Des tarifs qui font grincer les dents des experts

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Au moment où l’Etat présentait les tableaux des hausses estimées des péages, fin novembre, l’Arafer publiait la synthèse annuelle des comptes des sociétés concessionnaires (SCA). D’emblée, l’Autorité souligne que « la hausse continue et dynamique des recettes de péage permet au secteur d’afficher des performances stables, avec une marge d’EBITDA stable ».

En 2016, les tarifs appliqués aux poids lourds ont augmenté en moyenne de 1,3 %, en vertu des contrats passés entre les sociétés concessionnaires historiques et l’Etat. En 2016, les SCA ont réalisé un CA de 9,8 Md€ (+ 4,5 % par rapport à l’exercice 2015) essentiellement lié aux recettes des péages (le trafic PL avait augmenté de 4,2 %). Le résultat net s’établissait à 2,8 Md € et les dividendes versés montaient à 4,7 Md€ (+ 40 %).

L’autorité veille attentivement sur l’évolution des péages autoroutiers. L’Arafer avait déjà tiré la sonnette d’alarme en décembre 2016. A l’époque, elle avait publié son premier rapport « Synthèse des comptes des concessions autoroutières » qui abondait dans le sens des transporteurs routiers à propos des hausses annoncées pour 2017. Les compensations prévues par l’accord lié au plan de relance autoroutier (signé entre l’Etat et ASF, Escota, Cofiroute, APRR, AREA, Sanef et SAPN) en contrepartie du gel des tarifs de péages (et malgré l’allongement de la durée des concessions), au 1er janvier 2015, devaient représenter un total de 500 M€ sur la durée restante des concessions. Ce qui, pour les usagers, signifie une hausse de + 0,33 % à + 0,82 %, selon les sociétés. Ces compensations étaient prévues sous forme d’une hausse tarifaire spécifique, lissée sur les années 2019 à 2023 et viennent « s’ajouter à la trajectoire de base prévue par les contrats (70 % de l’inflation sur les années 2019 à 2023 pour les sept sociétés concernées) ». Par ailleurs, en 2015, les sociétés concessionnaires avaient enregistré un résultat net en hausse de 16,5 % et des dividendes en hausse de… 127,5 % ! Le chiffre d’affaires en 2015 a été de 9,4 Md€, tiré notamment par les péages liés à un trafic dynamique. Le trafic avait augmenté de 2,9 % avec une plus forte hausse chez les PL. Ceci étant posé, le président de l’Arafer, Bernard Roman, tenait à préciser qu’il était « prématuré, dès ce premier exercice, de tenter une évaluation de la rentabilité [des sociétés concessionnaires, Ndlr], faute d’une définition objective et partagée de ces fameux taux [ les taux de rentabilité interne des concessionnaires, Ndlr] ». Conscient de la sensibilité du sujet et des polémiques qu’il a déjà soulevées, le président de l’autorité avait donc annoncé une consultation publique pour recueillir, au-delà des sociétés, les observations plus larges d’autres acteurs intéressés.

Les usagers lésés

En juin dernier, l’Arafer dégainait une deuxième fois. Cette fois-ci, elle pointe directement le fait que les usagers n’ont pas à supporter le financement de certains travaux. L’autorité estimait notamment qu’il n’apparaît pas justifié de faire supporter par l’usager de l’autoroute le financement de 23 opérations (représentant environ 34 % du coût total de construction du plan) prévues par le plan de relance autoroutier. Selon les arguments déployés par l’autorité, ses réserves tiennent au fait qu’il s’agit soit de projets correspondant à des obligations déjà prévues dans les contrats, soit parce qu’il n’est pas établi qu’ils sont strictement nécessaires ou utiles à l’exploitation de l’autoroute, indépendamment d’autres motifs d’utilité. Ces 23 opérations représentent un coût de 272 M€. Mais il faut y ajouter les opérations incertaines et celles dont le principe du financement par les usagers reste à démontrer. Au total, on a donc 373 M€ d’opérations sur lesquelles l’Arafer émet des réserves contre 430 M€ d’investissements pour lesquels elle accepte le financement par les usagers. Pire, l’analyse de l’agence a isolé 80 M€ de travaux dont l’incidence est nulle voire négative pour les usagers. Et même pour les opérations « justifiées », l’Arafer a pointé une disproportion dans les coûts estimés. En effet, « pour 17 % du montant total des investissements, les coûts sont supérieurs de 10 % aux référentiels établis par l’Arafer ; pour 24 % du montant total des investissements, les coûts sont supérieurs de 20 à 30 % et pour 41 %, supérieurs de plus de 30 % », relève-t-elle. Autrement dit, c’est le niveau de rémunération des sociétés concessionnaires qui est excessif car aucun risque ne le justifie, selon l’autorité. Elle en conclut que « les augmentations des tarifs de péages prévues excèdent le juste niveau qu’il serait légitime de faire supporter aux usagers » et qu’il faudrait revoir les projets d’avenants avant signature. Rappelons que le plan d’investissement autoroutier porte sur la réalisation de 57 opérations pour un coût global de construction estimé à 803,5 millions d’euros). Les investissements sont essentiellement financés par des hausses de péages, comprises entre 0,1 % et 0,4 % par an sur les années 2019, 2020 et 2021, et, à hauteur de 220 M€, par des subventions des collectivités locales.

Après avoir « frappé fort » sur les sociétés concessionnaires avec cet avis, l’Arafer ne pouvait qu’attendre la suite. « Le gouvernement a sollicité le Conseil d’État », indiquait Bernard Roman en juillet. Sans renier les critiques émises, le président de l’Arafer estime qu’il y a eu des progrès de la part des sociétés concessionnaires. « Sans le modèle concessif, on n’aurait pas le réseau autoroutier qu’on a. C’est le plus performant, le plus sécure et le mieux entretenu en Europe », avait-il lancé à la presse. Pour son développement et sa pérennisation, il faut respecter trois conditions : la transparence — les péages ne servent pas à financer les bénéfices — des bénéfices raisonnables et un taux de rentabilité interne maitrisé. « Celui-ci est encore important mais moins que par le passé, les comportements changent. Je vois des signes positifs », note-t-il. Quant à du lobbying des sociétés concessionnaires sur l’Arafer, Bernard Roman s’est dit « insensible à toute pression ».

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