VICTOR PELTIER : Nous avons basé le développement de Stuart sur la restauration depuis le début parce que les fondateurs venaient de ce secteur. Nous avons la volonté de pousser les modes transports doux qui permettent de désengorger les villes de camions. L’idée est de réussir en mobilisant le parc de magasins de nos clients avec leurs plateformes et de mobiliser ces assets physiques pour effectuer des livraisons sur des rayons courts. On obtient donc une promesse de livraison en un temps record, entre 30 et 40 minutes pour Franprix. De par la densité de son réseau, cela nous démarque de l’approche d’Amazon et d’autres grandes surfaces qui ont des entrepôts à l’extérieur de Paris. Elles entrent dans la capitale avec des véhicules thermiques pour effectuer des tournées de livraisons sur des créneaux plus larges.
V. P. : Nous avons gagné des clients sur deux plans. Notre partenariat avec Franprix s’est mis en place à peu près au même moment que celui établi avec Carrefour, ce qui nous a permis de collaborer avec les plus grands acteurs de la place : Monoprix, Franprix, Carrefour, Auchan, Système U… En attaquant cette verticale, nous avons pu nous présenter comme spécialiste de la livraison alimentaire. Franprix sort de la livraison à domicile classique, c’est-à-dire faire ses courses en magasins, laisser son Caddie et se faire livrer dans les 2-3 heures, et essaye de pousser une offre entièrement digitalisée, sans passage en magasin mais proposant une livraison beaucoup plus précise. Elle nous a permis de nous développer et l’enseigne connaît une croissance très importante sur ce service. La digitalisation de l’offre constitue un gros atout pour Franprix.
V. P. : Je pense que sur ce marché une grosse évangélisation est en train de s’opérer au niveau de la digitalisation des offres. L’arrivée de Leclerc me semble une opportunité pour tout le marché. Dans leur approche et leur façon de construire leurs offres, les enseignes restent différentes. Pour moi, la croissance de Franprix se poursuivra car la gamme de l’offre s’adresse à un public de paniers relativement resserrés, de courses pour 2 à 3 jours, livrées en instantané. Il s’agit d’urbains qui n’ont pas beaucoup de temps, de populations à haute valeur ajoutée, de jeunes actifs, des CSP+. Leclerc propose plutôt des créneaux par demi-journée, presque en J + 1, avec des prix plus agressifs. L’enseigne s’adresse à des paniers plus gros, à un public plus familial qui n’est, me semble-t-il, pas le cœur de cible de Franprix. Chacun a des atouts à faire valoir.
V. P. : Le livreur est payé en fonction de la distance. À vélo ou en voiture, ils ne touchent pas la même chose mais ils ne transportent pas les mêmes colis. Pour les voitures, nous ne passons pas par des auto-entrepreneurs pour ne pas enfreindre la loi mais par des sociétés de courses. Elles s’avèrent plus coûteuses avec leurs frais fixes mais disposent des capacités de transport de marchandises. Un vélo va prendre entre 0 et 80 litres, et jusqu’à 12 kg, alors qu’une voiture prendra jusqu’à 300 l/50 kg) mais aura des temps de manipulation/manutention au point de retrait et de livraison plus importants qui lui valent une rémunération supérieure. Les prix sont donc différenciés par type de transport et sont complètement intégrés au système de Franprix. En fonction du panier ou de l’article, le bon type de transport est appelé. Les coûts sont intégrés au système et le client n’est pas impacté.
V. P. : Il s’agit de stratégie interne à chaque acteur et on le constate aussi sur d’autres plateformes de livraison de nourriture. Où vais-je prélever ma valeur ajoutée ? En augmentant la marge sur les produits et en affichant des frais de livraison bas ou en affichant des frais de livraison plus hauts et une marge sur les produits plus réduites ? Les distributeurs réfléchissent sur toutes ces problématiques pour savoir quel est le bon modèle. Il faut aussi amortir le coût de picking (le coût de l’employé polyvalent préparateur) et ajouter un surcoût à l’offre de livraison et le livreur.