À quoi carburent les navires?

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La flotte mondiale devrait voir sa physionomie bien changer au cours des prochaines années. Pas moins de cinq types de carburants vont cohabiter alors que les navires se sont « shootés » pendant des décennies au fuel et à ses dérivés. Au premier semestre, la bascule des commandes vers les carburants verts est nette.

En 2022, la transition énergétique des navires a basculé dans un autre monde. Ce fut la première année où les commandes de navires ont majoritairement penché vers une double motorisation avec une technologie garantissant une réduction des émissions de CO2 ou la configuration ready for. Cette tendance s’est prolongée tout au long du premier semestre 2023.

Les deux nouvelles normes réglementaires sur le climat, introduites le 1er novembre dans la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires Marpol, n’y sont pas étrangères. Depuis le 1er janvier 2023, les transporteurs doivent calculer l’indice d’efficacité énergétique des navires existants (EEXI, Energy Efficiency Index), jusqu’à présent réservé aux nouvelles constructions (EEDI), et commencer à recueillir les données pour la déclaration de leur indicateur d’intensité carbone (CII, Carbon Intensity Index).

Le CII établit une grille selon laquelle chaque navire de plus de 5 000 tonnes brutes recevra une note de A à E. La première année complète, 2023, sera utilisée pour collecter les données, ce qui signifie que les navires n’auront pas leur première note avant le début de 2024. Les navires notés E une seule année ou D trois années de suite devront intégrer les corrections qu’ils entendent apporter dans le plan de gestion de l’efficacité énergétique du navire (SEEMP). À compter de 2023, les limites d’émissions seront chaque année plus strictes par rapport à la base de référence de la flotte de 2019. Cela signifie donc qu’un navire classé C une année donnée pourrait passer en D les suivantes, sans que le mode d’exploitation du navire ait changé, mais simplement en raison de ce facteur de progression qui rend la conformité plus exigeante.

Virage vert

Selon l’état des lieux dressé par Intermodal fin mai, 0,54 % de la flotte mondiale consomme à ce jour des carburants alternatifs aux combustibles fossiles, tandis que 14,69 % des navires en commande seront alimentés par des énergies moins carbonées.

« Sur le carnet de commandes actuel, 10,31 % des navires sont alimentés au GNL, 2,03 % au méthanol, 1,91 % au GPL et seulement 0,42 % à l’hydrogène », indique l’analyste. Mais une bascule s’est opérée parmi les 73 navires verts commandés au cours des cinq premiers mois de 2023. 20 % pourront consommer des carburants alternatifs, dont 6 % ayant opté pour le GNL et 9 % pour le méthanol, ajoute-t-il.

Le GNL a toutefois quelques longueurs d’avance, avec 399 unités actuellement en service et 512 en commande d’après les dernières données publiées par DNV fin mai. Les pétroliers sont les premiers clients du gaz naturel liquéfié (58 navires en opération), devant les porte-conteneurs (49), les transporteurs de produits pétroliers (46) et les ferries (44).

« Du fait de la normalisation des prix du gaz, le marché de l’avitaillement en GNL a retrouvé toute sa vigueur », indique Martin Wold, consultant maritime chez DNV, qui anticipe un manque de capacité pour le soutage GNL à partir de 2025. « Dans certains endroits et certaines périodes, cela pourrait même se produire plus tôt ». Il y a actuellement 43 souteurs de GNL en service et 21 en commande.

Depuis le début de l’année, les nouvelles commandes au GNL ont toutefois ralenti – 28 entre février et mai (aucune en janvier) –, après une année record en 2022 avec 222 contrats. Les plus récentes ont porté sur cinq porte-conteneurs pour Yang Ming et deux transporteurs de voitures pour Zodiac Maritime.

En construction, hormis la double motorisation, les porte-conteneurs sont les plus grands clients du GNL avec 190 unités pour 122 transporteurs de voitures, 42 transporteurs de produits pétroliers, 39 tankers et 36 vraquiers, entre autres. Au total, il y a 911 navires au GNL en commande et en service pour 182 au GPL, 127 au méthanol et 27 à l’hydrogène.

Le HFO n’est pas mort

Par ailleurs, le HFO (carburant affichant jusqu’à 3,5 % de teneur en soufre) n’a toujours pas rendu son tablier. Toujours toléré par les réglementations à condition que les gaz d’échappement qu’il émet soit épurés à la sortie des cheminées, il reste une solution pour une partie de la flotte mondiale. Sur les quelque 50 000 navires marchands existants, 5 122 sont équipés de ces dispositifs EGS (exhaust gas cleaning systems), dont 34,67 % sont des vraquiers, 23,62 % des porte-conteneurs, 13,86 % des pétroliers et 11,42 % des transporteurs de produits chimiques.

Selon Ship&Bunker, le prix moyen du VLSFO, fioul à très faible teneur en soufre (moins de 0,5 %), dans les 20 principaux centres mondiaux de soutage avoisine les 600 $/t (588 $/t) et le HFO les 500 $/t (481 $/t).

Le global scrubber spread – la différence de prix entre l’IFO380 et le VLSFO – se situe donc autour de 100 $. Ce paramètre n’est pas neutre. Le différentiel entre les deux carburants (appelé aussi Hi5), qui a pu être, au cours des deux dernières années, supérieur à 300 $, a plusieurs conséquences. Plus l’écart est faible, moins l’investissement dans les scrubbers est rentable. Plus il est élevé, plus son impact sur le revenu spot net est positif (en raison des économies de carburant réalisées), a fortiori dans le vrac sec où le tarif au comptant équivalant à un jour est calculé net du coût du carburant (l’opérateur du navire paie le carburant lors d’un voyage spot).

Selon des calculs de Clarksons Securities, un très gros transporteur de brut (VLCC) non éco-conçu et équipé d’un scrubber peut ainsi économiser 6 000 $ par jour par rapport à son équivalent non équipé. Mais en juillet 2022, le gain était de 24 000 $/j. Un capesize (d’une capacité d’environ 180 000 tpl) équipé fait gagner à son exploitant 4 200 $/j de plus par rapport à un non-appareillé. Là encore, la majoration était bien supérieure il y a un an, de l’ordre de 18 000 $/j.

Changement de mentalité

Du fait de l’écart qui se resserre, la demande pour la pose de scrubbers a considérablement diminué par rapport au pic observé en 2019. Ce marché, qui concerne à 67 % le refit, intéresse en principe moins la construction neuve. Les cinq premiers mois de 2023 font toutefois mentir cette arithmétique: 153 navires neufs équipés de scrubbers ont été enregistrés, contre 111 pour la même période en 2022 et 179 pour l’ensemble de l’année 2022, indique Intermodal.

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