Frédéric Moncany de Saint-Aignan: Dès 2019, nous avons rassemblé de nombreux acteurs de l’économie maritime au sein de la coalition pour la transition éco-énergétique du maritime, dite coalition TEEM. Nous avons aussi travaillé avec l’Ademe sur une plateforme numérique afin d’identifier les enjeux et déterminer la trajectoire vers le zéro émission. C’est à partir de ces travaux que nous avons écrit, en collaboration avec la Direction générale des Affaires maritimes, Armateurs de France, Evolen et le Gican, la feuille de route de la décarbonation de la filière. Nous préconisons aussi la création d’un institut de la transition énergétique, qui sera autonome, sans lien organique avec le cluster. Il est en cours de création avec une équipe pilotée par Erwan Jacquin et sera officiellement lancé à l’automne sous le nom de MEET 2050, pour « Maritime Eco-Energy Transition towards 2050 ». La feuille de route est écrite et il faut maintenant la décliner. Elle n’est pas figée, elle reste évolutive et c’est le travail du comité stratégique de filière, du Cluster maritime et du nouvel institut MEET 2050 de l’accompagner.
F.M.S-A.: La décarbonation est un énorme sujet. Comment y parvenir? Comme pour manger un éléphant: morceau par morceau. Il n’y a pas de solution unique. Les leviers sont la sobriété, la réduction de la vitesse, les nouvelles énergies, l’innovation, la modification des routes… Ils seront utilisés de façon différente selon les flottes. Les choix vont dépendre évidemment des ressources dont nous disposerons en GNL, méthanol, ammoniac, hydrogène, etc., ainsi que des briques technologiques qui restent à inventer. Nous devrons nous appuyer sur les ports qui ont un grand rôle à jouer comme hubs de la décarbonation. Il s’agit d’un chantier considérable dans lequel le secteur maritime s’est fermement engagé. Cela ne peut pas concerner seulement les navires français. La réduction de vitesse, par exemple, est facile à mettre en œuvre mais doit se faire dans un cadre international. En outre, il s’agit uniquement d’une solution d’attente: la réduction de vitesse sera un moindre enjeu lorsqu’on aura des carburants décarbonés.
F.M.S-A.: La décarbonation du maritime va coûter cher, donc il faut des financements publics et privés, nationaux et internationaux. Un énorme travail reste à faire dans un temps contraint, avec beaucoup d’incertitudes. La feuille de route est une stratégie écologique et technique, mais il y aura des choix à faire qui sont du ressort du politique, pour prioriser par exemple tel segment de la flotte, ou encore tel financement.
F.M.S-A.: Sur le taux de soufre, la vitesse ou les émissions de gaz à effet de serre, la réglementation ne peut effectivement se faire que de façon internationale, sinon la compétitivité française et européenne va se dégrader. C’est l’OMI qui est à la manœuvre. Le rythme est-il assez rapide? Non, mais il ne faut pas aller trop vite non plus sous peine de perdre du monde en route. La filière française est en avance sur la réflexion stratégique, comme le sont aussi le Danemark et Singapour. Il faut continuer à être aux avant-postes, car la décarbonation appartient à ceux qui seront partis les premiers.