Le manque de porte-voitures entrave les exportations mondiales des constructeurs automobiles chinois

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Du fait de l'engouement des Chinois pour la voiture électrique, les constructeurs automobiles chinois se retrouvent avec des flux de voitures à essence à écouler sur les marchés étrangers. Mais la pénurie de navires de transport de voitures contrarie ce plan. En attendant, les SUV sont chargés dans des conteneurs.

La faiblesse de la demande intérieure en Chine, en repli de 5,5 % au cours des huit premiers mois de l’année, pourrait influencer le cours des exportations chinoises de voitures et le monde se retrouver submergé par un flux de voitures à essence, de surcroît bon marché car l’État chinois soutient son industrie automobile à coups de subventions (terrains presque gratuits, à des prêts à taux d’intérêt proche du zéro et à des matières premières peu chères.

Les consommateurs chinois boudent les voitures à essence au profit des alternatives électriques si bien que les constructeurs nationaux se retrouvent, coincés, avec une capacité d’usine inutilisée de 15 millions de voitures par an et des flux de voitures construites dont la Chine ne veut pas.

« Les voitures chinoises sont en passe de conquérir le marché mondial de l'automobile, et seule une pénurie aiguë de navires pour les transporter retarde l'entrée des voitures chinoises en Europe », signalait le New York Times dans un article récemment publié à l’accroche captive.

À la conquête du monde

Depuis le début de la guerre en Ukraine, compte tenu des sanctions occidentales frappant l’agresseur russe, les importations russes de voitures européennes se sont taries, faisant le lit du made in China.

Les constructeurs automobiles chinois se sont imposés en Russie – ils y représentent désormais 40 % des ventes contre 10 % il y a encore deux ans –, et ont également conquis de larges parts de marché en Asie du Sud-Est, en Australie, en Amérique du Sud et au Mexique.

Seul le marché américain leur résiste, cadenassé par les tarifs douaniers (taux de 25 %) de 2018 et 2019 hérités de l’ère Trump.

La Chine, premier exportateur mondial de voitures

Selon les données de l’Association chinoise des constructeurs automobiles, les exportations de voitures de la Chine au cours des six premiers mois de l’année 2023 ont augmenté de 77 % par rapport à la même période de l’an dernier pour s'établir à 2,34 millions d’unités (dont 534 000 à énergies nouvelles, en hausse de 160 %) contre 3,1 millions d’unités pour l’ensemble de l’année 2022.

Elles ont fait un bond de 110 % en valeur dans le même temps. L’an dernier, les exportations de véhicules chinois avaient totalisé 44,04 Md$, en hausse de 84,3 %.

Après s’être hissée en deuxième position devant l’Allemagne en 2022, la Chine a détrôné le Japon de sa première place mondiale avec 2,02 millions d’unités exportées au cours du premier semestre.

Le transport maritime en alerte faute d'offre de PCTC

Depuis plus d’un an, le transport maritime de voitures est en alerte. Seuls douze transporteurs de véhicules devraient être livrés en 2023. L’offre de pure Car and Truck Carrier (PCTC) est plus que tendue en raison des commandes historiquement faibles depuis 2016, avec une moyenne de quatre unités par an.

Grâce à une importante vague de contrats signés en 2022, la flotte mondiale des PCTC (entre 750 et 800 navires totalisant 4 millions de CEU, car equivalent unit) devrait accueillir 134 unités d’ici à 2027 (46 en 2024 et 52 en 2025), ce qui représente 25 % de la flotte en service.

Cosco Shipping, China Merchants Energy Shipping et SAIC, qui a acquis l’iconique marque britannique MG en 2007 et a créé une coentreprise avec General Motors, sont parmi les compagnies les plus actives dans les commandes.

MG est précisément un cheval de Troie pour la Chine, s’imposant comme le premier exportateur de véhicules chinois en Europe avec 112 927 véhicules, soit une progression de 115 %.

Le marché français est tout particulièrement visé par Vinfast, qui prévoit par ailleurs la construction d’usines en Europe, comme son compatriote BYD.

Le port d'Anvers-Bruges via Zeebrugge, premier port roulier européen, reste la porte d'entrée des véhicules chinois.

La construction navale (chinoise) sous pression

La construction navale chinoise domine aussi ce marché, ayant raflé l'an dernier plus de 85 % des commandes passées des grands porte-voitures, soit 90 unités.

Cette situation tendue a contribué à porter au pinacle les taux d'affrètement (105 000 $ par jour pour un PCTC d'environ 6 500 CEU contre 16 000 $ US il y a deux ans).

L'effervescence de ce marché est telle qu'il attire les transporteurs de conteneurs : Cosco, CMA CGM et HMM ont tous trois affrété des transporteurs de véhicules.

CMA CGM a ainsi pris en affrètement quatre transporteurs de voitures auprès Eastern Pacific shipping (EPS). Le propriétaire de navires singapourien a déjà six car-carriers en service, de 4 900 et 6 300 EVP, tandis que douze d’une capacité de 7 000 CEU (au GNL) sont en commande chez China Merchants Jinling Shipyard (Weihai) pour une livraison entre 2023 et 2025.

Des véhicules transportés dans des conteneurs

En attendant, DP World, en collaboration avec le constructeur automobile public chinois Chery Automotive, annonce avoir mis en œuvre un rack spécifiquement conçu pour le transport de SUV dans des conteneurs, « afin de remédier aux retards et à la congestion des importations de véhicules en Turquie », indique l'opérateur portuaire émirati.

Le marché automobile turc est en plein essor, selon l'Association des distributeurs automobiles et de la mobilité (ODMD), qui fait valoir un record mensuel en juin de 110 000 véhicules.

Le terminal Yamrica de DP World, sur la rive est de Marmara, à proximité des industries sidérurgiques, automobiles, minières et techniques, traite actuellement quelque 700 000 EVP par an mais dispose d'une capacité nominale de 1,15 MEVP avec la possibilité de traiter simultanément deux grands porte-conteneurs de 20 000 EVP.

Grâce à cette alternative, DP World a déjà opéré l’importation de 10 000 véhicules, fait-il valoir

Un pays qui croule sous les difficultés

L’appétit des ménages chinois pour les dépenses de consommation a diminué avec la chute des prix de l’immobilier. Le rebond attendu à la suite de la réouverture de son économie, après trois années de politiques ultrastrictes à zéro Covid, n’a pas vraiment eu lieu.

La dette élevée et la faiblesse du secteur immobilier pèsent sur la croissance de la Chine, a déclaré la Banque mondiale (BM) dans un rapport qui vient d’être publié.

Toutefois, après des mois où son indice manufacturier s'est ancré dans la zone de récession, la deuxième économie mondiale commence à montrer des signes de stabilisation, assurent les économistes de la BM.

L'activité des usines chinoises a augmenté pour la première fois en six mois en septembre, avec une accélération de la production industrielle et de la croissance des ventes au détail, tandis que les exportations et importations ont enregistré des baisses moins importantes.

Les bénéfices des entreprises industrielles ont enregistré un bond surprise de 17,2 % en août, inversant la baisse de 6,7 % enregistrée en juillet.

La Banque mondiale a maintenu sa prévision de croissance économique pour la Chine à 5,1 % cette année mais a réduit sa prévision à 4,4 % (contre 4,8 %) pour 2024, en raison de la faiblesse persistante de son secteur immobilier.

Adeline Descamps

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