Pour l'Union internationale de l'assurance maritime, le transport de véhicules électriques n'est pas plus dangereux

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Freemantle Highway

Parti le 25 juillet du port allemand de Bremerhaven avec 3 784 véhicules à bord, le porte-voitures Freemantle Highway a subi un violent incendie fin juillet.

L'occurrence des accidents à bord des navires, impliquant des batteries au lithium-ion, contraint les assureurs à sortir les lances à incendie. L'accident tragique du Freemantle Highway cet été a relancé les débats sur un (nouveau) risque apparu avec l'essor des ventes des véhicules électriques. L'IUMI s'empare du sujet. Mais avec beaucoup de nuances.

L’incendie à bord du Fremantle Highway au large des côtes néerlandaises fin juillet a relancé les débats sur l’occurrence d'un nouveau risque dans le transport maritime. Si l’origine restera indéterminée jusqu'à la fin de l'enquête pèse un fort soupçon quant à l’implication d'un véhicule électrique,

Parti le 25 juillet du port allemand de Bremerhaven, le porte-voitures d'une capacité de 6 210 CEU (car equivalent unit), affrété par K-Line, était à une trentaine de km au nord de l’île d’Ameland le 26 juillet quand un incendie s’est déclaré.

L’accident s’est soldé par un mort parmi les 23 membres de l’équipage et seize blessés. Très rapidement, les batteries électriques ont été pointées du doigt comme une potentielle origine du sinistre. Parmi les quelque 3 800 véhicules, des BMW, Mercedes, Volkswagen, Porsche, Audi et Lamborghini, dont près de 500 alimentés à l'électricité et la présence de batteries au cobalt et au lithium. Le tout au potentiel inflammable et explosif, toxique.

Une liste qui s'allonge

Le Fremantle Highway n’est que le dernier en date d’une longue série avec une accélération manifeste des sinistres dans la catégorie des porte-voitures depuis 2015  : Hoegh Xiamen (2 400 voitures d'occasion), Diamond Highway, plusieurs navires de la classe Grande de Grimaldi dont le Grande America, les Sincerity Ace et Felicity Ace, Baltic BreezeAuto Banner, Silver Sky ou encore le Courage.

Le Felicity Ace restera sans doute un marqueur dans le transport maritime de voitures. Le navire d'une capacité d'emport de 6 400 unités, exploité par une filiale de l’armateur japonais MOL, a pris feu mi-février 2022 au large de l'archipel portugais des Açores et a fini par sombrer avec ses 3 965 voitures après s'être consumé en mer pendant deux semaines.

Selon l’association Robin des Bois « au moins 400 voitures étaient électriques ou hybrides, équipés de packs de batteries au lithium chargées au moment du départ à 75 % »

L’affaire a retenu l’attention pour la valeur de sa cargaison, estimée à plus 400 M$ (celle du Freemantle serait proche des 300 M$), du fait de la présence à bord de berlines de luxe.

Ayant connu un précédent avec le Sincerity Ace en 2018, le transporteur japonais a annoncé peu de temps après ne plus accepter à bord des voitures équipées de batterie au lithium. 

Les assureurs aux aguets

La récurrence des incidents a fini par alerter les assureurs. Avec l’essor de la voiture électrique, exportée principalement de Chine, de plus en plus de véhicules contenant des batteries lithium-ion seront transportés par mer.

Les véhicules électriques devraient égaler les ventes de véhicules à moteur à combustion interne d'ici à 2030, et les dépasser d'ici à 2040, d’après l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA).

Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS) est plutôt en pointe sur le sujet, ayant déjà commis plusieurs rapports (Lithium-ion batteries: Fire risks and loss prevention measures in shipping) pour mettre en évidence les principaux risques induits par le transport des batteries, qu’elles soient embarquées dans des conteneurs ou équipant les véhicules.

Quatre grands risques, des origines préoccupantes

Le principal assureur du secteur en identifie notamment quatre : l’incendie (les batteries Li-ion contiennent de l’électrolyte, un liquide inflammable), l’explosion (résultant de la libération de vapeurs et de gaz inflammables dans un espace confiné), l’emballement thermique (auto-échauffement rapide pouvant provoquer une explosion) et la toxicité.

Les origines des sinistres qu’il identifie sont préoccupantes : des accumulateurs et des batteries non conformes aux normes, dégradés du fait d’un emballage inadapté (à l’intérieur des conteneurs), pas répertoriées comme telles dans le document de déclaration et donc pas placées à bord selon des règles spécifiques de manutention, d’arrimage et de stockage.

