Gard : « il y a de plus en plus de navires placés en isolement »

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L’assureur maritime est inquiet de l’émergence des nouveaux variants, notamment indiens, du coronavirus, alerte à son tour sur les enjeux de la vaccination et observe une montée en puissance des cas de maladies mentales. Une « tendance tragique et inquiétante que nous aimerions mieux comprendre », indique le Gard. 

Si le virus semble n’avoir jamais tout dit et se régénère en permanence, la crise sanitaire et humanitaire que vivent les équipages des navires semble aussi se renouveler dans un process sans fin. La « crise des équipages », comme elle est communément appelé, a occupé le devant de la scène durant toute l’année 2020 au cours de laquelle les marins du monde entier ont dû jongler avec les protocoles sanitaires et administratifs des États en constante évolution. Et souvent au mépris de leur santé mentale alors qu’au plus fort de la crise, il y a eu jusqu’à 400 000 marins bloqués à bord de leur navire, dans l’impossibilité d’être relevés, et qu’il y encore 200 000 marins dont le contrat de travail a expiré sans qu’ils puissent poser un pied à terre.

« Les armateurs et les gestionnaires étant à nouveau contraints de prolonger les contrats des membres d'équipage déjà à bord, certains prédisent que la crise des équipages pourrait devenir encore plus grave que l'année dernière. Si le virus se propage en Inde, au Pakistan, en Turquie et dans d'autres pays, nous pourrions avoir besoin de mesures plus strictes pendant un certain temps encore », s’alarme Alice Amundsen, à la tête du service chargé de traiter les demandes d'indemnisation au Gard.

L’émergence d’un variant indien inquiète sérieusement pour les menaces qu’il fait à nouveau peser sur l’exploitation des navires dans la mesure où l’Inde fournit des bataillons de marins. Les conséquences de sa propagation à grande vitesse en Asie du sud-est représentent une autre pression. « L'Inde est le quatrième fournisseur de gens de mer après la Chine, les Philippines et la Russie, indique-t-elle. Selon ses données, sur les 80 000 marins indiens, 30 % seraient bloqués en Inde en raison des nouvelles restrictions sur les changements d'équipage entrées en vigueur très récemment à Singapour, au Japon, en Australie, aux Émirats arabes unis et dans la plupart des pays européens.

Le coronavirus responsable de la moitié des demandes d’indemnisation

En 2020, le Covid-19 a représenté près de la moitié des demandes d’indemnisation. « À ce jour, nous n'avons pas constaté de hausse significative du nombre de décès parmi les membres d’équipage, bien que 10 % d'entre eux aient été causés par le Covid-19. Mais il pourrait être en augmentation au regard des cas signalés ces dernières semaines. Des morts provoqués par le virus mais aussi par suicide », déplore Alice Amundsen.

Le Gard estime que la fatigue mentale « est probablement le facteur le plus important de la progression des cas de maladie mentale et de blessures ».

L'impérieuse nécessité de la vaccination des marins

Un désastre pour le transport maritime 

L’assureur note en outre une aggravation et une accélération au cours du mois dernier du nombre d’infections, avec près de 100 clusters qui lui ont été remontés. « Pour la première fois, nous voyons des épidémies à bord infectant la plupart des membres de l'équipage, dont la majorité souffre de symptômes, ce qui peut entraîner de graves problèmes opérationnels. Au début de la pandémie, les navires avaient généralement un seul marin testé positif au Covid-19, qui était isolé à bord s’il n’avait pas besoin d'un traitement médical. Aujourd'hui, nous voyons des navires placés en isolement parce que la plupart des membres de l'équipage sont infectés. » Une situation que la responsable attribue aux mutations du coronavirus.

Rajesh Unni, PDG de Synergy, l'une des plus grandes sociétés de gestion de navires au monde, parle à cet égard d’un désastre pour le transport maritime alors « beaucoup plus de navires doivent être immobilisés jusqu'à deux semaines d'affilée, négligeant les effets sur la santé mentale des effectifs »

Lenteur et difficile accès à la vaccination

La lenteur des vaccinations et son problématique accès à toutes les nations sans conditions inquiètent aussi le Gard. « L'Economist Intelligence Unit prévoit que plus de 85 pays à faible revenu n'auront pas un accès généralisé aux vaccins avant 2023 et qu'ils ne parviendront pas à une immunisation de masse avant 2024 », signale la mutuelle. Selon l'ICS, 900 000 des 1,6 million de marins dans le monde seraient originaires de pays en développement.

La vaccination aux Philippines n'a commencé que le 1er mars et le pays doit couvrir jusqu'à 70 millions d'individus. Seulement 1,8 million de doses ont été administrées au cours des deux premiers mois, soit 1,4 % de la population. Selon les chiffres du gouvernement philippin, 549 000 marins actifs sont déployés à l'étranger et, bien que la vaccination des marins soit devenue prioritaire, il faudra encore des mois pour les atteindre, s’impatiente Alice Amundsen.

Temps administratif hors cadre

Le Gard salue les initiatives des organisations internationales mais doit reconnaître que le temps des administrations est complètement déphasé par rapport à un virus à la contamination scélérate. « L'OMI travaille avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'agence des Nations unies pour l'accès aux vaccins (Covax) et les États membres pour mettre en place différents centres de vaccination des marins. Toutefois, cela prendra du temps, et même les pays les plus avancés dans leurs programmes de vaccination, comme le Royaume-Uni, ne disposeront probablement pas de vaccins pour les marins avant le dernier trimestre de 2021. »

Aux Philippines, il est prévu que les fabricants fournissent les vaccins directement aux armateurs, qui les distribueront et les administreront aux travailleurs clés, mais selon le Gard, il faudra attendre juillet pour que cela soit possible.

Avertissement sur les contrefaçons de vaccins

Enfin, l’assureur en appelle à la « diligence raisonnable » des armateurs, rappellant que « tout marché privé peut comporter le risque qu'un lot particulier de vaccins ait été acquis illégalement, soit faux ou dangereux. Les armateurs doivent s'assurer que les vaccins sont acquis auprès d'une société réputée et qu'ils ont subi des contrôles de sécurité. Europol a récemment publié un avertissement sur les groupes criminels organisés impliqués dans la production et la distribution de vaccins et de kits de test Covid-19 contrefaits. »

Adeline Descamps

 

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