Pendant que les constructeurs fondaient leurs informatiques embarquées sur le suivi de l’utilisation faite de leurs véhicules, les éditeurs généralistes développaient ce domaine comme un prolongement de leurs TMS (Transport Management System). Alors que les premiers observaient la consommation, les seconds envoyaient des ordres de mission. Il y avait au départ deux visions fort différentes de l’informatique embarquée, l’une s’intéressait aux aspects techniques tandis que l’autre apportait une solution métier. Par conséquent, les constructeurs ont développé des compétences à la fois différentes et complémentaires de celles qui ont mûri chez des spécialistes de l’informatique embarquée comme Astrata, Strada, TomTom, Trimble et TransX, entre autres. Président de Strada, Xavier Lebeault constate : « Nos clients souhaitent intégrer leur informatique embarquée à leur TMS. Toutefois, il y a trop d’acteurs et de matériels propriétaires. Les chargeurs qui imposent leurs propres applications ou systèmes aux transporteurs ne simplifient rien. »
Aujourd’hui, les boîtiers connectés prolifèrent à bord. La chaîne cinématique transmet son état, le groupe frigorifique fait de même, les pneus ne sont pas en reste, et en ajoutant une solution informatique « métier », on arrive sans forcer à quatre dispositifs communicants à bord. Chacun d’eux utilise une carte SIM et représente un coût mensuel. Il est temps de fédérer les données et de les échanger par un unique boîtier associé à un non moins unique abonnement. La tendance actuelle consiste à ouvrir les systèmes pour qu’ils hébergent les services de tiers. De multiples écueils freinent cette évolution, mais il est clair que la télématique des constructeurs glisse du véhicule vers de nouveaux portails personnalisables. En salle d’exploitation, on appréciera de ne plus devoir multiplier les fenêtres sur les écrans des PC pour suivre la flotte et diriger son activité. La fusion des solutions informatiques est essentielle afin que l’exploitant n’ait sous les yeux que des informations pertinentes qui justifient son intervention, notamment en cas de dérive.
Le numérique est au cœur de la stratégie des constructeurs. « Scania souhaite se positionner comme acteur digital du transport », confirme Stéphane Lecouflet, responsable des services connectés de Scania France. Même approche chez Volvo Trucks, qui est « un partenaire business pour l’optimisation de l’activité de ses clients » selon Romain Ringwald, ingénieur commercial connectivité de ce constructeur.
« Renault Trucks a aujourd’hui une politique d’installation systématique de la télématique sur sa gamme. Le client n’a pas à se soucier du montage ou du démontage des boîtiers », précise Gianmarco Dessi, référent informatique embarqué pour Renault Trucks. De même, Volvo Trucks équipe tous ses véhicules en série avec sa télématique. Mercedes fait de même avec tous ses tracteurs, et MAN monte le boîtier RIO sur tous ses véhicules, y compris le TGE.
DAF Connect est un « tableau de bord en ligne ». Personnalisable, il affiche l’emplacement du véhicule connecté, sa consommation de carburant, son kilométrage, son utilisation et ses temps d’inactivité. La planification est facilitée par la fonction Live FleetView qui réunit les itinéraires, les distances et les temps de conduite. L’exploitant peut être informé immédiatement en cas de non-respect d’un itinéraire ou d’une consigne de vitesse ou encore, en cas de consommation excessive. Ces fonctions sont celles que l’on retrouve chez les concurrents de DAF Connect. Ainsi, le suivi de la qualité de conduite, la réduction de l’incidentologie, l’adaptation de la stratégie d’achat de camions, l’optimisation de mission et celle de l’entretien sont au cœur de l’offre télématique. Gianmarco Dessi insiste sur le poste carburant « les gains de consommation grâce au suivi par télématique peuvent être spectaculaires, notamment dans le TP. C’est, pour le client, des économies en puissance. »
Selon Romain Ringwald, « l’atout de Volvo Trucks est d’avoir été précurseur. Nous bénéficions d’une antériorité, d’une expérience et d’une maturité exceptionnelles. Volvo Trucks a introduit Dynafleet en 1994 et apporte des garanties de pérennité ». Même lorsqu’elle est gratuite, l’activation de la télématique d’un camion est soumise à la signature d’un contrat en raison des échanges de données. Grâce à son antériorité, Dynafleet est actif en France sur 22 000 véhicules répartis dans 5 000 entreprises, ce qui représente 17 % du parc Dynafleet européen. Associé à Mercedes, Fleetboard fonctionne sur 9 000 camions français. Quant à Renault Trucks, son Optifleet connecte 17 000 véhicules français présents chez 1 700 clients. Arrivé tardivement, MAN ne dispose que de 6 000 boîtiers RIO activés en Europe dont 1 500 en France. Du côté des télématiciens généralistes, 35 000 des 70 000 systèmes connectés de Vehco roulent en France. Pour sa part, Strada a installé 6 000 boîtiers, dont 96 % sur des véhicules français. Le montage de la télématique d’un constructeur sur des véhicules d’une autre marque est possible, mais marginal. Dans ce domaine, c’est Fleetboard qui annonce le taux de conquête le plus élevé avec 15 % de ses véhicules équipés qui ne sont pas des Mercedes. Ils sont tous utilisés par des entreprises qui disposent par ailleurs de Mercedes et souhaitent homogénéiser leur télématique. Scania a une offre assez agressive en proposant l’installation de son Communicator sur n’importe quel camion Euro VI pour seulement 200 euros, à condition que le client souscrive pour trente-six mois à ses services Scania Control et Scania Tachy.
