"En Europe, Air France, par exemple, peut faire le nombre de vols qu'elle veut vers l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne ou le Portugal. Cette liberté […] n'existe pas à l'intérieur de l'Afrique" pour les compagnies africaines, explique un expert du secteur aérien (qui a requis l'anonymat), qui dénonce la parcimonie avec laquelle certains États accordent des "droits de trafic" permettant d'opérer sur leur territoire.
Ces "droits de trafic" restreints limitent le nombre d'itinéraires directs et la fréquence des vols, et rallongent les trajets.
Selon une étude réalisée en 2021 par l'Association du transport aérien international (Iata) à l'intention de l'Union africaine (UA), sur les 1 431 liaisons possibles entre chacun des 54 pays de l'UA, seules 19 % bénéficiaient d'un vol direct au moins hebdomadaire. L'Afrique est la région du monde où les prix des billets d'avion sont de loin les plus chers pour voyager à l'intérieur du continent, indique aussi cette étude.
"Le trafic aérien est tellement cher en Afrique qu'il ne se développe pas et que les lignes restent mal desservies", déplore Guy Leitch, analyste aéronautique et éditeur du magazine sud-africain SA Flyer.
Ainsi, pour parcourir les 1 000 km entre Libreville et Bangui, il faut compter au mieux neuf heures et 1 000 $. La même distance au sein de l'Europe dure deux heures et vaut cinq fois moins cher.
Cher kérosène
Les "mécanismes protectionnistes" en vigueur dans certains pays "pour favoriser leurs compagnies locales [...] entravent la concurrence", explique Linden Birns, consultant dans le secteur aérien basé en Afrique du Sud.
Les taxes très élevées pour l'utilisation des services de navigation aérienne ou des installations aéroportuaires et le coût élevé du kérosène expliquent aussi les tarifs pratiqués, analyse Robert Lisinge, chef de la division énergie, infrastructures et services à la commission économique pour l'Afrique de l'ONU (ECA).
Majoritairement importé en raison des faibles capacités africaines de raffinage, le kérosène en Afrique peut être 30 % plus cher qu'ailleurs, y compris dans les aéroports de pays producteurs de pétrole, souligne l'expert africain ayant requis l'anonymat.
Libéralisation du marché
Pourtant, la libéralisation du marché, dont il est attendu l'augmentation du nombre de liaisons et donc la baisse des coûts, a fait l'objet de plusieurs décisions : Yamoussoukro en 1999 sur la libéralisation du marché aérien en Afrique, Marché unique du transport aérien africain (SAATM, en anglais) en 2018, qui devait lever certaines restrictions.... Mais elles peinent à s'appliquer.
"Il reste de nombreux accords bilatéraux relatifs aux services aériens et beaucoup de restrictions", retient Robert Lisinge, si bien que les compagnies sont limitées par "le nombre de vols qu'elles souhaiteraient opérer et des appareils de la capacité de leur choix". "L'Afrique est vaste, les liaisons routières sont relativement mauvaises" et les lignes ferroviaires peu nombreuses, rappelle-t-il, en évoquant le projet de Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).
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D'après une autre étude de l'Iata (2014) portant sur 12 pays, la libéralisation du marché aérien entre eux ferait bondir le trafic de 81 %. La suppression des barrières générerait 1,3 Md€ de retombées économiques et favoriserait la création de 155 000 emplois.
Aymeric Vincenot