Minerai de fer, soja, blé, maïs : quelques bonnes nouvelles pour les vraquiers

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Une forte demande de vraquiers a récemment porté l'indice de référence du vrac sec à son plus haut depuis des mois, tirant toutes les catégories de navires du segment. Meilleures perspectives de la demande chinoise stimulées par la reprise des aciéries, échanges mondiaux des céréales confortés par de bonnes récoltes, reconstitution inévitable des stocks de blé et de maïs, scénario catastrophe évité un temps en mer Noire. Les facteurs de soutiens s’alignent.

Est-ce par anticipation à une semaine qui doit donner des nouvelles de l’état de l’économie chinoise ? la perspective d’un scénario catastrophe évité en mer noire ? les récoltes exceptionnelles en Australie, au Canada et au Brésil, qui vont atténuer l'impact de la baisse de l'offre ukrainienne, du rendement plus faible que prévu aux États-Unis et de la sécheresse historique en Argentine ? Ou est-ce un énimème tour de grand huit auquel est sujet le vrac sec, secteur d’une hyper réactivité absolue aux palpitations du monde ?

Après des mois d’un sommeil paradoxal, le vrac sec est sorti il y a quelques jours de sa léthargie. Une forte demande de vraquiers a porté le BDI, l'indice de référence pour le transport de marchandises sèches, à un plus haut de plus de 11 semaines, tirant tous les segments de navires.

L’indicateur, qui mesure les tarifs d’affrètement moyens des capesize, panamax, supramax et handysize, a augmenté de 2,9 %, à 1 465 points, un niveau qui n’avait pas été observé depuis le 23 décembre. Le capesize, a progressé de 4,4 %, à 1 821 points. Les revenus journaliers moyens de ces navires de grande capacité (150 000 tpl), configurés pour transporter le minerai de fer et le charbon, ont augmenté de 633 $ pour atteindre 15 099 $. Les revenus quotidiens moyens des panamax, dont la capacité de 60 000 à 70 000 tonnes est adaptée au transport de charbon ou de céréales, ont renchéri de 237 $ pour atteindre 15 121 $.

Relève de la Chine

Á la source de l’embellie, plusieurs facteurs de soutien. Parmi eux, très attendu par les exploitants des capesize, figure l’amélioration de la rentabilité des aciéries et des perspectives de la demande en Chine, grand importateur de minerai de fer, l’ingrédient principal de l’acier.

« La hausse rapide des bénéfices des aciéries et l'augmentation de leur production ont stimulé la demande de minerai de fer », confirment les analystes de Sinosteel Futures dans une note. Selon la dernière enquête de Mysteel sur 247 aciéries chinoises, le taux d'utilisation de la capacité des hauts fourneaux a augmenté pour la neuvième semaine consécutive, pour atteindre 88,03 % entre le 3 et le 9 mars.

Les contrats à terme sur le minerai de fer ont aussi légèrement augmenté en fin de semaine dernière, le prix de référence de Dalian ayant enregistré un cinquième gain hebdomadaire, en reflet de l'optimisme entourant la demande d'acier en Chine alors que le plus grand producteur d'acier au monde entre dans sa période de construction printanière.

Cette semaine doivent être publiés plusieurs indicateurs en provenance de Chine, portant sur les mois de janvier et février. Ils sont particulièrement attendus pour prendre des nouvelles de l’état de santé du maître des importations et exportations mondiales, après l’abandon d’une politique zéro Covid particulièrement dévastatrice pour son économie.

Le Brésil pour compenser les absences mondiales sur le soja

Les échanges mondiaux de céréales offrent aussi un certain soutien aux vraquiers. Malgré les difficultés persistantes liées aux mouvements de la mer Noire, la bonne saison du soja au Brésil, premier exportateur mondial, pourrait compenser la baisse les difficultés de l’Argentine, troisième exportateur de maïs touché par une sécheresse historique de 60 ans.

« La récolte de soja du Brésil est en retard en raison de fortes pluies, avec des exportations en baisse de 31 % en glissement annuel au cours des deux premiers mois de 2023. Mais malgré un démarrage lent, le Brésil se dirige vers une récolte record et une forte augmentation des exportations au cours des prochains mois », soutient Filipe Gouveia, analyste maritime au sein du Bimco, l’association internationale qui fédère les exploitants de navires, tous segments du transport confondus.