À propos des fonctions offertes par la télématique, « nous ne sommes pas différenciants sur la géolocalisation et le social », rappelle Gianmarco Dessi. Chaque constructeur a sa politique tarifaireet il faut avoir à l’esprit que la télématique se négocie généralement lors de l’achat du camion. Ainsi, Pierre Lussier, directeur de Fleetboard pour la France, précise que tous les contrats Fleetboard sont payants avec une période de gratuité négociable qui fait partie de la négociation commerciale. Tous les constructeurs ont une offre échelonnée, le premier niveau étant gratuit pendant un an chez Volvo, pendant dix ans chez Scania et même pour la durée de vie du véhicule chez MAN. Ce constructeur se distingue également par l’absence d’engagement de durée et par une facturation à la journée (0,22 à 0,42 euros par jour et par véhicule) et non au mois, comme le font ses concurrents. Même lorsqu’elle est totalement gratuite, l’activation de la télématique est refusée par certains clients, très minoritaires. Ceux-ci ne souhaitent pas que leurs véhicules émettent des informations. En cas de problème sur la route, cela interdit le diagnostic de panne à distance et la localisation facile du camion à dépanner.
Traditionnellement, le module de suivi de la qualité de conduite est indépendant de ceux chargés du téléchargement des fichiers V1B et C1B (carte conducteur et chronotachygraphe) et de la géolocalisation. Les tarifs hors remise sont de l’ordre de 15 euros par module, par mois et par véhicule. « Avec Fleetboard, la personnalisation des missions logistiques fait partie du service. Il n’y a pas de coûts cachés liés à des développements. Dans notre équipe française, une personne est chargée des configurations et de la mise en place des communications entre Fleetboard d’une part, et les TMS ou les outils de gestion de paie, d’autre part. Ces interventions et ces créations d’interface sont incluses dans le coût mensuel de Fleetboard », commente Pierre Lussier.
L’informatique embarquée a parfois été négligée par certains constructeurs, qui l’ont jugée accessoire et hors de leur cœur de métier, au même titre que la carrosserie industrielle. Aujourd’hui, on assiste à une reprise en main par les constructeurs. Ceux qui n’avaient pas d’offre dans ce domaine, comme DAF, ont lancé leurs solutions (DAF Connect), tandis que leurs concurrents plus avancés présentent l’organisation qu’ils ont dédiée au développement en interne de leurs services connectés. Chez Renault Trucks, la décision d’investir dans la télématique a accompagné la sortie de la gamme Euro VI. Optifleet, de Renault Trucks, utilise le même serveur que Dynafleet. Naturellement, pourrait-on penser. En fait, ce n’est pas si évident, car l’informatique embarquée Scania a sa recherche-développement spécifique, bien que ce constructeur fasse, comme MAN, partie de Traton (ex-Volkswagen Truck& Bus). Chargée de la digitalisation et des services connectés chez MAN France, Céline Dupont considère que « Scania rejoindra tôt ou tard RIO parce que c’est la logique industrielle ».
Au sein du groupe Volvo, l’entité Connected Solutions développe Dynafleet. Quant au déploiement des systèmes, il nécessite une adaptation à la multiplication des véhicules connectés et de leurs flux de données. C’est pourquoi Fleetboard s’est converti au cloud computing en utilisant Microsoft Azure. De même, la télématique Scania est passée de serveurs Scania à un mode cloud. Invisibles pour les utilisateurs, ces migrations ont été de gros chantiers pour les informaticiens des constructeurs.
