Gaël Cailleaux: Nous exploitons douze câbliers, mais il s’agit d’une flotte dédiée à l’installation de câbles de télécommunication et appartenant à nos deux clients, Alcatel Submarine Network (ASN) et Optic Marine Service (OMS). Pour l’installation de câbles de puissance pour les éoliennes offshore, plus gros et plus lourds, nous ne sommes pas dans une approche de propriétaire des navire dédiés. Nous affrétons à des tiers mais nous équipons en conséquence. Nous avons opéré ainsi pour le champ de Saint-Nazaire, et c’est ce que nous ferons pour celui d’Yeu-Noirmoutier. La question d’une construction neuve ne se poserait que si le marché devenait tellement tendu que nous ne parviendrions plus à affréter les navires nécessaires.
G.C.: La construction sur-mesure de SOV [navires de service offshore] et de CTV [navires de transfert d’équipage] fait partie de notre stratégie d’investissement, ceci pour accompagner nos clients sur des contrats de long terme. L’éolien est un marché porteur et nous allons concourir à plusieurs appels d’offres importants dans les prochains mois sur la mer du Nord. C’est seulement si nous les remportons que nous lancerons des constructions. Pour les SOV, très technologiques, nous ne jouons pas la construction spéculative car le navire une fois construit n’est pas nécessairement adapté à la demande du client. Pour la maintenance des champs d’éoliennes proches des côtes, le transfert des techniciens depuis une base logistique à terre se fait principalement par des CTV de type catamaran. Ces navires ne répondent pas aux mêmes exigences technologiques, mais nous cherchons aussi à les améliorer en privilégiant les grands CTV de 24 places et un confort maximal pour les personnels transportés. Les trois navires que nous avons fait construire par Ocea peuvent naviguer jusqu’à 2 m de hauteur significative [valeur statistique qui mesure les hauteurs de vagues mesurées entre crête et creux] contre 1,5 à 1,7 m pour la plupart des CTV. Le quatrième navire que nous venons de commander pour Fécamp est construit à Singapour. Il nous le fallait dans des délais courts et le chantier Strategic Marine avait déjà plusieurs navires en construction dont le design répondait à nos besoins.
G.C.: Ces navires font en effet 80 m et sont prévus pour une autonomie d’un mois. Ils offrent une meilleure opérabilité, peuvent naviguer dans 2,5 m de hauteur significative grâce à leur taille mais aussi à leur positionnement dynamique et à leur passerelle compensée. Les Wind of Change et Wind of Hope, exploités en mer du Nord sur des champs allemands et britanniques, sont aussi hybrides. Nous allons accroître cette hybridation avec davantage de batteries. Il ne s’agira plus seulement d’écrêter les pics de puissance, mais aussi de pouvoir travailler en mode électrique pendant plusieurs heures par jour. En effet, en positionnement dynamique, il faut au moins deux groupes qui tournent pour pouvoir continuer d’assurer la manœuvre si l’un des deux s’arrête. Avec des batteries, nous n’avons plus besoin que d’un seul groupe en fonctionnement, puisqu’en cas de panne, on peut toujours utiliser la batterie le temps de lancer le second groupe. De ce fait, un seul groupe travaille, et ce dans sa plage de puissance la plus efficace.
G.C.: Pour la décarbonation de ces SOV, nous travaillons en effet aussi à une solution méthanol, qui pourra être ultérieurement upgradée à l’hydrogène. D’autant que certains de nos clients commencent à étudier la possibilité de production d’hydrogène directement en mer, sur le champ d’éoliennes. La compression d’hydrogène en mer pour le bunkering n’est pas un procédé encore au point, mais cela se fera très probablement un jour. Nous étudions aussi les possibilités d’électrifier nos CTV, et même de les recharger en mer: ils pourraient se brancher sur une bouée de recharge ou sur une turbine pour s’alimenter directement à l’électricité fournie par les éoliennes. L’intérêt de l’électrification de ces navires, c’est que l’énergie est disponible sur site. Pour un champ près des côtes, on peut réduire la vitesse sans allonger beaucoup le temps de transfert et ainsi optimiser l’autonomie du navire et le dimensionnement de ses batteries.
G.C.: Le marché est intéressant, mais un certain nombre de contraintes doivent d’abord être levées afin de l’aborder avec les meilleures chances de succès. Pour assurer la pose des éoliennes, il faut des navires dont la capacité ne cesse d’augmenter. Pour l’appel d’offres qui vient d’être attribué en Centre-Manche, par exemple, EDF prévoit des éoliennes de plus de 20 MW qu’aucun navire à ce jour n’est capable d’installer. Nous regardons en revanche comment adapter notre savoir-faire à l’éolien flottant, où il faut aussi poser des câbles et réaliser des travaux de remorquage et d’ancrage. Ces activités maritimes nous sont familières. LDA pourrait à nouveau s’équiper de remorqueurs s’il fallait répondre à une telle demande.