Après des années de négociations conflictuelles, les pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Japon, Allemagne, Italie, France et Grande-Bretagne) ont approuvé à Londres début juin une réforme qui semblait inimaginable : la première étape d’une harmonisation de la fiscalité mondiale. A terme, le projet repose en effet sur deux phases : la répartition équitable entre les pays des recettes fiscales provenant des 100 entreprises les plus rentables au monde, les Gafa, qui s'établirait à 21 %, puis, dans un deuxième temps, un impôt mondial sur les entreprises d’au moins 15 %. L’accord a été rendu possible par le changement d’administration aux Etats-Unis, dans la mesure où le président des Etats-Unis, Joe Biden, est à la recherche de financements pour son colossal plan de relance post-Covid.
De considérables hausses d’impôts
L’accord de Londres inquiète déjà les armateurs. Olaf Merk, du Forum International des Transports ITF, parle de "plus grand virage depuis des décennies pour la marine". Même si elle n’est, à ce stade, pas directement visée, la marine marchande risque de ne pas échapper à l’harmonisation fiscale à venir pour les secteurs hors GAFA. A Berlin, le ministère des Finances rappelle que les discussions à venir ne se dérouleront pas "par branche". "Cela représenterait de considérables hausses d’impôts, estime Olaf Merk. En moyenne, les armateurs paient 7 % d’impôts sur les sociétés, les gestionnaires de terminaux 20 % et les transporteurs 27 %. Le taux moyen d’imposition au sein de l’OCDE est de 23 à 24 %. Si on introduisait un impôt de 21 %, le secteur maritime devrait payer des milliards d’euros de taxes en plus."
Norman Zurke, gérant de la fédération des entreprises du port de Hambourg, le plus gros d’Allemagne, ajoute que : "l’établissement d’un impôt minimum pourrait contribuer à réduire l’écart de compétitivité entre les ports et les armateurs en termes de gestion des terminaux, au profit des ports, ce qui pourrait atténuer la tendance à l’intégration verticale dans ce domaine". De plus en plus d’armateurs gèrent leurs propres terminaux, au détriment des opérateurs portuaires.
L'inquiétude est réelle
En Allemagne, l’inquiétude est réelle. "L’harmonisation fiscale vise avant tout les gros groupes internationaux de l’internet et non la marine marchande, souligne le porte-parole de la fédération des armateurs allemands VDR, Christian Denso. De nombreuses nations maritimes, dont l’Allemagne, ont instauré des régimes fiscaux spéciaux pour la marine qui empêchent d’entrée de déplacer les bénéfices vers des pays plus attractifs fiscalement. Nous sommes confiants sur le fait que, que lors de la seconde vague de négociations, l’OCDE va éviter d’adopter des mesures qui comporteraient des effets secondaires indésirables pour la marine marchande."
En décembre 2020 déjà, les organisations WSC, ICS, ECSA et CLIA avaient pris une position similaire dans un document de 40 pages demandant le maintien d’un régime fiscal national pour les armateurs et leurs navires.