« La télématique Iveco se concentre sur les données du véhicule, la consommation, l’éco-conduite et la détection des besoins de formation », précise Alexandre Merletti, responsable du service TCO2 chez Iveco France. L’informatique embarquée Iveco n’a pas d’intention de conquête sur les parcs d’autres marques. Elle est actuellement dépourvue de moyens de communiquer par API et se présente comme un système fermé. Elle constitue cependant un outil essentiel pour la formation du personnel lors de la conversion d’une flotte au gaz, carburant dont Iveco est spécialiste. Alors que l’informatique Iveco se distingue par sa fermeture et donc, son absence d’échanges avec d’autres solutions informatiques, ses concurrentes s’ouvrent autant que possible. D’une manière générale, les données sont partagées en Web Service. Dans ce contexte client-serveur, alors que Scania Data Access utilise l’architecture REST pour l’intégration des données du véhicule à un TMS ou à un autre système, c’est le protocole SOAP qui a été retenu par Fleetboard. Dynafleet est interfacé avec de nombreux TMS et plateformes de suivi logistique (GPI, Shippeo, etc.). Par exemple, lorsque Cofisoft propose un planning de transport, celui-ci peut être envoyé en un clic vers l’écran Dynafleet du camion concerné. Dans tous les cas, les données appartiennent au client.
Selon Céline Dupont, « la demande des clients dépend de la taille de leur flotte et de la modernité de leur entreprise. Le besoin de base des flottes moyennes reste la récupération des données du chronotachygraphe, l’optimisation de la consommation et l’envoi des ordres de mission. Les grosses flottes souhaitent une ouverture totale de la communication du véhicule afin de récupérer toutes ses données. Elles veulent les traiter à l’aide de systèmes qu’elles ont spécialement développés. Ce type de client cherche des informations précises, y compris les codes défauts d’entretien. » Quant à Xavier Lebeault, il met en évidence la place du TMS dans le choix d’une informatique embarquée par un transporteur : « La spécificité de Strada est son offre logicielle. Nos clients pour l’informatique embarquée sont en général les clients de nos TMS. Ils comprennent l’intérêt d’une parfaite intégration de l’informatique embarquée à leur TMS. Notre plus produit est évidemment d’être lié au TMS, car c’est à son niveau que se trouve l’intelligence du transport. Cela dit, certains de nos clients ont des informatiques embarquées fournies par Masternaut, TransX ou Vehco, et nos solutions ouvertes dialoguent avec elles. »
Pour brancher un appareil sur le bus CAN d’un véhicule, il faut en être le constructeur. Les systèmes exogènes doivent être branchés sur la prise FMS. Or, celle-ci ne transmet qu’une fraction des informations qui passent sur le bus CAN. Seul à avoir accès au bus CAN de ses véhicules, leur constructeur est évidemment le mieux placé pour suivre leurs sollicitations et développer leurs solutions de maintenance prédictive. Romain Ringwald résume les avantages et inconvénients des télématiques des constructeurs : « Dynafleet est une solution intégrée au camion. Elle va difficilement en sortir, car elle ne propose ni la numérisation, ni la signature des documents de transport, ni la possibilité de photographier des marchandises ayant subi une dégradation. De telles fonctions ont été développées par des services tiers limités dans leur analyse des données du camion. Or, Dynafleet apporte une grande précision dans ce domaine. Par exemple, un boîtier tiers ne considère pas la masse du véhicule, alors que Dynafleet la mesure à la fois par les coussins de suspension, la puissance à l’arrachée et la distance de freinage. » Chez Renault Trucks, l’intégration d’Optifleet aux processus existant dans l’entreprise est réalisée grâce à des intégrateurs comme S3PWeb ou en fournissant une assistance au service informatique du client. Il n’en reste pas moins que l’informatique embarquée des constructeurs peine à dématérialiser les documents de transport. Inversement, un éditeur comme Astrata est capable d’alimenter automatiquement une appli d’e-CMR (Dashdoc, TransFollow, etc.). Il est également en mesure de fournir des informations prévisionnelles selon la saisonnalité ou à propos des conditions de trafic ou des risques d’attente au chargement. « Parmi les informatiques embarquées fournies par les constructeurs de camions, Fleetboard est seul à fournir des fonctions logistiques incluant la gestion des missions et celle des marchandises. Notre solution est très souple et totalement personnalisable selon les processus d’exploitation des transporteurs. Nous avons par exemple créé une configuration pour un transporteur qui intervient dans le nucléaire, domaine qui impose des protocoles de sécurité spécifiques. Même s’il ne fait que de la palette, un transporteur a des besoins particuliers », affirme Pierre Lussier avec enthousiasme.
