Une mission pour stopper l’anarchie naissante. La montée en puissance spectaculaire des VUL dans les flux de transport, sous le triple effet du boom du e-commerce, de l’émergence des plateformes d’intermédiation et de l’irruption massive des VUL étrangers, a (enfin) trouvé un écho auprès des pouvoirs publics, avec le concours des organisations patronales. Lesquelles réclament à cor et à cri, depuis de longs mois, que soit mis de l’ordre sur le marché du TRM. Dans la lettre de mission qu’il a adressée, le 2 janvier, au député Damien Pichereau, Edouard Philippe brosse un état des lieux d’une précision d’expert sur l’état du marché. Son constat est connu de tous les acteurs du TRM et du transport léger : « La concurrence des VUL non établis sur le territoire français s’est rapidement développée ces dernières années, non seulement face aux entreprises françaises de transport léger, mais également, plus largement, face aux entreprises effectuant du transport lourd », écrit le chef du gouvernement. Lequel ne manque pas de pointer l’autre plaie du secteur du transport léger : l’accès à la profession. Bref, la concurrence de l’intérieur exercée par tous ces véhicules blancs banalisés que l’on peut apercevoir dans les villes françaises.
Comment la profession a-t-elle accueilli cette nomination ? « Nous sommes heureux, qu’au plus haut niveau de l’État, cette prise de conscience ait eu lieu », commente Antoine Cardon, le délégué général du Syndicat national du transport léger (SNTL). « Bien. Mais ce que nous ne voulons pas, c’est que ce soit une énième mission sur les VUL. Ce n’est pas la première fois. J’espère qu’on ne va pas se contenter d’un simple état des lieux. Ce que nous voulons, c’est une mission qui apporte des projets et des objectifs », déclare Jean-Marc Rivera, délégué général de l’OTRE.
La lettre de mission d’Édouard Philippe à Damien Pichereau recense, pêle-mêle, les maux qui gangrènent le marché, fragilisent la situation des entreprises de transport léger en règle et des déménageurs, mais également celle des entreprises de transport de + 3,5 t qui subissent elles aussi la concurrence des VUL, la plupart venus des pays de l’ex-Europe de l’Est, principalement de Pologne. Le Premier ministre pointe du doigt l’exception française (dans l’Union européenne) en matière de réglementation. Et il est attendu au tournant par les fédérations dans ce domaine. « Il faut faire appliquer au transport international effectué en VUL les mêmes règles que celles appliquées au TRM dans le transport international et le cabotage, élargir notamment l’interdiction du couchage comme on l’a fait pour les poids lourds et généraliser les moyens permettant le contrôle des temps de travail et de repos au travers du chronotachygraphe », plaide Jean-Marc Rivera. À l’index également, tel que l’indique le Premier ministre : les obligations de formation, notamment à la conduite. Il en va – et le sujet est évoqué dans la lettre de mission, notamment pour le transport de matières dangereuses – de la sécurité des utilisateurs des infrastructures. « Lorsque nous rencontrerons le député, nous le sensibiliserons au sujet de l’accès à la profession, lequel va de pair avec le respect de la réglementation et avec la professionnalisation », précise Antoine Cardon. « On attend que l’Europe aille plus loin que ce qu’elle a pu faire jusqu’à ce jour, déclare Jean-Marc Rivera en faisant allusion aux discussions actuelles sur le Paquet mobilité. Les VUL étrangers doivent être également assujettis à la capacité financière, à la capacité professionnelle ». Aux yeux d’Édouard Philippe, « la multiplication des plateformes numériques d’intermédiation […] est susceptible d’avoir des conséquences sur l’équilibre d’un marché très fragile et il convient d’en prévenir les risques […] ». Cheval de bataille de l’OTRE, le Premier ministre insiste sur la nécessité de protéger les données commerciales et de « mettre à niveau notre droit ». Damien Pichereau a également pour mission de « formuler des propositions de mesures de régulation nouvelles relevant du niveau européen ou national ; évaluer l’empreinte carbone des VUL et le niveau de régulation souhaitable (qui ne concerne pas que la seule flotte française) ». Le député de la Sarthe, en mission auprès d’Élisabeth Borne (la ministre des Transports), a jusqu’au mois de mars pour remettre son rapport. Il doit rencontrer les OP et les OS, les administrations concernées par les contrôles et la sécurité, les chargeurs, les logisticiens et les services de la Commission européenne.