Depuis le début de l’année, le ministère de l’Intérieur recense officiellement en France près de 8 200 vols de carburant par siphonnage. Les transporteurs en font bien sûr les frais. Toutefois, la fraude au carburant n’est pas le fait des seules bandes organisées ; 90 % des vols seraient commis par les salariés indélicats. Un fait bien connu des opérateurs, qui déploient des outils pour détecter ces délits. À l’exemple de Shell ou d’UTA, qui ont mis sur pied des équipes chargées de surveiller les consommations et les comportements grâce à des outils dédiés. « Si un chauffeur fait le plein de son réservoir trois fois de suite dans la même journée, une alerte sera générée auprès de son employeur, explique Christian Wittmer, le directeur d’UTA France. Toutefois, ce type d’outil a ses limites. « Si une personne détourne 20 litres sur un total de 1 000 litres, c’est très difficile à détecter », soupire Mickael Bouchend-homme, dirigeant du transporteur New Log.
Ce dernier a décidé de prendre le taureau par les cornes. Chaque mois, il vérifie les consommations en croisant les données de sa facture UTA avec le kilométrage fourni par ses chauffeurs. Ce contrôle est mené de manière aléatoire afin de créer le doute. « Par ailleurs, je recommande aux conducteurs de ne pas laisser traîner le code PIN de leur carte et de ne pas dormir sur des aires de repos non sécurisées », rapporte le dirigeant de New Log. Mêmes recommandations chez les Transports Prévost. » Depuis l’augmentation du prix du gazole, nous sommes confrontés à de multiples tentatives de vol sur les aires de repos par des individus équipés de systèmes de pompage rapide », déplore Virginie Prévost, directrice générale déléguée. Avec ses 286 véhicules moteurs et ses 500 salariés dont 370 conducteurs, cette PME familiale est spécialisée, entre autres, dans les transports de voitures confidentiels.
Pour limiter les risques de vol de carburant, les camions sont équipés dès leur mise en service du système Alertgasoil, pour mesurer la consommation réelle du camion. « En cas de vol, une alerte est immédiatement donnée dans la cabine tandis que le système d’alerte émet une sirène extérieure à 110 décibels. En outre, un SMS est automatiquement envoyé au responsable de l’exploitation », détaille Éric Elkaïm, P-dg d’Alertgasoil, l’inventeur du procédé. Grâce à cette installation, Virginie Prévost fiabilise également la comptabilisation des prises de carburant ; 80 % des pleins sont effectués sur ses propres sites et les 20 % restants sont achetés dans des stations-service par cartes de paiement carburant. « Une fois que je récupère les fichiers de DKV et de Total, je vérifie systématiquement avec le logiciel Alertgasoil les dates et les prises de carburant », explique Virginie Prévost, qui vérifie s’il y a des différences entre le volume facturé par les pétroliers et la quantité de gasoil effectivement entrée dans les réservoirs.
Outre les détournements internes et le siphonnage de carburant par bandes organisées, un autre danger pèse sur les transporteurs. Il s’agit de la fraude à la carte magnétique. Laquelle peut être piratée par aspiration des données. Pour limiter ce risque, une poignée d’émetteurs ont opté pour une carte à puce qui s’avère plus difficile à frauder que les cartes magnétiques, car les données sont encryptées dans la puce. C’est notamment le cas d’AS24, d’IDS et de la Compagnie de l’Arc Atlantique (C2A) installée à Bidart (64). Créée en 2010, celle-ci émet des cartes de paiement Mastercard à destination des entreprises de transport routier. La carte Truck, du nom donné par C2A, est à débit immédiat. L’employeur connaît en temps réel les achats effectués par son conducteur. Ce dernier ne peut dépenser que la somme d’argent affectée à sa carte. Ce qui permet aux entreprises de maîtriser encore mieux leurs dépenses. Autre avantage : si un conducteur doit faire face à une grosse dépense imprévue, son employeur peut abonder son compte en temps réel, de sorte qu’il puisse effectuer un retrait dans un distributeur de billets durant la période qui lui est allouée, par exemple deux heures. Passé ce laps de temps, il ne pourra plus retirer d’argent.