« Pour faciliter le transport de voitures, les espaces alloués aux cargaisons ne sont pas divisés en parties indépendantes, comme sur les autres navires. Cette absence de cloisons internes peut avoir un impact négatif sur la sécurité incendie. Un incendie de petite taille sur un véhicule ou une batterie peut devenir très vite incontrôlable. D’une part, les véhicules sont difficilement accessibles, une fois le chargement effectué. D’autre part, le volume d’air important à l’intérieur des ponts de cargaison fournit un apport en oxygène vers le feu », indique l’assureur.

La présence à bord de ces accumulateurs questionne aussi le dimensionnement des équipements (inadaptés) et des secours (équipage restreint). Le sous-comité des systèmes et équipements des navires (SSE) de l'OMI doit commencer à travailler sur ce point à partir de mars 2024.

Distinguer les rouliers des voituriers

L'IUMI publie à son tour un document intitulé Best practice & recommendations for the safe carriage of electric vehicles, dans lequel l'Union internationale de l'assurance maritime se concentre sur deux types de navires et les véhicules électriques, excluant les voitures hybrides et les propulsions alternatives.

« Car la plus grande partie des véhicules à énergie nouvelle sont électriques », fait valoir l'IUMI, qui représente 42 associations d'assurance et de réassurance du marché maritime.

L'IUMI fait le distinguo entre les rouliers et les PCTC (pure car and truck carrier, les transporteurs de voitures et de camions), estimant que leur conception spécifique nécessite des mesures de sécurité, de contrôle des risques et des réactions différentes.

« Les ro-ro arriment les voitures sur des ponts ouverts où la circulation de l'air rend la lutte contre l'incendie plus difficile. Les ro-pax posent d'autres problèmes du fait de la présence à bord de passagers et de la possibilité de recharger les véhicules électriques. Les PCTC sont généralement configurés avec 10 à 13 ponts réglables où l’espace est optimisé. Les véhicules disposent de très peu d'espace entre eux, ce qui entrave l'accès des secours et facilite la propagation rapide d'un incendie », peut-on lire dans le document.

Des défis spécifiques

Les incendies latéraux constituent en outre un défi particulier pour les  voituriers car les systèmes d'extinction au CO2 ne peuvent pas être utilisés. Aussi, en raison de leur construction, les rampes ne peuvent pas être fermées rapidement. Les équipes de lutte contre les incendies externes ne sont en général pas familiarisées avec la conception de ces navires et pas formées pour lutter contre les incendies dans de tels environnements.

Autre problématique : les véhicules anciens. Compte tenu des systèmes de sécurité intégrés dans les voitures neuves, elles présentent un risque plus faible que celles d’occasion. « Il n'existe actuellement aucun cas documenté de véhicules électriques neufs ayant provoqué un incendie à bord. En revanche, les véhicules d'occasion peuvent avoir subi des accidents entraînant des dommages mécaniques susceptibles de compromettre l'intégrité du bloc-batterie ».

Des incendies pas plus fréquents ni plus intenses

Le document entend tordre le cou à quelques idées fausses. « Les incendies de véhicules électriques à batterie ne sont pas plus dangereux que pour les voitures classiques et ne sont actuellement pas plus fréquents », pose d’emblée Lars Lange, secrétaire général de l'IUMI.

En s’appuyant sur des études menées par l'Institut danois des technologies de l'incendie et de la sécurité, l’organisation professionnelle considère que les feux sont bien moins liés au système de propulsion (20 %) qu'à l'intérieur du véhicle, à savoir les pièces en plastique (80 %).

Les incendies ne seraient pas plus intenses non plus selon le mode de propulsion. « La différence dans le dégagement total de chaleur est mineure ».

Les assureurs pointent en revanche un phénomène d'emballement thermique, ce qui rend les incendies difficiles à maîtriser. « Un emballement thermique dans une batterie lithium-ion est en effet difficile à éteindre, à moins que les services de lutte contre les incendies aient accès au foyer. La détection précoce de l'incendie et le refroidissement du périmètre sont des actions essentielles pour stopper la propagation aux véhicules adjacents », font valoir à ce propos les auteurs du rapport.

Des recommandations

À la lumière de ces constats, les recommandations de l'organisation. concernent des mesures de détection précoce et de lutte grâce à des équipements plus ou moins sophistiqués (systèmes avec des caméras thermiques, alimentés par l'intelligence artificielle, surveillance vidéo), une politique claire en ce qui concerne l'acceptation ou le rejet des cargaisons (contrôle strict des voitures) et une évaluation des risques plus poussée en matière de recharge à bord des ro-pax avec des mesures de contrôle appropriées.

Adeline Descamps

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