Le fuel lourd interdit de séjour en Arctique mais pas avant plusieurs années

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L’OMI a adopté la proposition d'interdire progressivement, entre 2024 et 2029, l'utilisation de combustibles fossiles pour les navires exploités dans les eaux arctiques. Les ONG estiment qu'il faudra huit ans de plus pour que la décision ait un impact réel. 

La Clean arctic alliance, une coalition de 18 ONG, trouvera sans doute le terme « d’interdiction » usurpé. Le Comité de protection du milieu marin (MEPC) de l'OMI a adopté des amendements à l'annexe I de Marpol (ajout d'une nouvelle règle 43A) afin d'introduire une interdiction de l'utilisation et du transport de fuel lourd (HFO) par les navires dans les eaux arctiques à partir du 1er juillet 2024. Une défaite pour les ONG qui battent campagne depuis de longs mois pour obtenir une inflexion des dates et qui dénoncent les « failles du règlement » (les exemptions) alors que « l’OMI travaille déjà sur cette question depuis neuf ans ».

« Il est essentiel que l'interdiction du HFO dans l'Arctique entre en vigueur rapidement, afin de fournir à l'Arctique le niveau de protection dont il a si désespérément et urgemment besoin », avait rappelé fin septembre Dave Walsh, porte-parole de l’association, à l’occasion d’un webinaire, appelant les États membres de l'OMI à modifier le texte avant qu'il ne soit approuvé.

L’Alliance craint une accélération des effets dévastateurs déjà constatés : la fonte massive de glace en été, l'ouverture des routes de navigation plus tôt dans l'année et le dégel du permafrost qui impactent les équilibres socio-économiques des communautés de l'Arctique et du Nord.

Failles et lacunes

En mars, lors d’une session à l’OMI portant sur la prévention et la lutte contre la pollution, les États membres s’étaient mis d’accord sur cette disposition. Les textes devaient être soumis au Comité de la protection du milieu marin MEPC 76 en vue de leur approbation pour ensuite être adoptés au MEPC 77. Seules les unités de services sont de facto exemptées tandis que les navires qui répondent à certaines normes de construction (double coque notamment) devront se conformer à ces normes à partir du 1er juillet 2029.

L’ONG estime notamment que « le laxisme » de l’OMI à cet égard a déjà permis, entre 2015 et 2017, une croissance de 30 % du nombre de navires carburant au HFO. Selon ses données, les émissions de carbone dues au transport maritime ont augmenté de 8 % au niveau mondial au cours de la dernière décennie, et de 85 % dans l'Arctique rien qu'entre 2015 et 2019. Le réchauffement climatique entraînant la fonte des glaces, le transport maritime se développe. « Entre 2013 et 2019, les données publiées par le Conseil de l'Arctique ont montré une augmentation de 25 % du trafic maritime et une augmentation de 75 % de la distance totale parcourue en Arctique », indique l’ONG.

Des dérogations

En s’appuyant sur une étude de l’International Council on Clean Transportation, l’association considère que le projet de règlement revient à exempter et/ou accorder des dérogations à 74 % des navires alimentés au fuel lourd. « Par conséquent, seuls 30 % des navires de transport et 16 % de ceux propulsés au HFO seront réellement interdits dans le cadre de la proposition actuelle lorsque la nouvelle norme entrera en vigueur en 2024. Les trois quarts des navires sillonnant l'Arctique pourront continuer à naviguer comme si de rien n'était », font-ils valoir.

Plus précisément, en vertu de la nouvelle réglementation, cinq États côtiers de l'Arctique – la Russie, la Norvège, le Danemark, le Canada et les États-Unis – auront la possibilité d'accorder des dérogations aux navires battant leur propre pavillon lorsqu'ils opèrent dans leurs propres eaux.

Un système à deux niveaux

L'alliance craint un système à deux niveaux d'application et de protection de l'environnement dans l'Arctique, « car le règlement n'est pas neutre du point de vue du pavillon et a des conséquences négatives sur l'environnement dans les mers territoriales et les zones économiques exclusives de l'Arctique. »

« En raison de l'échec total de l'OMI, nous prévoyons d'aborder la question de l'impact de la navigation dans l'Arctique avec des organismes qui sont plus désireux et capables de prendre des mesures urgentes pour faire face à la crise climatique dans la région, comme la Convention sur le transport à longue distance des polluants atmosphériques, le Conseil de l'Arctique et d'autres organisations régionales », a averti Sam Prior, conseiller de l’Alliance.

Les ONG sont également déçues sur un autre point : elles attendaient une réaction de l’'OMI sur les impacts de l'utilisation des scrubbers en boucle ouverte. Les émissions de carbone noir tout comme les rejets des scrubbers seront à l’agenda du MEPC 77, qui doit avoir lieu en novembre 2021.

Adeline Descamps

 

 

 

  

 

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