Le commerce mondial d'engrais pénalisé par les absences russes

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Les sanctions, qui frappent les exportations d'engrais russes, compromettent la saison des semis au Brésil et en Europe pour de nombreuses cultures qui doivent démarrer dans les mois qui viennent. Pourtant, pas moins de 24 navires transportant près de 678 000 t d'engrais vont ou ont déjà quitté les ports de Saint-Pétersbourg et de Mourmansk en direction des côtes du Brésil.

La nature a horreur du vide. L’agriculture et l’industrie aussi. Selon les experts du secteur, l'interdiction qui frappe les exportations de la Russie pourrait avoir un impact sur environ 15 % du commerce mondial d'engrais, réduisant d’autant la demande de vraquiers de plus petite taille. Excepté pour l’ammoniac et une partie transitant par oléoducs, potasse, phosphate, nitrate d’ammoniac, chlorure de potassium empruntent la mer. 

Les exportations d'engrais russes se sont élevées à 16,8 Mt en 2021, indique le spécialiste des matières premières Kpler. Mis au ban sur le nitrate d’ammonium, la Russie a décidé en outre de suspendre ses exportations d'autres engrais, selon les rapports de courtiers. Les sanctions, ajoutées aux quotas à l’exportation sur l'urée, le phosphate et la potasse décrétées par la Chine, la Turquie et l'Égypte, ajoutent à la pénurie mondiale et font peser une menace sur les récoltes futures alors que la saison des semis au Brésil et en Europe pour de nombreuses cultures doit commencer dans les mois à venir.

Des alternatives rares

Dans le même temps, l'ammoniac, matière première importante entrant dans la production d'engrais phosphatés, se trouve amputé par le conflit en Ukraine de 15 % de ses flux, les opérations du pipeline Togliatti-Odessa ayant été levées pour des mesures de sécurité, rappelle Kpler.

Alors que l'ammoniac russe transitant par l'Estonie ne semble pas être affecté pour l'instant, les principaux acheteurs tels que le Maroc, la Turquie et l'Inde devront probablement chercher d'autres sources pour combler le déficit. Ils ne sont pas nombreux, seuls Trinidad, l'Arabie saoudite et l'Indonésie font figure d’alternatives crédibles.

La Russie est aussi le deuxième plus grand exportateur de potasse avec environ 12 Mt soit environ un cinquième du marché, devant la Biélorussie, mais également concernée par les sanctions. La seule véritable alternative serait alors le Canada. 

Nitrate d’ammonium, produit critique

L'urée est le deuxième plus grand produit d'exportation de la Russie, qui avec environ 6 Mt représente 14 % du marché, mais « si l'approvisionnement était restreint, l'effet serait moins grave, étant donné le nombre de producteurs alternatifs, tels que le Qatar et l'Arabie saoudite, et les nouvelles capacités de production au Brunei et au Nigeria », juge Kpler.

Le nitrate d'ammonium, qui intervient dans la composition des explosifs, est un produit bien plus critique : car ce n'est pas seulement l'agriculture, mais aussi l'exploitation minière qui pourrait être affectée. Les exportations russes ont représenté l’an dernier 3,5 Mt, soit 40 % du commerce mondial. Mais le pays de Vladimir Poutine avait interdit ses exports avant son invasion de l'Ukraine, afin de garantir l'approvisionnement local dans un contexte de pénurie mondiale due aux prix élevés du gaz.

678 000 t d’engrais russes

En dépit du contexte, pas moins 24 navires transportant près de 678 000 t d'engrais russes, notamment du chlorure de potassium utilisé dans les champs de soja et de maïs, vont ou ont déjà quitté les ports du pays vers les côtés du Brésil, selon les données compilées par Agrinvest Commodities. Le Pebble Beach, chargé de 35 000 t de chlorure de potassium, est le dernier à avoir quitté la Russie le 4 avril à destination du port de Vitoria, dans le sud-est du Brésil.

D’après un négociant d’engrais, cité par Reuters, les transactions sont possibles car les unités étrangères des entreprises russes continuent à remplir les commandes, tandis que les banques non concernées par les sanctions du bloc occidental traitent les paiements.

Des importations brésiliennes en hausse de 25 %

Les importations brésiliennes d'engrais et de matières premières utilisées pour fabriquer des nutriments pour les plantes ont augmenté de 24,57 % pour atteindre 9,8 Mt au premier trimestre, selon les données du groupe industriel Siacesp. À elles seules, les importations de chlorure de potassium ont fait un bond de 41,75 % pour plus de 3 Mt.

Les sociétés biélorusse Potash Company et russe UralKali ressortent comme deux des trois principaux fournisseurs du Brésil au cours du premier trimestre tandis que Mosaic, aux intérêts canadiens, la norvégienne Yara et la société brésilienne Fertipar ont été les principaux importateurs avec un total de 1,5 Mt entre janvier et mars, selon les données de l’industriel.

Adeline Descamps

[ACTUALISATION AU 27 avril] Yara International alerte

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