Ateliers intégrés, une affaire de maîtrise

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La maîtrise, il faut ici l’envisager sous tous ses angles, qu’il s’agisse du coût de l’entretien, des délais d’intervention, de la gestion du parc ou des compétences du personnel d’atelier. Ouverts aux pièces de la rechange indépendante, les ateliers intégrés sont malmenés à la fois par l’évolution technique et par les offres « service intégral » des constructeurs qui apportent une visibilité presque complète sur le coût total de possession.

Petits transporteurs locaux ou groupes d’envergure internationale, tous peuvent choisir d’internaliser l’entretien de leur parc en se dotant d’un atelier intégré. Pour celui-ci, différents modèles économiques existent, y compris la délégation à un réparateur agréé travaillant dans les murs du transporteur ou bien la commercialisation des services de l’atelier à des transporteurs tiers. Bien entendu, ce sont les grands groupes qui justifient le plus facilement leurs ateliers intégrés en raison des économies d’échelle qu’ils réalisent avec eux. L’économie serait pour eux de l’ordre de 10 à 15 %. Cependant, l’atelier d’un transporteur serait globalement moins productif que celui d’un réparateur. Le transporteur doit donc reconsidérer son atelier en le percevant comme un centre de profits dont tous les coûts doivent être étudiés et dont le personnel doit être performant. Dans l’analyse, le coût de l’entretien doit être pondéré par le kilométrage réalisé, car c’est bien le coût au kilomètre parcouru qui est important. évidemment, l’exploitation d’un logiciel de gestion de parc correctement renseigné apportera un éclairage pertinent sur les dépenses de maintenance associées à chaque véhicule, que son entretien soit internalisé ou externalisé. Le nombre d’immobilisations imprévues et le nombre de journées d’inactivité liées à la maintenance doivent également être connus afin de déterminer la meilleure formule d’entretien. Si l’atelier intégré est capable d’assurer l’entretien préventif, il lui sera en revanche beaucoup plus difficile de se convertir à l’entretien prédictif sans la participation, jamais gratuite, du constructeur.

Complexité technique et pénurie de mécaniciens

L’instinct patrimonial, consistant à posséder sa flotte et à l’entretenir soi-même, est actuellement en perte de vitesse. Les diverses formules de mise à disposition de véhicules avec reprise à l’échéance ainsi que les contrats de maintenance resserrent les contours du métier de transporteur. En outre, l’évolution technique et la pénurie de mécaniciens sont défavorables aux ateliers intégrés. Ils subissent les nouveaux contrats « service intégral » que proposent les constructeurs. De tels contrats présentent l’avantage d’apporter une certaine visibilité sur le coût total de possession. Leur adoption est favorisée par la tendance actuelle du « à chacun son métier », certains transporteurs acceptant que leur métier consiste à transporter et non à réparer. Rappelons aussi que, par principe, le contrat de maintenance se fonde sur une mutualisation des risques. Le constructeur peut donc perdre de l’argent sur un véhicule particulier qui a cumulé plusieurs problèmes. Selon le Comité National Routier (CNR), 20 % des camions vendus en 2016 l’ont été avec un contrat d’entretien-réparation. Parmi eux, quatre sur dix sont dotés d’un contrat « service intégral ». Sur le marché du VO, le suivi d’un camion par un contrat d’entretien provoque une plus-value. Un tel contrat apporte également au transporteur la dimension « gestion de flotte » qui pouvait lui faire défaut, surtout si son entreprise est de taille modeste. Même hors contrat, la période de garantie et les conditions de celle-ci dirigent naturellement les véhicules vers le réseau du constructeur. Il n’en reste pas moins que certains transporteurs perçoivent leur atelier comme un moyen de réduire le temps d’immobilisation de leur parc ou de pallier la distance qui les sépare des garages poids lourds. Si le réparateur se trouve à plus de 30 km ou à plus de 35 minutes par la route, l’impact négatif des trajets parasites pour s’y rendre peut justifier la mise en place ou le maintien d’un atelier intégré. À l’éloignement s’ajoute la contrainte de l’amplitude horaire du réparateur. A propos des heures d’ouverture d’un atelier intégré, on rencontre à la fois des ateliers ouverts « à la demande » chez les petits, et des ateliers fonctionnant sept jours sur sept là où l’activité le justifie.

