À la croisée entre avant-gardisme environnemental et innovation maritime, Ponant surenchérit dans la décarbonation avec une nouvelle proposition très ambitieuse. Inégalable dans sa façon de pratiquer la croisière, l’entreprise, propriété du fonds Artémis de François Pinault, a dévoilé son projet Swap2Zero (Sustainable, wind assisted propulsion, zero emission ready). La compagnie promet de mettre à l’eau d’ici 2030 un paquebot présentant une autonomie d’un mois sans émissions de CO2 eq. (CO2, méthane et protoxyde d’azote, du « puits à la roue » ), grâce à « six technologies de rupture ». « Notre équipe R&D a rassemblé les meilleurs spécialistes [notamment LMG Marin France, Barillec Marine, Helion Hydrogen Power, D-ICE Engineering, NDLR] pour mettre au point un modèle énergétique qui tend vers le « zéro émission » de gaz à effet de serre en navigation, en manœuvre, au port et au mouillage. Aux énergies renouvelables fournies par le vent et le soleil seront associées à d’autres décarbonées et à des piles à combustibles », indique Hervé Gastinel, le président de Ponant, qui ne fait pas part de son budget.
Pour son 14e navire, le croisiériste s’est associé au cabinet d’architecture navale Stirling design international. Un appel d’offres a été lancé auprès de quatre chantiers (intégrant les Chantiers de l’Atlantique et Vard, le chantier norvégien de prédilection de Ponant). Les images du concept dévoilent un yacht d’une centaine de cabines et de 181 m de long pour lequel deux systèmes véliques sont à l’étude (avec les Oceanwings de la société française Ayro et le Solid Sail des Chantiers de l’Atlantique). La voile, couplé à un travail sur la carène, devrait contribuer à 50 % à la propulsion. Plus de 1 000 m2 de panneaux photovoltaïques écoconçus seront intégrés dans les structures et les voiles. Une pile à combustible basse température (PEMFC) fonctionnera à l’hydrogène liquide pour la propulsion tandis qu’une autre de haute température (SOFC) servira aux besoins de la charge hôtelière du navire, la chaleur dégagée étant récupérée pour la production d’eau chaude. Il est également prévu la captation de carbone à bord dont il n’est rien dit sur la valorisation. Enfin, l’entreprise a planché sur un système de gestion de l’énergie qui permette de répartir les puissances sans qu’aucun groupe électrogène ne soit en service.
L’armateur marseillais se distingue depuis des années du tout-venant, notamment pour avoir considéré bien avant l’heure le monde entier comme une zone de contrôle des émissions (pour les oxydes d’azote, de soufre et particules). La compagnie a ainsi été la première à avoir abandonné, un an avant l’IMO 2020, le fuel lourd au profit d’un combustible à 0,05 % de teneur en soufre tout en généralisant les systèmes catalytiques.Elle fut aussi l’une des premières à mettre en œuvre des mesures d’ordre opérationnel (ralentissement de la vitesse, assistance digitale à la navigation et routage pour améliorer le rendement énergétique des navires) et technique (motorisation bas carbone, connexions électriques à quai dans les ports, hybridité des navires avec des batteries pour s’affranchir des groupes électrogènes diesel à quai, au mouillage ou à proximité des zones habitées). Un dogme qui fait aujourd’hui consensus dans le shipping.