« Auparavant, l’informatique embarquée était au niveau du tracteur. Elle se déplace de plus en plus au niveau des remorques, notamment pour surveiller la marchandise et ses conditions de transport. Désormais, les marchandises sont géolocalisées en permanence depuis le chargeur jusqu’au client final », constate Xavier Lebeault. Il manque un protocole commun à l’ensemble des dispositifs communicants du camion, de sa remorque et de la carrosserie afin de faciliter l’interopérabilité de ces systèmes. Chaque dispositif crée donc son flux de données qu’il faut ensuite récupérer et agréger pour alimenter l’informatique du transport. Quand une semi-remorque communique, elle n’utilise presque jamais le boîtier communicant du tracteur, à l’exception des semi-remorques Krone et Schmitz Cargobull confiées à un tracteur Mercedes, dont le Fleetboard dispose de la fonction Trailer Data. Chez Scania, une étude est en cours pour intégrer les informations issues des groupes Carrier et ThermoKing. Lorsque la semi-remorque communique par ses propres moyens, ses données disponibles sur Internet peuvent être récupérées par une plateforme, par exemple RIO, qui les redistribue. Parmi les solutions des télématiciens généralistes, Vehco Asset assure le suivi des remorques et cela, qu’elles soient attelées, ou pas, à un tracteur.
Des modèles ont été créés grâce à l’historique des pannes constatées. En les appliquant, il est possible de prévoir la survenue d’une panne avant que celle-ci devienne pénalisante ou immobilisante. Selon Pierre Lussier, « un des éléments à observer pour savoir si un constructeur s’est vraiment lancé dans le véhicule connecté est le nombre de capteurs qui équipent son véhicule. Chez Mercedes, nos analyses sont très précises car nous avons 400 capteurs sur nos camions. Un capteur, c’est une information. Beaucoup de capteurs, ça veut dire beaucoup d’informations, donc de bonnes chances d’extraire celle qui sera pertinente. Nous sommes en plein big data et tirons des enseignements améliorant à la fois la maintenance du parc et la conception des futurs véhicules. Cela permet d’analyser l’utilisation du véhicule. Si elle n’est pas optimale, la consommation ne le sera pas non plus. Nous accompagnons nos clients afin que leurs véhicules soient correctement utilisés et leur parc optimisé. » Chargé de l’après-vente des systèmes télématiques chez Mercedes France, Mehdi Dupuis poursuit « Grâce à Uptime, nous proposons une alerte quel que soit le degré de gravité. Cette maintenance prédictive prolonge les intervalles de maintenance. En les allongeant de 120 000 à 150 000 km. Le coût d’Uptime est très largement amorti par l’élimination de nombreuses causes d’immobilisation et par la planification de la maintenance. Ayant l’information technique à propos des besoins d’entretien, le client est libre de le faire réaliser où bon lui semble. » Facturée 22 euros par mois, ou 12 euros si elle accompagne un contrat Complete, la maintenance prédictive Uptime équipe actuellement 10 % des véhicules Mercedes éligibles. Il y a donc un certain attentisme de la part des clients face à cette nouveauté, mais ceux qui ont adopté Uptime en apprécient les avantages.
« Appelée Uptime Care, la maintenance prédictive de Volvo Trucks sera au cœur de notre actualité 2019 à travers Volvo Connect. Elle fera partie des services fournis avec le véhicule, sans supplément. Ce sont 100 % des camions Volvo produits depuis octobre 2018 qui sont connectés et éligibles à la maintenance prédictive », annonce Mickaël Mothie, directeur commercial des solutions de transport Volvo Trucks France. Déjà testée par plusieurs flottes autour de Cavaillon (Vaucluse), la maintenance prédictive de Renault Trucks sera vraisemblablement lancée peu après celle de Volvo Trucks. Pour sa part, MAN introduira sa solution à la rentrée 2019. Chez Scania, les programmes de maintenance flexible fondés sur la télématique font l’objet d’une commercialisation adaptée au cas particulier de chaque flotte.
