Fin du long et lent cheminement à l’Organisation maritime internationale (OMI). Les propositions d’amendements aux conventions Solas et Marpol relatives à la déclaration obligatoire des pertes de conteneurs, l’une des problématiques du moment les plus encombrantes pour la sécurité maritime, ont été définitivement adoptées lors du MSC108 qui vient de se tenir. Elles avaient été validées par le huitième sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs (CCC8) en septembre 2022 puis soumises à l’approbation du Comité de la sécurité maritime (MSC107) au printemps 2023.
À partir du 1er janvier 2026, ces amendements exigeront la déclaration obligatoire de tous les conteneurs perdus en mer (déjà effective au niveau de l’Union européenne depuis 2012 via la directive 2002/59).
Au rapport
Les nouvelles règles prévoient ainsi que le capitaine d'un navire impliqué dans la perte de conteneurs doit immédiatement communiquer des informations détaillées – position, nombre total de conteneurs perdus, nature du fret (marchandises dangereuses) –, aux navires voisins, à l'État côtier le plus proche et à l'État du pavillon. Ce dernier transmettra ensuite ces informations à l'OMI par l'intermédiaire d'un nouveau module développé dans le cadre du système mondial intégré d'information sur la navigation (GISIS). Les signalements doivent être faits le plus rapidement possible et les mises à jour, communiquées en temps réel.
Par ailleurs, tout conteneur à la dérive repéré par le capitaine d’un navire devra également être signalé (position et nombre) aux navires naviguant en proximité et à l'État côtier le plus proche.
« Les nouveaux règlements, qui modifient spécifiquement les règles 31 et 32 du chapitre V de la Convention SOLAS, marquent une avancée significative en matière de sécurité maritime et de protection de l'environnement. En garantissant un signalement rapide et détaillé des conteneurs perdus ou à la dérive, ces amendements renforceront la sécurité de la navigation, faciliteront les interventions rapides et préviendront les risques environnementaux potentiels », a réagi Lars Kjaer, vice-président chargé de la sûreté et de la sécurité au World Shipping Council, association d'exploitants de porte-conteneurs, qui assure depuis 2008 la comptabilité des conteneurs perdus en mer.
1 382 conteneurs perdus en moyenne par an
Cette base de données est la seule qui fasse référence à ce jour bien que reposant sur des informations renseignées par ses membres armateurs. D’après la dernière analyse portant sur une longue période (2008-2019), 1 382 conteneurs ont été perdus en moyenne en mer chaque année par les quelque 6 000 porte-conteneurs alors en service.
Dans les trois dernières années de cette période, la tendance s’était nettement améliorée avec une moyenne de 779 unités, mais le phénomène est reparti à la hausse avec la pandémie. Les conditions météorologiques en 2020 et 2021 ont porté à 3 113 le nombre de boîtes passées par-dessus bord, avant de revenir à 661 en 2022.
Dans son dernier rapport, qui vient d'être publié, le WSC fait état de 221 boîtes en mer sur les 250 millions de conteneurs transportés, soit la perte la plus faible jamais enregistrée depuis le début de l'enquête en 2008. Seuls 33 % ont été récupérés, ce qui fait de chaque conteneur perdu, un de trop, souligne John Butler, PDG du World Shipping Council. « La réduction du nombre de conteneurs perdus en mer en 2023 est une évolution positive, mais elle ne diminue pas l'urgence de notre travail. Chaque conteneur perdu en mer représente un danger potentiel. »
Gigantisme en cause
Le gigantisme croissant des navires a exacerbé le phénomène. Les mastodontes de dernière génération, avec leur capacité de 24 000 EVP, alignent 24 rangées de conteneurs au-dessus du pont, autant dans le sens de la longueur, et peuvent empiler jusqu’à vingt-quatre conteneurs, douze dans les cales et dix à douze en pontée.
À pleine charge, les piles, hautes de cinq à six étages, offrent une forte prise au vent. Les mouvements de roulis sont complexes. Les torsions et frictions qui en découlent s’exercent aussi sur les piles de conteneurs (tassement, soulèvement…). Surtout par mer agitée. Un arrimage défectueux et un emballage inadapté sont souvent mentionnés dans l’accidentologie.
