Le Comité du MoU de Paris vient de publier les résultats des inspections effectuées en 2023 auprès des pavillons par l'État du port des 28 pays qui y adhèrent. Sur la base d'au moins trente inspections effectuées durant trois ans, en l’occurrence 2021, 2022 et 2023, est établi le classement des États du pavillon par leurs performances au regard de sept grandes conventions internationales de l'Organisation maritime internationale (OMI) et de l'Organisation internationale du travail (OIT). À savoir leur respect de la sécurité, de la protection de l’environnement et des conditions de travail.
Pour ce faire, le Mémorandum of Paris s'appuie sur les taux de déficiences et de mises sous séquestre des navires après inspections. Les pavillons figurent sur une liste dite blanche si le nombre de détentions des navires est « constamment faible ». On considère ces registres comme ayant les normes de sécurité et de qualité les plus élevées. Les registres d'immatriculation, dont les performances sont moyennes, sont placés dans une catégorie grise. Quand ils sont des pavillons noirs, ils sont considérés comme à haut ou très haut risque.
Pourquoi ces classements doivent être nuancés ?
Dans sa version actualisée qui entrera en vigueur le 1er juillet 2024, 71 pavillons sont répertoriés dont 42 considérés comme des pavillons « blancs », 17 « gris » et 12 « noirs ». En 2022, le MoU comptait 66 pavillons dont 39 référencés dans une zone de haute qualité (blanche), 18 de performance moyenne (grise) et 9 sur liste noire. Premier constat : il y a donc eu plus d'États du pavillon qui ont effectué au moins 30 inspections.
Ce classement, utilisé pour calculer le profil de risque des navires, reste très élastique. Il y a, à chaque actualisation, quelques glissements d’une catégorie à l’autre, et un jeu de passe-passe au sein d’une même liste. Les pays gagnent aussi vite des rangs qu’ils en perdent. Les États du Pavillon dont les navires ont un nombre faible d’escales, sont en fait défavorisés par le principe de relativité car la moindre défaillance constatée peut être fatale, le volume permettant à l’inverse d’amortir les variations.
C’est encore plus vrai pour le Qualship 21, programme similaire géré par les garde-côtes américains (USCG), autant sinon plus sévère que le MoU de Paris pour ce qui est des règles et normes en matière de sécurité et de lutte contre la pollution. Ainsi, le pavillon tricolore a perdu son éligibilité pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024. Car sur la liste des pavillons admissibles au Qualship 21 ne figurent que ceux dont le nombre de navires détenus en escale est inférieur à 1 % sur les deux dernières années. En clair, si les navires sous pavillon français réalisent peu d’escales outre-Atlantique, la détention d'un seul peut conduire à dépasser le seuil des 1 % et à sa sortie de route.
Qu’observe-t-on parmi les pavillons blancs dans le dernier classement ?
Ils étaient 39 en 2022. Ils sont 43 en 2023, avec l’entrée de l’Arabie Saoudite et de la Croatie, qui étaient jusqu’alors catégorisés « gris », et de Jersey (Royaume-Uni).
Le Danemark reste en tête mais pour beaucoup d’autres les cartes sont redistribuées. Pour un nombre globalement supérieur d’inspections réalisées pour chacun d’entre eux, les transferts sont, dans un sens ou l’autre, significatifs pour certains : la Grèce, grand pays d’armateurs, dévisse de la 3e à la 13e place, la Belgique du 9e au 24e rang, le Japon remonte en revanche de huit niveaux.
Le quintet de tête est occupé dans le nouveau classement par le Danemark, les Pays-Bas, Singapour, l’Italie et la Finlande. Même si leur place varie, ces États figurent toujours parmi les plus performants.
Les premiers registres d’immatriculations ne sont pas nécessairement les plus vertueux. Ils ont par ailleurs, pour la plupart, perdu en moyenne 4 à 5 places. Mais ils restent ceux effectuant le plus d’inspections. Logiquement. Il en est ainsi du Liberia (5 496 inspections), premier registre mondial d'immatriculation en tonnage (357 Mtpl selon Clarksons), des Îles Marshall (5274), de Malte (3 862) ou encore Antigua et Barbuda (1 684)
Le pavillon néerlandais est le seul européen à avoir autant d’unités inspectées (2 648), ce qui dénote un certain succès de ce registre qui parvient à attirer autant que ceux à l’agressivité commerciale précédemment cités. La Norvège ne démérite pas non plus de ce point de vue (1 758).
Enfin, parmi les 43 pavillons dont le profil de risques est bien noté figurent 18 ressortissants européens.
Que dire du cas français ?
Le pays du Rif, un des six registres du pavillon français spécifiquement créé pour les compagnies exposées à une âpre concurrence internationale et qui a enregistré ces dernières années un certain succès, reste invariablement en zone de qualité supérieure. Mais l'État du pavillon avait vu ses performances sanctionnées dans les précédents MoU : dans celui couvrant la période 2020-2021, il était passé du 15e au 23e rang résultant d’un nombre d’inspections effectuées moindre (247) mais avec plus de détentions (cinq).
Dans celui de 2021-2022, le registre français était remonté au 17e rang, gagnant 13 places, avec 227 inspections et trois détentions. Il est arrivé que le Rif soit aussi en tête de liste. Ce fut le cas en 2017 et 2018.
Dans le mémorandum en vigueur en juillet, le registre français est indexé en tant que 11e pavillon avec 273 détentions qui ont donné lieu à trois détentions.
La France, tout comme le Canada, l'Île de Man et l'Espagne vont également retrouver, à compter du 1er juillet, leur admissibilité au Qualship 21 pour lequel 10 959 navires, provenant de 80 administrations de pavillon différentes, ont effectué 81 854 escales aux États-Unis l’an dernier dont 8 278 contrôlés par l'État du port (PSC).
Liste grise et noire, quels changements ?
La Tunisie et Latvia ont glissé de la liste blanche à la grise tandis que le Sierra Leone est passé de noir à gris, catégorie contenant 17 États du pavillon. Enfin, les pavillons noirs ont été portés de 9 à 13 avec quatre entrées (transfuges de la liste grise : Ukraine, Belize, Palau et Azerbaïdjan) et une sortie (Vietnam).
On notera que la Fédération de Russie est parmi les pavillons les mieux notés et l’Ukraine parmi les déclassés.
Depuis plusieurs années, le Comité suit également de près la performance des organismes agréés (OA), agissant au nom des États du pavillon, selon la même formule, pour lesquels « aucune tendance inquiétante n'a été identifiée », indiquent les auteurs du rapport.
Dans le classement réactualisé, la société de classification française Bureau Veritas ressort en troisième position avec 11 673 inspections derrière la Norvégienne DNV (23 828 inspections) et la Britannique Lloyd’s (11 737).
Quels faits saillants ressortent de la dernière actualisation ?
Le taux d'immobilisation global pour 2023 (3,81 %) est inférieur à celui de 2022 (4,25 %), mais sans revenir au niveau d'avant la pandémie (2,98 % en 2019).
L'analyse des lacunes met en évidence une certaine continuité avec les années précédentes en ce qui concerne les points de préoccupation récurrents. Ils portent sur certaines exigences de la convention SOLAS, notamment les chapitres II-2 (liés à la protection, détection et extension de l'incendie et extinction de l'incendie), II-1 (machines et installations électriques) ainsi que de la Convention du travail maritime (protection de la santé, soins médicaux, sécurité sociale).
Tout au long de l'année 2023, le nombre de refus d'accès émis (également appelés « interdictions »), au nombre de 11, est resté à un niveau inférieur à celui de la période prépandémique.
Adeline Descamps
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