On peut d’ores et déjà anticiper que Volvo Connect sera adapté à Renault Trucks, qui disposera en 2019 d’un nouveau portail. Chez Renault, la géolocalisation Map+ devrait devenir plus accessible tandis que le montage de la télématique, déjà généralisé sur les modèles à cabine 2,5 m, sera étendu à la gamme D (cabines 2,1 et 2,3 m). La politique d’ouverture se poursuivra avec l’arrivée de solutions API afin de connecter Optifleet à des TMS. Lancé en France en 2019, Scania Zone assistera le chauffeur lorsqu’il circulera dans des zones à faible émission. Tant Fleetboard que RIO deviennent des environnements d’exécution pour des applications fournies par des tiers. Chaque système dispose d’un « App Store » ou « market place ». Celui de RIO a été ouvert en décembre 2017 et sera suivi par celui de Fleetboard d’ici à avril 2019. Fleetboard, RIO et leurs concurrents qui suivront ont la volonté de s’appuyer sur le savoir-faire de spécialistes dans tous les domaines du transport. Les équipementiers, les carrossiers ainsi que les éditeurs de logiciels de transport et de logistique sont donc invités à monétiser leurs applications depuis les marketplaces de ces systèmes. Ainsi, Dhollandia et Continental sont déjà présents sur celle de Fleetboard. VDO, Idem Telematics et TX-Social de Wabco le sont sur celle de RIO. Une ou deux applis rejoignent cette plateforme tous les mois. Qu’il s’agisse de Fleetboard, RIO ou d’autres systèmes ouverts aux applis tierces, tous se fondent sur le système d’exploitation Android. Dès lors, la suite de l’histoire est écrite d’avance. Les carrossiers et les éditeurs de solutions informatiques se contenteront bientôt de fournir des applis Android qui s’exécuteront sur les écrans tactiles montés d’origine par les constructeurs. Aucun d’eux ne parviendra à imposer massivement son système au-delà des véhicules de sa marque puisque tous pratiquent l’installation en première monte de leur télématique. Ce faisant, tous les acteurs se neutralisent et marginalisent leurs conquêtes de véhicules d’autres marques.
Quant aux éditeurs, ils n’ont guère l’intention d’adapter et de maintenir leurs logiciels pour les sept grandes marques du marché européen. L’informatique « première monte » exécutera donc les mêmes applications tierces quelle que soit la marque du camion. Dans cette histoire, le gagnant est discret, mais omniprésent. Il s’appelle Google, éditeur d’Android.
Loïc Fieux
Faire exécuter des applis tierces par l’informatique embarquée des constructeurs obligerait ces derniers à intervenir en tant qu’opérateurs téléphoniques. Le boîtier communicant d’un camion moderne comprend une carte SIM pour ses échanges utilisant les réseaux téléphoniques cellulaires. La création de « stores » et l’ouverture de l’informatique embarquée des constructeurs à des applis fournies par des parties tierces entraînent le « transport » de ces données tierces par une carte SIM associée au constructeur. Celui-ci transporte donc des données pour le compte d’autrui. En quantité importante, cela oblige à se déclarer comme opérateur téléphonique. Or, les constructeurs de camions n’ont pas l’intention de devenir opérateur téléphonique en raison des contraintes que cela entraîne. Pour contourner la difficulté, on pourrait imaginer que les communications depuis le camion passent par le téléphone du chauffeur ou qu’elles utilisent une carte SIM acquise par le transporteur. Cette solution n’est pas applicable aujourd’hui. En effet, le boîtier communicant du camion se charge non seulement de la télématique visible par le client, mais aussi des échanges avec les serveurs du constructeur dans le cadre de l’optimisation de la maintenance. Cette situation retarde depuis deux ans l’arrivée des « stores ». Une solution juridique aurait été trouvée afin d’éviter aux constructeurs de devenir opérateurs téléphoniques.
Face à une demande de mutualisation et de simplification des données, Volvo Trucks propose une « résidence digitale » et un accès unique pour l’ensemble des services souscrits par ses clients. Appelée « Volvo Connect », cette plateforme s’annonce orientée vers la productivité, la performance et la disponibilité. Dès début 2019, elle s’ouvrira aux données liées à la carrosserie, car elle hébergera les solutions de partenaires. Volvo Connect permet à la fois le développement d’applications métiers personnalisées par ses utilisateurs et l’envoi de données vers les plateformes télématiques d’autres constructeurs. L’accès à Volvo Connect est gratuit. Le client y activera ses services optionnels à travers une market place selon la valeur ajoutée que ces services peuvent lui apporter. On y trouvera à la fois des services gratuits (par exemple, les manuels d’utilisation numérisés) et des services payants. Certains seront développés par Volvo, d’autres le seront par des partenaires.