La stratégie aérienne de l'Arabie saoudite s'inscrit dans la volonté du royaume pétrolier de devenir une destination d'affaires et de tourisme, mais le pari est loin d'être gagné, estiment des analystes. Le nouveau transporteur de la capitale, Riyadh Air, a été officiellement dévoilé début mars par le prince héritier et dirigeant de facto du pays, Mohammed ben Salmane.
Deux jours plus tard, les autorités ont annoncé une commande de 78 Boeing 787 Dreamliner pour préparer le lancement de ses premiers vols début 2025, et étoffer la flotte de la compagnie nationale existante, Saudia, basée à Jeddah.
L'accord évalué à environ 37 milliards de dollars par la Maison Blanche, pourrait porter sur 121 appareils avec les options. Il est le cinquième le plus important de l'histoire de Boeing en termes de valeur. Selon le PDG de Riyadh Air, Tony Douglas, le nouveau transporteur desservira le marché international, régional et national, entrant ainsi en concurrence avec les poids lourds du Golfe, Emirates et Qatar Airways.
Riyadh Air devra toutefois conquérir des parts de marché à un moment où les options de vols long-courriers directs, contournant le Moyen-Orient, se multiplient, souligne Alex Macheras, spécialiste du secteur de l'aviation.
"Reproduire et développer les modèles réussis des compagnies aériennes voisines sera difficile sur un marché encombré où les passagers n'ont que l'embarras du choix", estime-t-il.
Développer Ryad
Les autorités cherchent désormais à positionner Ryad comme un rival du centre d'affaires du Golfe, Dubaï, dans le cadre du vaste programme de réformes, mené par le prince héritier pour réduire la dépendance du royaume à l'or noir.
Le nouvel aéroport de la ville, dont la construction a été annoncée en novembre dernier, vise à accueillir 120 millions de passagers par an d'ici 2030, contre environ 35 millions actuellement. "Jeddah a besoin, à elle seule, d'une compagnie aérienne pour se focaliser" sur les pèlerinages. "Il fallait donc une compagnie axée sur Ryad", a affirmé le ministre saoudien des Finances, Mohammed al-Jadaan.
Pour Robert Mogielnicki, du Arab Gulf States Institute à Washington, les autorités partent sans doute du principe que "si l'ont construit, les gens viendront". "Le côté demande de l'équation reste encore à déterminer, mais les Saoudiens doivent être assez confiants pour passer une commande d'avions aussi massive", ajoute-t-il.
Outre Ryad, NEOM, une ville futuriste en cours de construction dans le royaume, aura également son propre transporteur.
NEOM Airlines "sera opérationnelle à la fin de 2024", a écrit récemment son PDG, Klaus Goersch, estimant que cette ville de 500 milliards de dollars pourrait elle aussi devenir "une plaque tournante de l'aviation mondiale".
"Futur géant"
Bien placés pour desservir l'Europe, l'Asie et l'Afrique, les aéroports du Moyen-Orient devraient voir leur trafic passer de 405 millions de passagers en 2019 à 1,1 milliard d'ici 2040, selon les prévisions de l'association Airports Council International.
Avec une population de 35 millions d'habitants, l'Arabie saoudite a l'avantage par rapport aux petits États voisins du Golfe de pouvoir compter sur un important marché domestique.
Mais les longs courriers commandées à Boeing suggèrent que la nouvelle compagnie veut se positionner comme un "hub de transport pour le transit", souligne Alex Macheras.
Le meilleur atout de Riyadh Air est sans doute son propriétaire. Le très riche fonds souverain saoudien sera en mesure d'amortir "la première phase qui sera inévitablement intensive en capital", selon Alex Macheras.