Organiser convenablement un atelier intégré, c’est faire face aux variations de son activité et disposer en permanence du personnel et des pièces adaptées. Cela peut se révéler fort complexe lorsque la rentabilité est prioritaire. Pour les pièces, l’optimisation naît de la standardisation. En effet, l’homogénéité du parc limite à la fois le stock de pièces et les coûts de formation. Le prix des pièces détachées peut quant à lui être réduit grâce à une centrale d’achats. Celle-ci peut être créée par une poignée de transporteurs ou de réparateurs décidés à mutualiser leurs achats de pièces afin d’en réduire le prix unitaire. A la différence des charges sociales ou du prix du carburant, le coût des pièces est un poste de dépenses sur lequel les transporteurs peuvent agir. Faut-il pour autant délaisser la pièce d’origine au profit de la pièce de rechange indépendante ? On trouve de tout dans cette seconde catégorie et ce sera l’expérience qui dictera les choix. Au passage, l’échange standard est lui aussi une alternative à la pièce neuve. Quant à la pièce low cost, elle est fréquemment génératrice de coûts de main d’œuvre supplémentaires en raison de son usure accélérée.

Un atelier intégré, oui, mais pour quoi faire ?

Certaines activités, notamment le TP, provoquent de multiples casses du matériel et un atelier est justifié pour soigner les petits bobos quand il s’agit de remplacer un pare-chocs, un phare ou un garde-boue, ce qui ne demande pas de compétence particulière. Plus que la question de la pertinence de l’atelier intégré, c’est celle de son périmètre d’intervention qui se pose avec acuité. En effet, disposer du personnel et de l’outillage nécessaires pour assurer l’intégralité de l’entretien est loin d’être dans les moyens de tout le monde. Aussi, dans bien des cas, les ateliers intégrés d’aujourd’hui ne touchent plus à la chaîne cinématique qui devient la chasse gardée du constructeur. Le temps d’immobilisation d’un véhicule en atelier augmente quand son âge dépasse trois ans. Or, aujourd’hui, les tracteurs sont restitués au constructeur quand ils atteignent 36 mois (ils étaient conservés 69 mois en 2003).

Alors ? À quoi sert effectivement l’atelier intégré ? Au minimum, il assure l’entretien courant, souvent celui des pneumatiques, ainsi que la préparation aux visites techniques réglementaires. L’entretien des remorques est pour sa part souvent internalisé en raison du manque de disponibilité des garages pour cela. Il existe toutefois des prestataires spécialisés dans l’entretien sur site des semi-remorques, par exemple TIP Trailer Services. À temps perdu, l’atelier intégré peut également reconditionner du matériel.

Une activité de transport spécialisée, par exemple le porte-voitures, impose des véhicules particuliers et donc, des compétences qui le sont tout autant pour leur entretien. On ne s’étonne donc pas que les transports Rabouin disposent d’un atelier intégré employant à lui seul dix personnes pour s’occuper des 145 ensembles porte-voitures de l’entreprise. Ce transporteur est également en mesure d’intervenir sur site, ce dont tous les ateliers intégrés ne sont pas capables.

Quand une flotte roule en national ou en grand régional, l’intervention à distance ne s’improvise pas. Elle impose un atelier mobile, c’est-à-dire une camionnette lourdement outillée, et un personnel compétent et disponible pour le dépannage. Le maintien de cette capacité de projection peut se révéler dispendieux face aux contrats de maintenance incluant dépannage et remorquage que proposent les constructeurs. Ceci étant, certaines grosses flottes justifient par leur importance, non seulement un atelier principal, mais aussi des ateliers locaux, placés aux points stratégiques de leur activité.

