Bras de fer entre Rome et Bruxelles au sujet du sauvetage d’Alitalia

Mario Draghi, chef du gouvernement italien depuis février, est confronté à son premier dossier explosif sur le terrain économique : comment sauver de la faillite le fleuron national Alitalia alors que les négociations sur ce sujet avec Bruxelles sont dans l'impasse.
Au début des tractations en mars sur l'épineuse question des aides d'État à la compagnie Alitalia, Rome et Bruxelles s'étaient félicitées d'un débat "constructif", mais le ton s'est depuis nettement durci. "Nous sommes engagés dans une véritable bataille" avec la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, "pour lui faire comprendre l'importance d'avoir une compagnie aérienne à nous", a lâché le sous-secrétaire au Trésor, Claudio Durigon. Dans la rue, "je suis assailli par des salariés d'Alitalia qui contestent le fait que ce qui est accordé à Lufthansa et Air France ne l'est pas à Alitalia", a déclaré le ministre du Développement économique Giancarlo Giorgetti. Air France-KLM et Lufthansa ont, en effet, bénéficié d'aides publiques de respectivement 10 et 9 milliards d'euros.

Dans une missive envoyée à Rome, Margrethe Vestager fait part de sa "préoccupation sur le manque de progrès substantiels" dans ses négociations avec Rome et réclame que la nouvelle compagnie censée naître des cendres d'Alitalia marque une nette rupture avec son ancêtre. L'ancien gouvernement dirigé par Giuseppe Conte avait créé en 2020 une entreprise publique pour sauver Alitalia, baptisée Ita, dans laquelle il comptait injecter 3 milliards d'euros. En 2017 et 2019 Alitalia s'était déjà vu accorder par l'État des prêts d'un total de 1,3 milliard d'euros, désormais dans le viseur de Bruxelles qui examine si cette aide est conforme aux règles de la concurrence.

Vente des actifs

Sous la pression de la Commission européenne, les ambitions du plan de relance d'Alitalia ont été revues à la baisse. Il est désormais question d'une flotte réduite de moitié, à 45 appareils, et d'effectifs ramenés à 4.500 salariés pour le secteur de l'aviation. La maintenance et les services au sol devraient être mis en vente séparément. "Le secteur aérien a connu un important mouvement de concentration ces dernières années. Toute seule, Alitalia ne pourra pas survivre, il lui faut un partenaire privé", a commenté Massimo Colombo, professeur d'économie de l'innovation à l'École polytechnique de Milan.

Pour les vols internationaux au départ et à l'arrivée d'Italie, la part de marché d’Alitalia n'était que de 7,8 % en 2019, loin derrière les 23 % de Ryanair. La compagnie a cumulé des pertes de 11,4 milliards d'euros entre 2000 et 2020. Et son chiffre d'affaires s'est écroulé de 65 % à 1,1 milliard d'euros en 2020. Le mandat donné par Mario Draghi à ses ministres paraît clair, mais difficile à réaliser : "Il faut négocier un plan pour Ita lui permettant" de voler de ses propres ailes "sans peser sur la collectivité".
"Je ne crois pas que l'État italien doive encore une fois mettre la main à la poche pour renflouer Alitalia", a déclaré Andrea Giuricin, économiste des transports à l'université Bicocca de Milan, qui prône une vente des actifs de la compagnie sur le marché. "Une nouvelle Alitalia a minima pourra difficilement résister à la concurrence des grandes compagnies comme Lufthansa et Air France, et des sociétés à bas coût comme Ryanair ou Easyjet", a-t-il ajouté. Selon lui, Mario Draghi "n'ira pas à la confrontation avec Bruxelles et cherchera à réduire au minimum le recours à l'argent public".

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