Délais, nuisances et foncier : défis et inventivité

Article réservé aux abonnés

La distribution urbaine est un problème d’intégration du poids lourd dans l’étau réglementaire qui vise l’élimination des nuisances. C’est aussi, lorsqu’il s’agit de livrer des particuliers, un défi face à l’atomisation des flux. Le tout doit s’organiser selon les temps de trajet prévisibles et les engagements vis-à-vis du destinataire et du chargeur. En raison de sa complexité, la distribution urbaine de demain laisse déjà pleinement s’exprimer l’inventivité des acteurs du transport.

Pour approvisionner les magasins, les camions doivent être à la fois non polluants et silencieux tout en respectant des horaires et des lieux de stationnement déterminés. Quant au dernier kilomètre qui caractérise la distribution BtoC, il disparaît si le destinataire s’en charge après avoir récupéré son colis à un point relais. Dans tous les cas, un problème épineux demeure avec la difficile implantation de plateformes logistiques dans le tissu urbain actuel qui les a omises. Les tentatives de contourner le problème foncier avec des bases logistiques mobiles comme la BIL (base intelligente de logistique) de Libner tardent à convaincre. Quant à la péniche « logistique » chargée de déposer les triporteurs électriques de Vert chez vous le long des quais de la Seine, elle a été rapidement abandonnée. À propos des réglementations locales, le plus dur est à venir. Afin d’harmoniser d’ici à 2020 les conditions de transport et de livraison dans Paris et dans 130 autres communes franciliennes du Grand Paris, un pacte sur la logistique urbaine a été signé le 10 septembre entre 16 communes (dont Paris), des professionnels (FNTR, Geodis, GNVert, UPS, etc.) et des structures institutionnelles. Le but est d’harmoniser les réglementations (circulation et stationnement) tout en obtenant le maintien des poids lourds en ville alors que certaines municipalités veulent les interdire. La Métropole du Grand Paris ne peut pas imposer une réglementation, mais elle peut diffuser de bonnes pratiques. À propos du bruit et de la pollution, Patrick Ollier, président de la Métropole, veut des résultats immédiats. Le plan d’action du pacte logistique se déploie sur quatre axes. Il s’agit de sensibiliser les consommateurs à propos des conséquences de l’e-commerce sur le trafic de livreurs qu’il provoque. D’autre part, il convient de favoriser la transition technique des flottes afin qu’elles deviennent moins polluantes et plus silencieuses tout en multipliant les moyens de contrôle des nuisances. L’optimisation des flux de livraison demeure un chantier qui comprend, entre autres, un meilleur partage de l’espace public et l’intégration du TRM dans les gares et les infrastructures de transport en commun. Finalement, il faudra intégrer les fonctions logistiques dans les projets d’urbanisme. Par ailleurs, la Métropole mise sur le développement de l’intermodalité avec le fluvial à la manière de ce que pratique XPO sur les quais du septième arrondissement parisien. La capitale connaît, depuis 2010, un cas de transbordement rail-route intra-muros pour l’approvisionnement des magasins Monoprix. Ancré en ville jus­qu’aux années 1970, le fret ferroviaire y revient maintenant, sur de nouvelles plateformes, comme celle inaugurée porte de la Chapelle, au nord de Paris.

Depuis le 1er novembre, Paris applique aux poids lourds un tarif de stationnement trois fois supérieur à celui des véhicules légers quand ils utilisent la bande de stationnement. À cela s’ajoute un forfait post-stationnement pour les plus de 3,5 t. Ces mesures sont évidemment destinées à évacuer les camions de Paris.

Éclosion de 15 ZFE

Le 8 octobre, l’État et les collectivités locales rendaient publics leurs engagements afin de déployer des zones à faibles émissions (ZFE) d’ici à fin 2020. L’accès à celles-ci sera réservé aux véhicules les moins polluants, sur la base des vignettes Crit’Air. Les collectivités locales déterminent l’étendue géographique, les catégories de véhicules autorisées, les modalités horaires, la progressivité des règles dans le temps ainsi que les dérogations accordées pour leurs ZFE. Aix-Marseille, Clermont-Ferrand, Fort-de-France, Grenoble, le Grand Lyon, Montpellier, Nice, le Grand Paris, Reims, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulon et Toulouse s’apprêtent ainsi à devenir des ZFE.

Au printemps 2019, la zone de circulation restreinte (ZCR) de Grenoble s’étendra aux communes limitrophes. Les véhicules diesel y seront exclus par étapes jusqu’en 2025, année d’exclusion des vignettes Crit’Air 2. Dès 2021, c’est Strasbourg qui chassera le diesel de son centre pour les livraisons de marchandises.

Qui a droit à la vignette Crit’Air 1 ?

