Fret aérien: les compagnies peinent à décoller

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En 2021, parenthèse dorée pour le fret aérien, les annonces consacrées à la création de compagnies aériennes se sont enchâssées, MSC Air Cargo, Maersk Air Cargo ou CMA CGM Air Cargo. En 2023, les compagnies maritimes auront été très discrètes sur leurs affaires dans les airs.

Tout ne coule pas de source pour les transporteurs maritimes aventurés dans le fret aérien. Les temps sont même difficiles. Les compagnies maritimes ont démarré leurs opérations aériennes l’année où le secteur a subi un sérieux test de résistance. L’effondrement de la demande et des tarifs a fait chuter les revenus en 2023, forçant les acteurs du marché à réduire la voilure, reporter les investissements dans les avions et à resserrer leurs budgets. Pour les nouveaux entrants, même les caisses pleines, l’accueil est glacial et l’initiation est militaire. À suivre les appareils à la trace avec le suivi des vols de Flightradar, les appareils opérés par les compagnies maritimes ont passé du temps sur le tarmac. Les plans de vol ont été modifiés à plusieurs reprises, les lancements de lignes décalés.

Les dernières informations venant du ciel semblent valider ce principe.

Près de trois ans après avoir lancé sa propre compagnie aérienne tout-cargo (mars 2021), deux ans après être entré au capital d’Air France KLM à hauteur de 9 % avec un siège au conseil d’administration (mai 2022), un an après avoir formalisé sa joint-venture commerciale (avril 2023) avec le transporteur aérien franco-néerlandais, les deux mastodontes tricolores du fret maritime et du fret aérien ont mis un terme, le 16 janvier, à l’ensemble de leurs « accords existants » prévus initialement sur dix ans. Décision avec effet le 31 mars 2024.

Les deux groupes évoquent une coopération dans l’incapacité de fonctionner « de manière optimale » en raison d’un « environnement réglementaire contraint » sur certains « marchés importants ».

Quand le pool avait été mis sur les rails en avril 2023, les deux groupes avaient obtenu l’ensemble des autorisations réglementaires, excepté pour l’Amérique du Nord (États-Unis, Mexique, Canada), marchés stratégiques pour le fret aérien, la Russie, la Turquie et l’Île Maurice.

Un beau coup

L’accord de partage, formalisé par une joint-venture entre EVP Cargo (groupe Air France KLM) et CMA CGM Air Cargo, portait sur une flotte de douze freighters, six appareils fournis par CMA CGM Air Cargo (quatre A330-200F et deux 777F), tous basés à Paris-Charles de Gaulle, et six du groupe Air France (trois B747-400 de KLM, deux B777-200 d’Air France et le 747-400 converti de la néerlandaise Martinair), basés à Paris-Charles de Gaulle et à Amsterdam Schiphol.

Le pool concernait aussi les capacités en soute des avions de ligne, soit plus de 160 appareils long-courriers. Les deux compagnies ont par ailleurs des commandes en cours, à raison de six pour l’entreprise marseillaise (deux B777 et quatre A350F), dont la livraison est prévue entre cette année et 2026, et huit pour le transporteur aérien (dont quatre A350), mais qui étaient destinés à renouveler les doyens.

Rentabilité?

Dans les premiers temps, la division cargo de CMA CGM, dirigée depuis septembre 2022 par Guillaume Lathelize, a géré « en fonction des besoins de [ses] clients et des autorisations réglementaires », indiquait CMA CGM au moment de la formalisation du partenariat commercial. Et de la rentabilité, est-on tenté d’ajouter. Après quelques mois d’opérations seulement, CMA CGM Air Cargo avait même été contraint de fréter quelques-uns de ses appareils à des expressistes, Qatar Airways et DHL express. Aujourd’hui, il est difficile de connaître dans le détail les destinations lancées, suspendues ou abandonnées. En se plaçant sous l’aile expérimentée d’Air France-KLM, l’armateur de porte-conteneurs avait néanmoins réussi un « coup », accédant à un réseau (couverture, opportunités de correspondances dans le monde entier, horaires), à des infrastructures dans les aéroports et à une plateforme partagée (myCargo), permettant de réserver et de combiner des vols opérés par Air France, KLM, Martinair et CMA CGM Air Cargo.

Qu’adviendra-t-il de CMA CGM Air Cargo en solo? Les observateurs ne se priveront pas d’arpenter le champ des possibles. Retour avec Air Belgium? partenariat moins intégré avec Air France KLM? gestion de la flotte confiée à un tiers? À moins qu’il ne soit tout simplement mis un terme à l’aventure en altitude…

Une année difficile pour le fret aérien

Le fret aérien n’a pas été épargné par la récession en 2023, qui frappe le secteur du transport de marchandises depuis le troisième trimestre 2022. L’effondrement de la demande et des tarifs (40 à 50 % pendant une majeure partie de l’année, avant de se redresser au cours des derniers mois) a fait chuter les revenus en 2023, forçant les acteurs du marché à réduire la voilure, reporter les investissements dans les avions et à resserrer leurs budgets. Même cause, mêmes effets que pour le transport maritime: l’accumulation des stocks que l’e-commerce n’a pas dégonflé.

Les compagnies aériennes cotées en Bourse ont vu leurs recettes de fret chuter de 25 à 60 %. Pour exemple, Lufthansa Cargo n’a réalisé aucun bénéfice au troisième trimestre, contre 352 M$ l’année précédente. Les transitaires, de Flexport à Kuehne+Nagel en passant par DSV et C.H. Robinson, ont supprimé des milliers d’emplois en réponse au ralentissement des transports aériens et maritimes. Les événements en mer Rouge, qui perturbent les services maritimes, pourraient être une « opportunité majeure ». Certains y croient fermement.

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