie privée pour leur travail ». S’il utilise aussi le Bon coin et Facebook, le dirigeant niortais souhaiterait améliorer cette présence… Allier des méthodes traditionnelles et une inscription dans le présent. Même mariage chez Thévenon Transports [L’Horme (42), 32 salariés, 28 moteurs, 60 remorques], qui opère dans l’exceptionnel. La PME recrute exclusivement par cooptation, mais a investi les réseaux sociaux pour raconter l’histoire de ses voyages hors du commun. « C’est venu des conducteurs, qui prennent des photos et ont plaisir à ce qu’on les communique sur Facebook et LinkedIn, remarque Sylvain Bonnet, responsable de l’exploitation. Mais cela permet aussi de communiquer sur notre travail. Pour nos clients, comme pour tout candidat potentiel. »

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