Outre les véhicules essence Euro VI, les véhicules fonctionnant à l’éthanol et au gaz (y compris dual fuel) ont droit à la vignette Crit’Air 1. Dans certaines villes, ce ne sera pas jugé suffisant et la propulsion électrique deviendra obligatoire. Pour l’accompagner, les carrossiers du froid développent leurs gammes de groupes frigorifiques électriques. Ainsi, Thermo King lance le B100 pour les VUL et l’E200 pour les camions de 6 t, tandis que Schmitz Cargobull introduit un nouveau groupe électrique de 15,9 kW pour semi-remorque alimenté par des batteries totalisant jusqu’à 65 kWh.

Paris souhaite développer l’approvisionnement nocturne des magasins sans nuire à la tranquillité des habitants. Par mesure d’accompagnement, la municipalité subventionne jusqu’à 50 % du montant HT des travaux d’insonorisation des commerçants et plafonne son aide à 4 000 euros. L’achat de véhicules labellisés Piek est lui aussi aidé jusqu’à 20 % du prix HT et 6 000 euros pour un poids Cargobull. Cette aide est cumulable avec celle concernant l’achat de véhicules propres (9 000 euros pour un poids lourd). L’ensemble s’adresse aux entreprises installées à Paris ou dans les trois départements limitrophes. Quant au label Certibruit, il a vu sa durée de validité passer de 12 à 36 mois.

Rapprocher la base logistique des destinataires finaux

Selon l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France, près de 4,3 millions de livraisons ou d’enlèvements sont effectués chaque semaine dans cette région. La réduction des flux induits par ces opérations pourrait être obtenue en rapprochant les entrepôts des destinataires finaux. Or, la pression foncière et les besoins de logements et de bureaux rejettent les plateformes logistiques en périphérie. Afin d’inverser cette tendance, les futurs projets d’urbanisme devront intégrer des bases logistiques dans le sous-sol des immeubles.

Quel modèle pour le dernier kilomètre en BtoC ?

La livraison BtoC aux particuliers se distingue de la livraison aux magasins par ses horaires, ses exigences en termes de délais et par les dimensions des livraisons unitaires qui sont différentes, ce qui influence le nombre de livraisons traitées par une tournée. Le dernier kilomètre apparaît ainsi comme une contrainte typiquement BtoC. Si la marchandise va jusqu’au client, la mutualisation, aidée par les amplitudes horaires, répartit les coûts fixes (véhicule, chauffeur) et diminue leur impact sur chaque livraison. Quitte à réaliser une tournée, il faut la rentabiliser. Faute de pouvoir augmenter les frais de port, des services à valeur ajoutée peuvent compléter la simple livraison. Un autre facteur d’optimisation réside dans les réalisations simultanées d’une tournée de distribution fine et d’une tournée de collecte fine afin de réduire les coûts de la logistique inverse (reverse logistics).

Sur le dernier kilomètre, on assiste à la fois à un éclatement des moyens de transport puisque tous les particuliers peuvent devenir transporteurs grâce aux applis de distribution collaborative, et à une nécessité de massifier les transports pour réduire les coûts des transporteurs. L’e-commerce progresse de 15 % par an et devrait donc doubler d’ici cinq ans. Il provoque une atomisation des flux en raison de la multiplication des colis unitaires. Face aux pure players de l’e-commerce comme Amazon, le commerce traditionnel peut, avec succès, vendre en ligne et attirer la clientèle vers ses magasins où les frais de livraison sont nuls. Ce web-to-store ou click-and-collect provoquerait jusqu’à 15 % de ré-achat dans le magasin. Qu’il s’agisse de Boulanger, Darty, Decathlon ou la Fnac, tous perçoivent les avantages de cette formule. Avec le développement de la livraison le jour même, il est indispensable de rapprocher l’entrepôt des clients. Sur ce point, les commerçants peuvent tout simplement utiliser leurs magasins comme bases logistiques et obtiennent ainsi un avantage vis-à-vis des pure players en pratiquant le ship-from-store. On assiste là à une bataille logistique dont le fait marquant a été le lancement d’Amazon Prime Now en 2016 à Paris et qui promet la livraison en une heure.

À l’opposé du click-and-collect, le déploiement des bornes de livraison Star Service dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) permet à leurs clients d’organiser librement la livraison de leurs courses.

Les perspectives du véhicule autonome

Le coursier ou le livreur de petits colis pourra, pour des dessertes hectométriques, être remplacé par un robot comme le TwinWheel. Au lieu de se rendre dans un magasin, le client pourra faire venir celui-ci à lui ainsi que le propose le concept autonome EZ-Pro de Renault.

La transformation en cours de la distribution urbaine l’oriente vers des moyens toujours mieux adaptés à la rapidité et à la flexibilité. Quant à la réduction des coûts, elle s’appuie sur une mutualisation généralisée.

Actualités

Grand angle

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15