Sur quels fondements repose l'avance revendiquée de la France dans la propulsion vélique ?

Grain de Sail II

D'une capacité d'emport de 350 t pour 52 m de long, le Grain de Sail II a réalisé sa première traversée transatlantique vers New York avec des soutes chargées.

Crédit photo ©ANGELA WEISS / AFP
Dans la course naissante à la décarbonation du transport maritime, la voile fait son grand retour. Et la France navigue en tête, avec plusieurs voiliers marchands en construction, en projet ou déjà en service.

L'enjeu est immense. Avec environ 1 milliard de tonnes de dioxyde de carbone émises chaque année, le transport maritime est responsable de 2,89 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon l'Organisation maritime internationale (OMI), qui entend atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Parmi les énergies alternatives au fioul lourd, comme l'hydrogène, le méthanol ou l'électricité, toutes présentent des défauts en matière de coût, de disponibilité ou de stockage. Il en est une qui s'affranchit de tous ces critères, à portée, gratuite, illimitée, invisible : dieu le vent.

"La voile est aujourd'hui la seule solution mature pour décarboner à 80 ou 90 % le transport maritime", abonde Éric Foulquier, enseignant-chercheur en géographie à l'université de Bretagne occidentale.

Le vent est déjà utilisé par une quarantaine de navires dans le monde, selon l'International Windship Association. Une goutte d'eau dans une flotte mondiale qui compte plus de 50 000 navires marchands d'autant que la propulsion vélique est encore largement utilisée comme force d'appoint, permettant des économies en carburant qui dépassent rarement les 20 %, selon le système utilisé, qu'il s'agisse de rotors, ailes rigides, kites, etc.

La France à l'avant-garde revendiquée

Pour réduire drastiquement leurs émissions de CO2, des néo-armateurs font donc un choix plus radical, en concevant des navires utilisant le vent comme moyen de propulsion principal.

Sur ce créneau du tout-voile, "la France se positionne à l'avant-garde", pointe Lise Detrimont, déléguée générale de l'association Windship. La mise à l'eau de goélettes flambant neuves, conçues spécialement pour le fret, a été lancée avec le voilier Grain de Sail II cette année.

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D'une capacité d'emport de 350 t pour 52 m de long, ce voilier a réalisé sa première traversée transatlantique vers New York au printemps, avec des soutes remplies de vins, cosmétiques et autres produits de maroquinerie.

"Pour l'instant, il y a un engouement, on arrive à remplir le navire", confie Stefan Gallard, directeur marketing de Grain de Sail, basée à Morlaix.

Des "concentrés de technologies"

La compagnie havraise Towt, qui doit mettre en service deux voiliers-cargos cet été, a déjà prévu une flotte de huit voiliers-cargos d'ici 2027, composée de goélettes de 81 m de long pouvant embarquer 1.200 palettes pour une baisse d'émissions de CO2 de 90 % par rapport au fioul.

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Un retour aux sources de la navigation qui n'a rien de rétrograde, car ces navires sont "un concentré de technologies : il y a plus de 50 technologies à bord, assure Guillaume Le Grand, président de Towt. On a même des hélices qui peuvent tourner à l'envers pour fournir de l'énergie renouvelable".

En construction, un navire roulier de 136 m pour 5.300 t d'emport, imaginé par la société nantaise Neoline, devrait effectuer sa première traversée transatlantique en juin 2025. Il sera alors le plus grand navire marchand à la voile. "Le système vélique fonctionnera 80 % du temps, sauf pour les manœuvres dans le port ou en cas de retard", explique Gabriella Paulet, responsable communication.

Des trajets optimisés

La coopérative lorientaise Windcoop travaille, quant à elle, sur un porte-conteneurs à voiles de 85 mètres pour 1.400 t, qui reliera la France à Madagascar en 35 jours, avec 60 % de navigation à la voile.

Plus lents mais aussi plus petits que leurs homologues au fioul, les voiliers-cargos ont l'avantage de pouvoir charger et décharger dans des ports secondaires et réduire ainsi les temps de trajets en évitant les transbordements dans les "hubs" portuaires comme Le Havre ou Anvers.

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Tous profitent également du routage météo qui leur permet d'optimiser leur route en fonction du vent.

Le projet le plus ambitieux est sans doute celui porté par Zéphyr & Borée : un porte-conteneurs de 160 m pour 12.000 t de capacité de chargement. Doté d'une aile rigide pliable, il affichera un bilan carbone divisé par deux par rapport au conventionnel.

"Dans trois ou quatre ans, on va arriver à un point de bascule : tout le monde va vouloir des voiles", prédit Nijs Joyeux, président de la société nantaise.

La rédaction avec Antoine Agasse

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