Adoption du premier traité international juridiquement contraignant pour protéger la haute mer

Les États membres de l'ONU ont adopté le 19 juin le premier traité international sur la haute mer, ces espaces où aucun État n'est responsable de leur préservation. Près de 20 ans après l'ouverture des pourparlers. Il faut désormais qu'il soit ratifié par 60 pays pour entrer en vigueur.
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Alors que les pourparlers sont ouverts depuis 2004 et formalisées en 2008, aucune des nombreuses séquences de discussions à l'ONU n’est parvenue à obtenir un consensus sur un texte contraignant visant à protéger la haute mer. Du moins jusqu'en mars dernier, où la 5e session de négociations intergouvernementale au siège des Nations Unies, à New York, a fait un pas de géant pour faire aboutir le processus dit « BBNJ ».

À l'issue de deux semaines de débats et de 38 heures de négociations-marathon, les États membres de l’ONU étaient alors parvenus à figer dans le marbre un ensemble de principes encadrant la gouvernance de ces espaces qui commencent là où s'arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à 200 milles nautiques (370 km) des côtes. C'est-à-dire ne relevant pas d'une juridiction nationale, autant dire un no man's land en mer.

Décision prise à la majorité

C'est ce texte que les Nations unies ont adopté le 19 juin. Il s’agit du premier traité international juridiquement contraignant dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

Désormais, chaque décision sera prise à la majorité. Ce qui n’a rien de neutre. À l'OMI par exemple, autre agence des Nations unies, l'ordre du jour s’établit par consensus et le moindre véto de la part des États membres peut renvoyer la décision à plus tard.

60 signatures requises

Le texte sera ouvert aux signatures le 20 septembre, au moment où des dizaines de chefs d'État et de gouvernement seront à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU. Pour entrer en vigueur, il devra être ratifié par 60 pays.

Les ONG estiment que ce seuil sera facile à atteindre car la seule coalition plaidant pour une haute ambition de ce traité (Coalition de Haute Ambition pour la Haute-mer), menée par l'UE, compte déjà 52 membres, avec l’adhésion cette année des États Unis et de la Corée du sud.

Possibilité de créer des aires marines protégées

Le traité permettra de créer les « outils nécessaires à une protection effective de l’océan et à une utilisation durable de ses ressources », fait valoir le secrétariat d'État chargé de la Mer, qui revendique le rôle moteur de la France pour accélérer les discussions à l'échelle internationale (cf. plus bas).

De nouvelles zones protégées au sein desquelles la pêche, la navigation et les activités d’exploration telles que l’exploitation minière en haute mer seront strictement bordées.

Obligation d’évaluer l’impact environnemental

Le texte obligera en outre les États à réaliser des études d’impact environnementales avant de projeter la moindre activité.

Il prévoit par ailleurs un mécanisme permettant aux États membres de proposer des zones protégées en haute mer, ainsi que des lignes directrices générales en matière de gestion et de surveillance.

Partage des bénéfices

L'objectif est de protéger 30 % des terres et des mers du globe d'ici à 2030 sachant que 1 % seulement de la haute mer, qui recouvre la moitié de la surface de la planète et concerne plus de 60 % des océans, est protégé.

Quant à un autre sujet très clivant, le partage des bénéfices des ressources marines génétiques, un principe avait été acté à New York pour les pays en développement.

Clivage Nord-Sud

Le « partage juste et équitable des bénéfices de découvertes » va prévaloir, que ce soit pour l'accès aux données scientifiques ou à une part des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources dont les industries pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques espèrent tirer des molécules alors que les pays en développement n’ont pas les moyens de conduire de coûteuses recherches.

Loin d’être subsidiaire, cette question est au cœur des clivages Nord-Sud. Le dernier projet de texte laissait ouverte la question de la redistribution initiale de 2 % – et à terme jusqu'à 8 % – des futures ventes. Mais les choses n'avaient pas été précisées et ne le sont toujours pas à ce stade.

« Fondamentalement, l'accord devrait renforcer la coopération et la coordination entre les agences des Nations unies et d'autres régulateurs mondiaux et régionaux des activités en haute mer. Cela favorisera une approche globale de la protection de la biodiversité et des écosystèmes marins dans les zones où aucun État n'est responsable de leur préservation », a réagi Emily Rowley, responsable des politiques à la Chambre internationale de la marine marchande (ICS).

Adeline Descamps

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