Alliances: la déflagration en deux actes

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Maersk et MSC ont été à l’initiative d’une première onde de choc en annonçant, en janvier 2023, la fin de leur alliance maritime à compter de janvier 2025. Une seconde secousse a été ressentie après que Maersk et Hapag-Lloyd ont annoncé leur rapprochement opérationnel.

Effet big bang garanti en deux temps, deux mouvements, à un an d’intervalle. La rupture entre Maersk et MSC, liés depuis 2015 par un accord de partage de navires, et la nouvelle alliance maritime entre Maersk et Hapag-Lloyd à compter de février 2025 ont provoqué un mini-séisme dans la ligne régulière, actuellement dominée par trois grands consortiums: 2M (MSC, Maersk), THE Alliance (aujourd’hui, Hapag-Lloyd, Yang Ming, ONE, HMM) et Ocean Alliance (Cosco/OOCL, Evergreen, CMA CGM).

Jusqu’à ce que le rapprochement entre les numéros deux et cinq mondiaux soit annoncé, la rupture entre les deux leaders mondiaux avait déjà suscité un déluge de questionnements. Maersk va-t-il faire cavalier seul? Va-t-il y avoir un effet domino? Est-ce la fin d’un modèle contesté?

Dans les faits, la rupture est consommée depuis un temps. Pour Alphaliner, la désolidarisation devrait même être une opération quasiment blanche pour les chargeurs, « la plupart des rotations étant déjà exploitées par un seul transporteur, plutôt qu’avec une flotte mixte ». MSC, qui a détrôné Maersk de son statut de leader en janvier 2022, a absorbé 654 000 EVP en 2023 et attend 327 000 EVP en 2024, puis 347 000 EVP en 2025. Autant dire qu’il a suffisamment de tonnages pour vivre en autarcie.

Une fois ses nouveaux navires en possession, il alignera 917 unités pour une capacité de plus de 7 MEVP. Soit celles de CMA CGM et de Cosco réunies, sur la base des données d’Alphaliner.

A contrario, l’armateur danois observe une austérité budgétaire de cistercien depuis deux ans, à l’inverse de ses pairs du top 10 mondial, qui ont tous dépensé une partie de leurs substantiels profits dans les chantiers navals.

L’armateur n’a réceptionné que 28 000 EVP en 2023 et doit être livré de 276 000 EVP en 2024 et 2025. Ses 440 000 EVP en commande (35 porte-conteneurs) porteront sa capacité à 4,6 MEVP. Il est toutefois assez « gros » pour alimenter son propre réseau est-ouest. Il sera surtout le premier transporteur à commercialiser des boucles « vertes » (avec ses 24 navires au méthanol), ce qui faisait dire à nombre d’analystes qu’il ne serait pas disposé à partager cette capacité « spéciale » avec des concurrents.

Fragilisation de THE Alliance

L’annonce détonante de janvier avait laissé une question en suspens: Maersk va-t-il se mettre en quête d’un nouveau partenaire, ne serait-ce que pour tenir la promesse du « réseau » ou nouer des accords ad hoc de partage de navires et d’échange de slots? Sa taille est telle que les autorités de la concurrence bloqueront probablement toute tentative de rejoindre l’une des deux autres alliances, a évacué le consultant britannique Drewry.

De tous les scénarios évoqués, le duo Maersk-Hapag-Lloyd avait échappé à l’acuité des analystes. Beaucoup misaient sur la subsistance des deux autres grandes alliances, dont les termes sont plus lointains (Ocean Alliance en 2027 et THE Alliance en 2030), avec parallèlement des partenariats moins intégrés sous la forme d’accords d’affrètement de créneaux horaires. Il a même été imaginé qu’il puisse en être ainsi pour les deux conjoints consentant au divorce…

Pour Lars Jensen, ancien de Maersk, aujourd’hui consultant (Vespucci Maritime), CMA CGM, qui partage une approche similaire avec Maersk, devait être le candidat idéal. D’autant que les deux entreprises ont en commun d’être proactives en matière de renouvellement de leur flotte, Maersk en tant que pionnier du méthanol, mais hermétique au GNL, et CMA CGM, promoteur du GNL et ralliée récemment au méthanol. En clair, ces deux-là ont un produit différenciant à vendre: des navires (plus) verts.

La coopération germano-danoise portera sur une flotte d’environ 290 navires d’une capacité combinée de 3,4 MEVP, fournie à 60 % par Maersk et le solde par Hapag-Lloyd. Le premier va donc fournir quasiment la moitié de sa capacité actuellement en service (4,15 MEVP, avec 677 navires). Pour le second, seulement 610 000 EVP de son 1,97 MEVP à l’eau (269 navires) ne seront pas mis à disposition du Vessel share agreement (VSA), si tant est qu’il ait juridiquement cette forme. Cela tranche. Le Danois et l’Allemand opèrent actuellement 61 % et 57 % de leur flotte en dehors de leurs alliances respectives. Le partenariat entre deux les grands nord-européens couvrira sept trades, soit 26 services de lignes principales et 32 lignes secondaires.

Première conséquence immédiate, la fragilisation de THE Alliance et de ses membres (ONE, HMM et Yang Ming), bien que Rolf Habben Jansen, CEO de Hapag-Lloyd, s’en défende. Lancé en 2017, le groupement aligne 260 navires totalisant 3,3 MEVP. Soit la plus petite présence mondiale.

En revanche, Ocean Alliance, lancée en avril 2017 et à laquelle appartient CMA CGM, devient le plus grand groupement de transporteurs au monde en capacité déployée – 330 navires, dont 111 fournis par CMA CGM, capacité de 3,8 MEVP –, face aux 3,1 MEVP des deux autres alliances. Sa part de marché s’élève actuellement à 34 % sur le trafic Asie-Europe et à 35 % sur les routes Asie-Amérique du Nord.

Cette montée en puissance pourrait-elle inciter les régulateurs à réévaluer et à redéfinir la taille des méga-alliances? « L’expansion prévue d’Ocean Alliance pourrait toutefois servir de test pour déterminer l’ampleur qu’elles seront autorisées à prendre », soutient Alphaliner, qui ne croit pas l’effet post big bang de la décision européenne, à savoir un grand refroidissement.

Le big bang des alliances

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