La récolte de soja devrait atteindre 152,9 Mt cette année, soit 21,8 % de plus qu'en 2022, selon la Compagnie nationale d'approvisionnement (Conab). Au 6 mars, 44 % de la superficie plantée avait été récoltée, soit 9 % de moins que l'année dernière à la même époque. « Les conditions météorologiques ne semblent pas avoir entraîné de pertes de récoltes significatives jusqu'à présent. Par conséquent, on s'attend à ce que la période de chargement maximale soit simplement retardée », ajoute le spécialiste, qui estime que les exportations brésiliennes de soja devraient être le principal moteur des exportations mondiales de céréales cette année.

La reprise des expéditions serait une bonne nouvelle pour les panamax dans le bassin atlantique, car « ils transportent plus de 85 % du soja brésilien et les céréales représentent environ la moitié de leurs chargements dans l'Atlantique », précise-t-il.

Le Brésil et les États-Unis pour servir la Chine

Le commerce du soja est très sensible aux chocs de l'offre et de la demande, car il s’appuie sur un petit nombre d'exportateurs et d'importateurs. L'année dernière, la sécheresse au Brésil avait réduit la production et les volumes, se soldant par une une hausse des prix mondiaux du soja et une chute de demande (de 6 % de la Chine par exemple).

La deuxième puissance économique mondiale semble avoir retrouvé de l’appétit. Les entrées de la céréale en Chine ont augmenté de 16 % au cours des deux premiers mois de l’année par rapport à l’an dernier.

Au cours de la campagne actuelle, le Brésil et les États-Unis devraient représenter respectivement 55 % et 32 % du total des exportations mondiales, et la Chine, avec 59 % des importations, est un client-clé pour les deux principaux exportateurs. Un peu plus que prévu pour le continent nord-américain d’ailleurs : selon les données publiées la semaine dernière par l’administration américaine, les exportations de soja du pays, au cinquième mois de la campagne 2022-23 (janvier), ont totalisé 8,56 Mt, dont 5,7 Mt ont eu pour destination l’ogre chinois. 

La hausse de la production brésilienne de maïs a quant à elle atténué l'impact de la baisse de l'offre ukrainienne et d'une récolte plus faible que prévu aux États-Unis, premier exportateur mondial de cette céréale fourragère.

Scénario catastrophe évité en mer Noire

Le secteur du transport maritime de vrac sec reste néanmoins fortement touché par les conséquences de la guerre en Ukraine même si l’accord sur la mise en œuvre d’un corridor céréalier, signé fin juillet sous l’égide de l’ONU, a permis d'exporter plus ou moins 3 Mt de céréales par mois à partir des ports ukrainiens de la mer Noire.

Les pays importateurs ont évité un scénario catastrophe grâce à une récolte de blé russe record et à des récoltes exceptionnelles en Australie et au Canada, qui ont permis de compenser la forte réduction des expéditions de blé ukrainien, indiquent les courtiers.

Un rapport du ministère américain de l'agriculture (USDA) tend à le confirmer : l'Ukraine exportera 13,5 Mt de blé au cours de la campagne 2022-23, soit une baisse de 28 % par rapport à 2021-22. Pour autant, l’USDA s'attend à ce que les exportations mondiales soient en hausse de 4 % d'une année sur l'autre, en grande partie en raison d'une poussée des exportations de la Russie.

Reconstituer les stocks de blé et de maïs

Les stocks mondiaux de blé devraient ainsi se tendre, réduit à un peu plus de trois mois d'ici la fin de la saison 2022/23, soit le niveau le plus bas depuis huit ans. Les stocks de maïs ont été estimés à 81 jours, en baisse de 22 % par rapport au pic d'approvisionnement atteint il y a six ans. Des paramètres qui pourraient stimuler la demande de transport car les négociants en céréales et les fabricants d'engrais auront besoin de reconstituer les stocks.

« Cette situation [la guerre en mer Noire] nous aura appris que malgré les inefficacités qu'ils présentent, les marchés sont flexibles dans le temps. Cela a rendu l'effet souhaité des sanctions difficile à atteindre », en conclue BRS dans un de ses derniers rapports.

Se demander ce que va faire la Russie « est une façon complètement erronée de voir les choses. Si les États-Unis, l'Europe, l'Australie et le Japon ont peut-être sanctionné l'offre russe, personne n'a sanctionné la demande sud-américaine, africaine, est-asiatique, européenne et nord-américaine », assène Robert Bugbee, le dirigeant de Scorpio Bulkers, dont le sens du bon mot est connu. « Il faut regarder le marché du côté de la demande, pas du côté de l'offre. Si vous faites cela, les choses deviennent tout de suite plus simples ».

Adeline Descamps

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