Un vent de concurrence plus libre souffle sur certains pays. Le Brésil et la Chine ont annoncé à quelques jours d’intervalle des aménagements dans les conditions d’exercice du transport maritime. Les assouplissements annoncés sont encore très loin de la réciprocité que réclament les États membres européens notamment mais c’est une brèche ouverte sur des marchés difficiles d’accès aux navires battant pavillon étranger. Au Brésil, l’obligation pour les acteurs internationaux de hisser le pavillon brésilien pour opérer sur le marché intérieur est levée mais pas celle d’armer les navires avec des marins brésiliens, qui devront composer au moins les deux tiers de l’équipage.
La Chine a a lancé pour sa part une expérimentation pilote de deux ans visant à ouvrir le transport côtier de conteneurs. Une ouverture très attendue par les compagnies internationales. À titre d'essai, elles pourront transporter des conteneurs à destination et en provenance de Dalian, Tianjin et Qingdao à Yangshan (Shanghai). L'essai durera jusqu'au 31 décembre 2024.
Concurrence déloyale
L’égal accès aux marchés entre l’Union européenne et la Chine est un sujet de tension récurrent. En septembre dernier, le débat a été relance lorsque l’opérateur de terminaux portuaires chinois CoscoSP et le manutentionnaire allemand HHLA ont convenu d’un accord octroyant au premier 35 % des parts de l’un des terminaux gérés par l’allemand à Hambourg. Si la transaction était validée par Bruxelles, Cosco renforcerait son ancrage en Europe du Nord et prendrait pied dans un port où un seul seul un transporteur maritime, en l’occurence allemand, a investi (Hapag-Lloyd).
Force est de reconnaître qu’il est beaucoup plus facile pour les transporteurs chinois d'accéder aux marchés européens qu’à l'inverse, non sans risques pour la compétitivité européenne, dénoncent régulièrement les associations professionnelles représentant les intérêts des armateurs ou des manutentionnaires. La Feport, qui fédère les exploitants privés de terminaux est l’une des plus actives sur ces sujets, l’une de celle qui renseignent de façon circonstanciée le dossier.
Déséquilibre manifeste
Si la législation européenne sur le cabotage exige que seuls les navires battant pavillon d’un État membre puissent participer aux transports, elle s’applique entre les ports d'un même pays. En Chine, les transports intérieurs ne peuvent être effectués que par des navires battant pavillon chinois et appartenant à une société chinoise.
En pratique, cela signifie que Cosco peut investir dans une filiale aux Pays-Bas et exploiter des navires battant pavillon néerlandais entre des ports intérieurs et côtiers, là où une compagnie néerlandaise ne pourrait pas investir dans une filiale en Chine pour exploiter des navires battant pavillon chinois.
Un feedering sous contrôle
De même, les navires battant pavillon chinois peuvent exploiter des feeders entre les ports d'un même État membre européen, mais aussi entre différents pays : collecter du fret à Hambourg, à Rotterdam et à Anvers, l’amener dans un grand hub de transbordement européen pour qu’il soit redistribué vers l’Asie ou l’Amérique du Nord par exemple. D’où l’intérêt de Cosco pour investir dans les ports européens (Hambourg, Le Pirée).
La réciprocité ne vaut pas. Pour opérer de façon similaire, la compagnie européenne devra naviguer sous pavillon chinois et être immatriculée en Chine. Un navire battant pavillon danois et appartenant à une compagnie danoise ne pourrait pas donc charger depuis des ports chinois pour rapatrier le fret vers un grand port de la Chine continentale. Il devrait le faire à partir d’un pays voisin tels la Corée du sud ou le Japon.
Une volonté commune pour la réciprocité
À la faveur du choc pandémique et de ses enseignements, le débat sur l’impérieuse nécessité au sein des instances européennes d’obtenir de la Chine une plus grande correspondance des règles a été ravivé. Mais l’UE ne dispose pas vraiment à ce jour des outils pour lui forcer la main…
Adeline Descamps