Les manutentionnaires prêts à participer au rebond des ports français

© GPMB Sébastien Husté
Les manutentionnaires français membres de l'Unim sont revenus cette année sur le devant de la scène à Bordeaux. S'ils sont désireux de contribuer au rebond des ports de l'Hexagone, ils se sont présentés munis d'un manifeste définissant les derniers points à régler.
Pour son grand rendez-vous annuel le 3 septembre, l'Union nationale des industries de la manutention (Unim) a maintenu son escale initialement programmée à Bordeaux qu’un cas de force majeure de type planétaire avait ajournée l’an dernier.

Privé ainsi de son assemblée annuelle, qui est toujours un moment pour mettre les points sur les i, le porte-parole des entreprises de manutention portuaire est sorti de son silence imposé, armé d’un document intitulé "P.O.S.S.I.B.L.E. 2021", établissant un état des lieux sur quatre thèmes : attractivité et compétitivité, gouvernance, transition énergétique et gestion sociale.
Si la profession s’inscrit pleinement dans les "objectifs ambitieux" fixés par le gouvernement pour offrir un "destin maritime au long cours à ses ports", elle estime qu’il reste néanmoins des trajectoires à confirmer "ensemble".

La paix sociale de retour à Bordeaux

Le choix de la ville pour cette première rencontre, après un long épisode sanitaire précédé d’une crise sociale aiguë dans le cadre de la réforme des retraites, n’est pas neutre. Le plus petit des sept Grands Ports maritimes sort de presque trois années de tumultes, avec le projet avorté d’un grand terminal à conteneurs au Verdon prévu par le précédent plan stratégique (2015-2020) qui a précipité le départ de MSC, et le placement en redressement judiciaire de la société de manutention BAT (Sea Invest), dont l'activité a finalement été reprise par le port de Bordeaux.

Outre des pertes de trafic (passé de 7,06 à 6,81 millions de tonnes entre 2018 et 2019 pour finir 2020 à 6,05 Mt), la confiance dans la gestion du port en est ressortie affaiblie et les relations avec les syndicats de salariés, le tissu portuaire et les collectivités locales, considérablement altérées au point de relancer pour certains les arguments en faveur de la régionalisation du port.

Coïncidant avec l’arrivée de Jean-Frédéric Laurent à la tête du port en 2019, les "relations gelées et vitrifiées" se sont pacifiées. Ce que confirme Jean-Dominique Droneau, le représentant de l’Unim à Bordeaux pour qui les acteurs économiques "ont été associés aux réflexions sur la pertinence des infrastructures envisagées dans le cadre du nouveau projet stratégique".

Enfin, Bordeaux est aussi ce lieu où le Conseil d'État a, en février 2017, requalifié en concession de service une convention de terminal, outil ad hoc issu de la réforme portuaire de 2008 qui avait pour objectif d'améliorer l'attractivité et de favoriser l'investissement.

Contribuer à l’attractivité portuaire

L’Unim est un partenaire volontaire mais… pas dormant, a signifié Christian de Tinguy, le président de la fédération depuis 2013. Il prend pour preuve la signature d’une charte en octobre 2020 par laquelle les manutentionnaires (aux côtés d’autres acteurs de la chaîne logistique) se sont engagés à passer par les ports français pour rapatrier des flux.
Mais pour ce secteur à haute intensité d’emploi (les ouvriers dockers), concerné par d’innombrables sujets fiscaux et sociaux pour lesquels la moindre décision a des impacts importants, le directeur général de Terminaux de Normandie rappelle la nécessité d’être associés en amont "pour pouvoir participer dans des conditions optimales à l’attractivité des places portuaires françaises".
Pourtant, les acteurs de la manutention ont obtenu des avancées importantes sur un plan fiscal et domanial après avoir bataillé ferme pour obtenir l'alignement de leurs conditions d’exploitation sur ce qui prévaut dans les autres ports de l’Union européenne.  

Ce lobbying a permis de déboucher, dans la loi d’orientation des mobilités, à un article (131) qui sécurise notamment le cadre contractuel des conventions de terminal (en vigueur depuis le début des années 2000) et limite strictement le recours à la concession de services.  

