Air France-KLM : une opération boursière assez classique

Comment l'État néerlandais a-t-il pu s'emparer de 14 % du capital du groupe aérien Air France-KLM en six jours d'activité boursière sans éveiller l'attention ? Si l'opération a pu surprendre, elle est néanmoins assez classique du point de vue boursier.
Comment mener une opération d'une telle ampleur en catimini ?
Le plus courant pour procéder à l'achat d'un nombre important de titres est de passer par les échanges dits "de gré à gré" : deux investisseurs se mettent directement d'accord pour échanger un bloc d'actions. C'est ce qu'a semblé confirmer le ministre néerlandais des Finances, Wopke Hoekstra, dans sa lettre au Parlement où il a affirmé avoir chargé la banque ABN AMRO de procéder à l'achat de titres le 20 février "au nom de l'État néerlandais", via des achats sur les marchés régulés ou par des transactions de gré à gré. "L'opération s'est passée très discrètement sur le marché", explique Christopher Dembik, responsable de la recherche économique de Saxo Banque qui estime que la banque "a probablement procédé par des achats de gré à gré". "Les volumes n'ont pas significativement été supérieurs à leur tendance de long terme", juge également un connaisseur du dossier. Il est aussi "possible" que les intervenants soient passés par un "darkpool", espace de négociation où les investisseurs ne sont pas obligés de déclarer leurs transactions en amont contrairement à ce qui se passe sur les marchés réglementés, comme la Bourse de Paris, complète l'expert.

Est-ce une pratique courante ?
"Ce qu'ils ont fait n'a rien d'anormal. Cela dénote plus un souci d'efficacité qu'une volonté particulière de masquer l'opération. Ce qui est surprenant c'est qu'ils aient trouvé aussi rapidement des titres à acquérir", selon un spécialiste. "Il faut de toutes façons mieux y aller assez discrètement, encore plus dans un contexte politiquement sensible, et davantage encore quand l'acheteur est un État", observe Christopher Dembik.

Que prévoit le gendarme des marchés dans une opération de ce type ?
Pour assurer la bonne information de l'ensemble des acteurs du marché, tout franchissement des seuils légaux de 5, 10, 15, 20, 25, 30 %, 1/3, 50 %, 2/3, 90 et 95 % du capital ou des droits de vote d'une entreprise, par un actionnaire agissant seul ou de concert doit être déclaré à la société visée, et à l'Autorité des marchés financiers (AMF). La réglementation prévoit que le déclarant a quatre jours de Bourse maximum pour effectuer sa déclaration une fois le palier franchi. Les déclarations sont ensuite publiées par l'AMF dans un délai maximal de trois jours de Bourse. Dans sa lettre au Parlement, Wopke Hoekstra assure avoir "pris en compte l'importance des différentes obligations de notification à Air France-KLM et au régulateur français".

Pourquoi cette opération a-t-elle été perçue comme agressive ?
"Cela été perçu comme agressif, si nous nous plaçons du côté français, sachant en plus que théoriquement les relations politiques entre la France et les Pays-Bas sont bonnes", note Christopher Dembik. Un geste amical de l'État néerlandais "aurait été de prévenir le gouvernement français et la société", relève également un expert boursier. Selon la presse néerlandaise, cela a été fait une fois l'opération terminée. Mais "nous sommes dans un bras de fer entre deux États sur des questions de management et de répartition des pouvoirs", poursuit Christopher Dembik. "Cela peut donc surprendre mais quand on connaît le dossier sur le long terme, nous savions qu'il y avait une grosse frustration du côté des Néerlandais depuis longtemps". Avoir "une meilleure répartition du pouvoir, complète-t-il, cela passe par de l'actionnariat. Et pour cela, c'était le seul moyen".

Procéder différemment aurait-il été plus favorable pour l'entreprise ?
Pour Christopher Dembik, si l'opération avait été totalement publique, "cela aurait été beaucoup plus négatif sur le long terme pour l'entreprise". "Sur du court terme cela peut sembler violent, mais cela s'explique du point de vue de l'organisation interne entre Français et Néerlandais, et c'était le meilleur moyen de limiter la casse sur du long terme pour l'entreprise". "Parce que dans une semaine ou quinze jours, nous n'en parlerons plus sur les marchés. C'est simplement une rivalité politique qui a été révélée au grand jour".

Transport aérien

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15