Tant les semi-remorques que les carrosseries spécialisées rendent souvent nécessaire un atelier intégré. Une béquille pliée, un feu cassé, une fuite hydraulique, une ridelle défoncée, une bâche déchirée, un problème de groupe frigorifique ou de hayon peuvent souvent être traités en interne. En réaction, les réseaux tentent de développer le « one stop shop » en proposant sur un même site l’entretien du camion et ceux de la remorque et de la carrosserie. Il y a là un vrai défi tant les besoins sont variés.

Accéder aux outils de diagnostic

Le temps où les véhicules se réglaient « à l’oreille » est révolu. Les camions deviennent de plus en plus complexes et leur entretien exige à la fois un personnel formé aux dernières évolutions, et un outillage adapté. Sur ce dernier point, le matériel de diagnostic est maintenant indispensable à toute intervention. Or la fameuse « valise » est loin d’être donnée. DAF la vend par exemple 14 000 € HT pour le premier exemplaire fourni, 7 000 € HT pour les suivants. Il faut bien sûr une valise par marque de véhicules présente dans le parc et il est conseillé de disposer d’au moins une valise pour deux ou trois mécaniciens. N’oublions pas que le constructeur ne se sent pas obligé de vendre la valise à qui la lui demande. En pratique, les gros transporteurs, ceux qui pèsent lourd dans le CA du constructeur, ont un accès facilité aux outils de diagnostic et aux programmes de formation du constructeur. Les petits pourront toujours brandir l’article L 420-2 du code du commerce, mais toute procédure est à la fois longue, onéreuse et épuisante.

Rappelons que les réparateurs indépendants des constructeurs ont, eux aussi, du mal à se doter des compétences et de l’outil de diagnostic. Et même avec la formation et la valise dernier cri, il n’est pas absolument certain de pouvoir résoudre tous les problèmes. Il faut donc accepter l’éventualité d’une intervention du réseau du constructeur. Avant de penser à la formation du personnel, il faut préalablement être parvenu à recruter celui-ci. Actuellement, la tension est extrême sur le marché de l’emploi pour tous les métiers de la maintenance, y compris la réparation poids lourd. Les réseaux des constructeurs recrutent à la sortie des lycées techniques. En faisant miroiter des évolutions de carrière aux jeunes mécaniciens, ils offrent une perspective qui est hors de portée pour l’atelier intégré d’une structure modeste.

La maintenance prédictive

Chahutés par la pénétration grandissante des contrats de service et par la mode de l’externalisation, les ateliers intégrés voient maintenant arriver un nouvel ennemi avec la maintenance prédictive. Déjà opérationnelle chez Mercedes, elle arrive chez ses concurrents et aura pour conséquence de rapatrier la maintenance dans le réseau du constructeur. En effet, celui-ci dispose d’informations envoyées en permanence par le camion. Mieux encore, le constructeur a le savoir-faire pour interpréter ces informations et en déduire des invitations à effectuer une opération de maintenance préventive avant une panne immobilisante.

Ces nouveaux services destinés à assurer la disponibilité (uptime) des véhicules participent à la réduction du coût total de possession en évitant les immobilisations imprévues. Ils font toutefois du transporteur un client captif du constructeur. Il faudrait donc accepter de perdre en liberté ce que l’on gagnerait en rentabilité. Depuis un an, la flotte Delisle se convertit à l’uptime Mercedes avec des résultats qui semblent convaincants. Son entretien est délégué à Rambach, réparateur agréé Mercedes, qui s’est vu confier l’atelier intégré du transporteur. Ce modèle original, consistant à héberger un représentant du réseau du constructeur dans un atelier intégré semble présenter de nombreux avantages. La proximité de l’atelier intégré, la compétence attendue du réseau du constructeur et les avantages de l’uptime sont ainsi réunis.

Au lieu de pousser les transporteurs à envoyer leurs camions en entretien dans le réseau du constructeur, l’évolution technique pourrait, au contraire, entraîner l’arrivée de représentants de ces mêmes réseaux dans les ateliers intégrés.

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