De la DSN au prélèvement à la source

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Toutes les entreprises ont intégré dans leur quotidien le fonctionnement de la déclaration sociale nominative (DSN). Mais sa mise en place, obligatoire depuis dix-huit mois, rencontre quelques difficultés. En cause notamment : les organismes complémentaires, dont celui du transport routier, Carcept Prev. Pas de répit pour les dirigeants, DRH et gestionnaires de paie : voici à présent le prélèvement à la source, en attendant d’autres changements.

La paie, déjà complexe dans le transport routier, est sans doute le domaine qui subit actuellement les changements les plus profonds. La raison de ces bouleversements : la transformation digitale des relations entre l’entreprise et les organismes de la sphère sociale.

Les bases de l’ère nouvelle ont été jetées par la mise en place de la DSN, au 1er janvier 2017. « Même si l’on est en vitesse de croisière, celle-ci reste un sujet actuel, car elle structure considérablement la paie et les déclarations sociales ?, assure Emmanuel Prévost, directeur veille juridique d’ADP et représentant des éditeurs au groupement d’intérêt public Modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS). Sur 1,670 million d’entreprises référencées en France, seules 40 000 traînent des pieds, très majoritairement des TPE. « Mais les pénalités ne sont pour l’heure pas aussi importantes qu’elles le seront prochainement, reconnaît Élisabeth Humbert-Bottin, directrice du GIP-MDS. Sur la partie sociale, il y a encore une tolérance. »

Si la grande majorité des déclarations mensuelles se passent sans incident majeur, quelques problèmes perdurent. « Sur 1,7 million de DSN, nous avons une centaine d’incidents ouverts, constate Élisabeth Humbert-Bottin. Pour l’essentiel, ceux-ci ne sont dus qu’à un traitement informatique qui ne se déroule pas normalement. » Elle pointe cependant les ajustements en cours pour les DSN « événementielles : « 55 % des déclarations d’arrêt maladie passent par l’ancienne formalité, regrette-t-elle. La nouvelle version avance pourtant de plusieurs jours le paiement des indemnités journalières. » Certains éditeurs paramètrent actuellement cette fonction, et sont en phase de tests finaux pour un démarrage complet prévu en 2019.

La Carcept Prev mise en cause

En tant que vice-président de l’ordre des experts-comptables (ces tiers déclarants assurent 62 % des DSN), Patrick Bordas, directeur associé de KPMG, dresse lui aussi un bilan légèrement contrasté : « Avec les régimes de base obligatoires – la sphère publique –, la DSN fonctionne globalement très bien. Mais avec les régimes complémentaires et supplémentaires (santé, retraite, prévoyance), les choses sont plus difficiles. » Sur les quelque 500 organismes dans ce domaine, certains demandent toujours des déclarations papier ou utilisent l’ancien format de déclarations automatisées. D’autres ne renvoient pas le compte rendu métier (CRM), qui permet de savoir si la DSN est correcte et bien passée, ou envoient tardivement les fiches de paramétrage. « Environ 98 % des experts-comptables disent que ces organismes leur ont compliqué le travail et que 83 % de leurs clients ont reçu des mises en demeure… pour des sommes qu’ils ne devaient pas. » L’ordre a donc créé une boîte mail spécifique pour regrouper les plaintes et a envoyé des courriers en recommandé pour faire cesser les démarches de recouvrement « agressives » et indues. « Depuis quelques mois, les choses se sont apaisées », assure Patrick Bordas, qui s’attend à une « fluidité » des relations en 2019. Les fédérations de mutuelles, sociétés d’assurance et organismes de prévoyance ont de leur côté mutualisé la recherche de solutions aux cas complexes.

