Étude : la réglementation sur la teneur en soufre des carburants accélérerait le réchauffement climatique

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Le fioul plus propre des navires accélérerait le réchauffement climatique, selon l'étude menée par le chercheur Tianle Yuan.

Crédit photo BNMK0819/Adobe Stock
Au cœur d'une controverse scientifique depuis un an, la réglementation sur la teneur en soufre des carburants a trouvé un nouvel écho le 30 mai, avec la publication d'une nouvelle étude pointant le rôle de la réglementation IMO 2020 sur les températures record de 2023.

La réglementation de l'Organisation maritime internationale (OMI), qui a abaissé la teneur en soufre du fioul des navires depuis le 1er janvier 2020, de 3,5 à 0,5 %, a "contribué au réchauffement anormal que nous avons connu en 2023 et 2024", affirme Tianle Yuan, chercheur à l'université du Maryland, auteur principal d'une étude, publiée dans la revue Communications Earth & Environment.

Elle aurait généré "un effet réchauffant important" qui "va pratiquement doubler le taux de réchauffement pour les années 2020", souligne le chercheur, pointant "un impact particulièrement fort sur l'Atlantique Nord", marqué en 2023 par des canicules marines inédites.

Des dioxydes de soufre en cause

Ce phénomène trouverait sa source dans l'effet refroidissant des dioxydes de soufre, émis lors de la combustion par les navires. Ces aérosols contribuent à réfléchir et à absorber les rayons du soleil et favorisent la formation des nuages, qui absorbent moins de chaleur que les océans. Le soufre émis par les navires atténuerait donc le réchauffement climatique, ce dernier dû à l'accumulation des gaz à effet de serre émis par les activités humaines.

Instaurée pour améliorer la qualité de l'air, la réglementation de l'OMI a été particulièrement efficace, en réduisant de 80 % les émissions de soufre du transport maritime depuis 2020, souligne l'étude. Mais elle pourrait cependant provoquer une hausse de la température mondiale de 0,16°C sur sept ans.

Cette publication intervient alors que la planète enchaîne les records de chaleur depuis juin 2023, en particulier à la surface des océans, qui ont atteint un plus haut absolu en mars 2024 (21,07°C).

La "peine climatique" des politiques de qualité de l'air

Les auteurs de l'étude comparent la réglementation de l'OMI au "choc terminal" et "involontaire" d'une expérience de géo-ingénierie. Cette science de la manipulation du climat, qui vise à contrer les effets du réchauffement climatique, étudie en effet l'injection d'aérosols à grande échelle dans l'atmosphère ou l'éclaircissement des nuages marins pour qu'ils réfléchissent mieux les rayons du soleil.

Les auteurs estiment d'ailleurs que leurs résultats suggèrent que "l'éclaircissement des nuages marins peut être une méthode viable de géo-ingénierie pour refroidir temporairement l'atmosphère".

"Ça faisait longtemps qu'on attendait un réchauffement associé à l'amélioration de la qualité de l'air. On appelait ça la "climate penalty" [peine climatique, NDLR] des politiques de qualité de l'air", a remarqué Nicolas Bellouin, professeur en climatologie à l'Université de Reading (Royaume-Uni).

"L'industrie maritime avait même misé là-dessus, sans succès, pour éviter de devoir utiliser des carburants plus propres, donc plus chers", a rappelé le chercheur qui n'a pas participé à cette étude mais qu'il juge "plus solide scientifiquement que les études précédentes".

Pour autant, pour le scientifique, la contribution de la baisse des émissions des navires "à l'anomalie de [température de] 2023 et aux taux de réchauffement à venir reste une question ouverte."

L'ampleur du phénomène toujours en débat

Cela fait près d'un an que la question agite la communauté scientifique. Jusqu'à présent, la plupart des climatologues estimaient que la réduction des émissions du secteur maritime ne pouvait expliquer qu'une petite partie de la hausse des températures, de l'ordre de quelques centièmes de degré, selon un article, souvent cité, publié par Carbon Brief.

"Il y a peu de débats sur le fait que les aérosols refroidissent le climat, mais il y a beaucoup d’incertitudes sur l'ampleur de cet effet refroidissant", a ainsi souligné Edward Gryspeerdt, chercheur à l'Imperial College de Londres, cité par le Science Media Centre britannique.

"L'histoire nous a montré que des variabilités naturelles ont été surinterprétées dans le passé", a ajouté Jean-Louis Dufresne, climatologue, directeur de recherche au CNRS, qui estime "compliqué" d'analyser "de petites perturbations sur des courtes périodes de temps".

Antoine Agasse et Nick Perry

>>> Lire aussi : À quoi carburent les navires ?

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