Consultant-associé Cabinet EUKLEAD

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« Tout cela va rentrer dans l’ordre »
L’O.T. : L’ubérisation du transport routier de marchandises bénéficie-t-elle aux entreprises selon vous ? Et à quel type d’entreprises ?

NICOLAS LEMEUNIER : Les problématiques ne sont pas les mêmes selon que l’on s’intéresse aux PME ou aux groupes. Si je me focalise sur les besoins des PME voire des ETI, qui ont recours à des affréteurs ou à des transporteurs affréteurs, je me pose la question – et les clients également – de savoir ce que j’ai à y gagner sachant qu’aujourd’hui, bien souvent, la prestation de l’affréteur est un peu pauvre si l’on considère qu’on affrète, sur du spot, un transporteur que l’on ne connaît pas souvent, ce qui n’apporte pas grand-chose au client en termes de service. Les nouveaux services d’intermédiation sont parfois plus intéressants…

À quels types de services faites-vous allusion ?

N. L. : Je pense à tous ces avantages liés aux côtés pratique et immédiat de la prestation. Comme c’est le cas avec Uber, je pense que les clients ne vont pas chercher un prix mais plutôt une commodité. Je pense que la profession se pose la question de savoir quels services on peut placer derrière un ordre de transport. Il n’y a pas que le simple transport de la marchandise, il y a aussi tout ce qu’on apporte autour. Dans ce domaine, à mes yeux, les plateformes n’apportent pas toutes les réponses mais elles apportent un avantage pratique indéniable.

L’ubérisation du TRM peut-elle s’étendre, selon vous, à l’ensemble des spécialités de transport ? Ou alors ce phénomène vaudra-t-il surtout pour la logistique urbaine et le fret palettisé ?

N. L. : Les plateformes se sont intéressées au lot et au complet en priorité car c’est le marché le plus vaste et, peut-être, celui qui est d’accès le plus facile. Je pense raisonnablement que, si ces plateformes percent, elles devraient le faire sur ces deux spécialités. Du moment que la réglementation reste peu complexe et qu’on demeure sur de l’affrètement spot, je pense que ces plateformes peuvent également intervenir sur des segments de marché comme la citerne ou le pulvé, tant qu’on n’effleure pas la notion de matières dangereuses… Cela me semble, en revanche, plus compliqué sur le marché de la messagerie, lequel est lié à des contraintes de groupage et de ramasse à des heures précises.

Vous faites allusion à la réglementation… Beaucoup d’opérateurs du transport léger, mais également du VI, se plaignent d’être confrontés à une forme de concurrence déloyale exercée par des acteurs qui n’auraient pas le statut de commissionnaire, dont les conditions générales de vente seraient floues, et qui ne seraient pas titulaires de l’attestation de capacité…

N. L. : C’est un combat dont je me méfierais. Certaines plateformes sont parvenues à décrocher les attestations de capacité. Elles demandent à ce qu’on leur produise des documents comme le faisaient les bourses de fret. Je pense que tout cela va rentrer dans l’ordre. Les plateformes vont rentrer petit à petit dans la légalité. Je pense que mener ce combat revient à occulter le manque de services apportés par certains transporteurs et affréteurs. Que les syndicats patronaux mènent ce combat, pourquoi pas ? Mais attention que ce ne soit pas l’arbre qui cache la forêt !

Vous connaissez la faiblesse des marges dans le secteur du TRM, due en partie à l’étroitesse des prix pratiqués par le secteur. Ne pensez-vous pas que la prolifération des plateformes numériques d’intermédiation n’aggrave ce phénomène ? Que l’on assiste à une situation de dumping social ?

N. L. : Sur les tests que nous effectuons, nous n’avons pas l’impression que les algorithmes délivrent des prix qui figurent dans le bas du marché. J’ai plutôt l’impression qu’ils sont dans la moyenne du marché. Ne perdons pas de vue que, dans les bourses de fret, on fonctionnait plutôt dans des logiques d’enchères inversées. Je me demande si ce n’est pas une bonne démarche de communiquer directement avant la transaction.

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