Mais l’Unim déplore que l’esprit de la loi ne soit pas tout à fait respecté : "Certaines autorités portuaires continuent de faire choix, unilatéralement, d’y recourir". Après de longs mois de travaux, quelques points en discussion sont encore sujets à arbitrages…

La fiscalité portuaire en question

La fiscalité portuaire reste un autre sujet de vigilance. Les ports ont bénéficié pendant longtemps (depuis 1943) d'une exonération des impôts locaux. Après leur transformation en Grands Ports maritimes, le Conseil d’État a considéré que cette exonération n’avait pu lieu d’être.

"Les opérateurs de terminaux se sont retrouvés face à cette nécessaire fiscalité dont les barèmes sont variables selon les ports, explique Ronan Sevette, délégué général de l’Unim. Le manque d’anticipation par les pouvoirs publics a été un frein pour les investissements. Tous ceux qui voulaient investir l’ont fait ailleurs. Ce genre de décision n’est pas neutre non plus pour la transition énergétique. Quand on relocalise dans un autre pays une installation qui a pour vocation d'alimenter le marché français, cela se solde par plus de camions sur les routes. On est clairement dans le schéma de l’impôt qui tue l'impôt."

Sur ce point, l’Unim et l’Union des ports de France ont fini par obtenir, dans les articles rattachés du projet loi de finances pour 2021, un amendement gouvernemental qui établit une taxe forfaitaire sur la valeur locative des quais et terre-pleins rattachés. Cette disposition sera applicable à compter de 2024.

Autre point fiscal qui ne passe pas, le gazole non routier (GNR). Dans le cadre de la transition énergétique, l’exécutif a décidé de supprimer le tarif réduit sur ce carburant, qui alimente les engins de manutention portuaire. "La difficulté, c'est qu'ils ne sont pas sur étagères. Changer tout cela a nécessairement un impact immédiat : consommer la marge des entreprises", ajoute le délégué général.

Leurs alertes ont finalement été entendues puisque les activités de manutention portuaire bénéficieront de tarifs réduits réservés au gazole utilisé pour les travaux statiques et de terrassement et d’un tarif réduit de la taxe sur la consommation finale d’électricité.

L'impact du paquet Fit for 55 sur les investissements

La transition énergétique du passage portuaire est un autre grand sujet abordé à Bordeaux le 3 septembre. Les exploitants encaissent la réduction significative du trafic de charbon dans certains ports français, résultante de la mise à l’arrêt des dernières centrales condamnées par la Loi énergie-climat.

La profession, qui adhère à la coalition pour la transition éco-énergétique du maritime (T2EM) initiée par le Cluster Maritime français, a débuté le déploiement "d’engins hybrides expérimentaux dans les terminaux portuaires à conteneurs".

Mais l’essentiel aujourd’hui se joue au niveau européen. Le paquet Fit for 55, que la Commission européenne a présentée en juillet, n’est pas sans impact pour le secteur portuaire en termes d’investissements. "La visibilité sur les investissements qui seront nécessaires sera d’ailleurs un défi", relève Lamia Kerdjoudj Belkaid, secrétaire générale de la Feport, la Fédération européenne des opérateurs portuaires privés. Car pour elle, certaines dispositions comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) et la révision de la directive sur l’énergie (ETD) comportent des risques de fuite des marchandises et de déroutement de navires vers des territoires non-européens non soumis aux mêmes contraintes réglementaires.

Les experts de la Feport, dont l’Unim fait partie, planchent actuellement en vue d’apporter des premiers éléments d’amendements (première échéance, fin septembre). Si l’ensemble de ces points devaient se solder par des investissements ou des ajustements fiscaux, une des demandes des opérateurs portuaires européens porte sur la dégressivité "afin de bénéficier de périodes transitoires dans l’application".
Il reste que tout cela est demandé à l’heure où les trafics manquent et que la nécessaire compétitivité et attractivité des places portuaires françaises a dû patienter avant d’avoir une feuille de route réactualisée. La précédente remontait à 2013 pour les Grands Ports maritimes (GPM) et à 2016 pour les ultramarins.

Bien que l’Hexagone dispose d’une fenêtre sur la mer étendue, ses ports restent crantés à un volume de 310 Mt depuis plus d’une décennie. La fuite des marchandises, que l’UE veut éviter, est déjà une réalité en France...
Au niveau social, l'Unim a dans son agenda social quelques dossiers sans fin. Pénibilité, amiante et impact sur l'emploi de la fermeture des centrales à charbon en font partie.

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