Mauvaise déclaration
Une mauvaise déclaration du contenu des boîtes peut aussi être à l’origine d’un passage par-dessus bord. Les conteneurs sont positionnés dans le navire selon leur poids, leur dangerosité, leurs besoins en énergies (conteneurs frigorifiques raccordés à l’électricité), les escales à venir…
L’armateur doit se fier aux déclarations du client, les marchandises étant emballées avant qu’elles ne parviennent sur le navire de l’armateur ou chez le transporteur.
Des règles existantes
La nouvelle disposition règlementaire vient enrichir la bibliothèque de directives. La déclaration de la Masse brute vérifiée (MBV ou VGM, Verified Gross Mass) est une obligation qui incombe au chargeur ou à l’expéditeur (elle relève de la modification de la Convention Solas en 2016).
Un code d'usages (approuvé en 2014) pour l'emballage des conteneurs décrit les procédures et techniques spécifiques de sécurité. Classifiées par le Code maritime international IMDG, les marchandises dangereuses doivent être déclarées en principe lors de l’établissement du contrat maritime.
Des cas spectaculaires
La sinistralité récente retiendra surtout les cas retentissants des deux porte-conteneurs ONE Aquila et ONE Apus (1 816 conteneurs perdus en mer) si bien que le transporteur japonais a fini par annoncer une amende pour un poids incorrectement renseigné sur le trafic Asie-Europe en direction de l'Ouest.
Dans le cadre des nouvelles règles, il est également prévu une extension du remorquage d’urgence pour les grands navires, autres que les pétroliers. Cette disposition permettra de prendre un porte-conteneurs en remorque et ainsi de limiter les mouvements du navire, générateurs de pertes de conteneurs, avait expliqué Éric Banel, le directeur des Affaires maritimes à l’occasion du rendez-vous des assureurs de transport ParisMat, à Paris en juin 2023.
À cette occasion, Éric Banel avait par ailleurs indiqué que des travaux étaient en cours sur la faisabilité technique (et financière) de l'usage de systèmes de traçabilité, au moyen de tags qui émettraient un signal.
Une solution développée par la société française Seatrackbox, qui permet de localiser de façon précise un conteneur « en flottaison, à mi-eau ou coulé » devait être présentée à l’OMI par la délégation française.
Adeline Descamps
Le coton, la laine la farine de poisson, le vin, le beurre de cacoo figurent sur la liste des cargaisons à risques
Le Cargo Integrity Group, qui rassemble plusieurs organisations internationales de transport* œuvrant à l'amélioration de la sécurité et sûreté, vient d'établir une classification, identifiant des marchandises, généralement transportées dans des conteneurs, qui, dans certaines conditions, sont susceptibles d'engendrer des incidents ou de devenir dangereuses si elles sont manipulées de manière incorrecte. Le groupe a ainsi relevé quinze « marchandises préoccupantes » couramment transportées par voie maritime et intermodale, divisées en trois catégories.
Trois catégories à risques
La première correspond à des dangers dits réactifs (cargaisons qui peuvent s'enflammer, soumises à la réglementation sur les marchandises dangereuses) : charbon de bois ; hypochlorite de calcium ; batteries au lithium-ion ; coton et laine ; farine de poisson et krill ; tourteau de graines. La seconde porte sur du fret présentant des risques de déversement ou de fuite : cuirs et peaux ; vin ; bitume ; beurre de cacao ; déchets (moteurs et pièces de moteur recyclés) ; huiles végétales... La troisième comprend des cargaisons mal ou incorrectement emballées ou arrimées dans le conteneur : grumes et bois ; bobines d'acier ; marbre et granit....
« Si les dangers potentiels liés au transport, par exemple, de l'hypochlorite de calcium ou des batteries lithium-ion sont plus largement appréciés, les qualités combustibles des tourteaux de graines ou les risques associés au beurre de cacao ou aux huiles végétales sont moins bien connus », explique Peregrine Storrs-Fox, directrice de la gestion des risques au TT Club.
Dans le cadre de cette initiative, le groupe a élaboré un « guide » du code CTU, ainsi qu'une check-list des actions à l'intention des personnes chargées de l'emballage des marchandises.
A.D.
*Bureau international des conteneurs, Container Owners Association, FIATA, Global Shippers Forum,ICHCA, TT Club et World Shipping Council