Chacun d’eux doit modifier ses outils et process. Parmi ceux mis en cause figure le groupe Klesia, auquel appartient Carcept Prev, spécialiste du TRM. « Nous avons eu beaucoup de soucis avec eux, regrette Jean-Marie Charbonnier, dirigeant de Soreco, société spécialisée dans la paie transport. Ils réclamaient des montants exorbitants à des transporteurs, envoyaient des mises en demeure de 200 000 euros ! Cela dégradait la relation avec nos clients. » Éric Lemaire, directeur métier assurance de personnes de Klesia, reconnaît : « Des relances automatiques ont pu partir, même si nous avions pris la précaution de les décaler. En effet, nos équipes de gestion ont rencontré des difficultés et pris du retard. » Aujourd’hui, il assure que celui-ci est résorbé et rappelle que « la DSN nécessite des développements informatiques encore inachevés ». Il suffit aussi d’une « petite » erreur de la part de l’entreprise, par exemple dans le numéro de référence du centre de gestion, pour créer un blocage. Pour limiter les erreurs de paramétrage, Klesia a appelé et aidé tous ses clients grands comptes et, pour les autres, dédié une équipe de téléconseillers à ce sujet. Si les appels ont aujourd’hui diminué, ils devraient repartir à la hausse : « Nous avons un nouvel outil de gestion plus performant, mais qui nécessite de changer les numéros de contrat dans les logiciels », prévient-il. C’est un outil qui permet à l’organisme de recevoir directement les montants d’indemnités journalières versés aux salariés en arrêt.

Prélèvement à la source, le « gros morceau »

Mais cela n’est pas le changement le plus important à venir. Celui dont tout le monde parle est le prélèvement à la source (PAS). « Un gros morceau », lâche Emmanuel Prévost. La difficulté n’est pas technique, puisque le taux d’imposition du salarié n’est qu’une donnée supplémentaire à transmettre via la DSN (lire l’encadré). « Mais c’est un sujet extrêmement sensible pour les salariés », ajoute le directeur veille juridique d’ADP. Cet éditeur et prestataire de paie a été choisi par la DGFIP pour effectuer de premiers tests, l’été dernier, avec deux de ses clients. « Cela a régularisé quelques points, explique-t-il, comme le seuil de fiscalisation des stagiaires et apprentis, qui n’était pas prévu. » Aujourd’hui, ADP déploie la formation de tous ses clients, à qui elle propose systématiquement de faire des simulations à partir des bulletins de salaire d’octobre, comme y incite l’administration. « Au début, les dirigeants disaient que ce n’est pas leur rôle de collecter l’impôt, se souvient Emmanuel Prévost. Mais ils ont compris que la réforme arrive et qu’il leur faut mettre toutes les chances de leur côté. »

La réflexion est similaire chez STS, prestataire de paie transport qui a ouvert, depuis le 1er juin et jusqu’à fin septembre, une hotline spéciale PAS. « Nous savions par nos clients et par expérience, que cela donnerait lieu à de nombreuses questions, explique Sabrina Lasfer, manager optimisation sociale. Rendre des comptes à l’administration fiscale est une nouveauté pour les salariés. » Une dizaine d’appels sont enregistrés chaque semaine et le double est attendu à la rentrée. Le plus souvent, c’est le dirigeant lui-même, parfois son DRH, qui s’inquiètent de l’information à donner aux salariés. Ils s’interrogent aussi sur les échéances, les moyens de s’informer ou l’ampleur de leur responsabilité. Un sujet qui croise leurs réflexions actuelles pour se mettre en conformité avec le RGPD(1) ou pour répondre aux exigences de conservation des bulletins de salaire électroniques.

Tout cela assimilé, il faudra se pencher sur les nouvelles maquettes de bulletins de salaire intégrant le PAS (applicable en janvier 2019) et la suppression de la ligne des cotisations chômage (octobre 2018). Un arrêté interministériel est paru à ce sujet, le 9 mai dernier. « Nous communiquons avec la direction de la Sécurité sociale au sujet de ce texte, commente Emmanuel Prévost, pour demander une période de tolérance, car l’arrêté peut être appliqué différemment selon les éditeurs. Par ailleurs, nous demandons une mise en œuvre en une fois au 1er octobre. » Intervenant peu après le bulletin de salaire « clarifié », ce changement nécessitera beaucoup d’explications auprès des salariés ou de leurs représentants. D’autant qu’il faudra recommencer en 2019 autour de modifications dans les bulletins : une modification des cotisations liée à la fin du CICE (2), une augmentation et un reformatage des tranches du fait de la fusion des régimes Agirc et Arcco… « Les entreprises se rendent compte que les équipes RH et paie s’investissent beaucoup et peuvent être des facilitateurs du climat social, commente Emmanuel Prévost. C’est pourquoi elles se saisissent du prélèvement à la source pour valoriser cette sphère RH. »

(1) Règlement général pour la protection des données personnelles. Lire aussi l’interview p. 27

(2) Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

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