Les codes de l’exploitation vont changer

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Les 24 000 EVP vont chasser les petits et les anciens

L’année aura été rythmée par les arrivées de monstres d’acier de plus 24 000 EVP, des géants de 399,9 m de long, soit 60 m de plus qu’un porte-conteneurs classique, et la possibilité de loger 24 rangées de conteneurs grâce à une largeur de plus de 60 m. Ils chasseront progressivement les plus petits et les plus anciens vers des lignes régionales. Plusieurs d’entre eux, commandés par MSC, ONE, OOCL, Hapag-Lloyd, sont parvenus l’an dernier aux termes de leur construction.

La livraison du MSC Tessa en début d’année dernière a ouvert une séquence, rythmée ensuite par la livraison cadencée à MSC de huit unités de plus ou moins la même taille, toutes destinées aux lignes entre Asie et Europe du Nord. Ainsi, le porte-conteneurs de 24 116 EVP a rejoint le service AE6/Lion, suivi par le MSC Irina, encore plus grand avec ses 24 346 EVP, destiné au AE11/Jade entre Asie et Méditerranée occidentale, le MSC Celestino Maresca envoyé sur le AE6/Lion et le MSC Raya déployé sur le AE55/Griffon. Les MSC Irina, MSC Loreto, MSC Mariella, MSC Michel Cappellini figuraient entre autres dans la liste des livrables de 2023.

MSC a commandé 14 de ces mastodontes, huit à China State Shipbuilding Corporation (CSSC), qui les a répartis entre ses chantiers de Jiangnan Changxing (groupe Hudong-Zhonghua) et de Jiangnan Shipyard. Les six autres ont été confiés à Yangzijiang Shipbuilding, le constructeur privé chinois.

Le programme ne s’arrête pas là. MSC a par ailleurs placé quatre autres porte-conteneurs de cette taille, mais au GNL, auprès du constructeur japonais Nihon Shipyard (chantiers d’Imbari et de JMU). Ils n’arriveront sur le marché qu’en 2025.

Le transporteur suisse avait été précédé par Evergreen avec sa classe des Ever, livrés mi-2022. Avec 116 EVP de moins que le MSC Tessa, les quinze géants de l’armateur taïwanais ont été placés sur le service CEM, opéré avec les seules capacités d’Evergreen, et commercialisé sous NEU6 par Ocean Alliance, l’alliance dont la compagnie est membre aux côtés de CMA CGM et Cosco/OOCL. La ligne, actuellement assurée avec des 20 000 EVP, est en train de muter vers les 24 000 EVP.

OOCL a également pris livraison de ses tout premiers 24 000 EVP, dont le OOCL Spain (24 188 EVP). Hapag-Lloyd a introduit son Berlin Express de 23 666 EVP au GNL.

Avec ses 24 136 EVP, le ONE Innovation a créé ses premiers remous à Rotterdam où il a amarré au terminal de DP World (Rotterdam World Gateway) mi-juillet. Il était à la fois le premier des six mégamax de plus de 24 000 EVP que le transporteur japonais doit réceptionner d’ici 2024, le troisième plus grand porte-conteneurs au monde (400 m de long, 61 m de large) et l’un des tout premiers à disposer d’une 25e baie.

Il a aussi détonné par son appareillage curieux: un déflecteur de vent dont il a été prouvé qu’il permettait d’économiser jusqu’à 4 % en consommation de carburant dans des conditions optimales et 2 % dans le cadre d’une navigation courante.

Ce pare-brise géant avait été testé pour la première fois sur son ONE Trust, avant d’équiper le ONE Tradition, tous deux des porte-conteneurs de 20 170 EVP exploités entre Asie et Europe.

Plusieurs carburants vont cohabiter

La structure de la flotte de porte-conteneurs pourrait par ailleurs être modifiée au cours des prochaines années, alors que devraient cohabiter pas moins de cinq types de carburants. Les commandes de porte-conteneurs avec des carburants alternatifs ont atteint l’an dernier la moitié des contrats de construction contre seulement 10 % en début d’année. La première unité des navires propulsés au méthanol a été livrée en septembre et les motoristes ont fait des pas de géants dans l’adaptation des motorisations tant à l’ammoniac qu’au méthanol. « Cinq carburants différents peuvent potentiellement cohabiter: le fuel à faible teneur en soufre et à haute teneur en soufre, le GNL, le méthanol et l’ammoniac, explique Niels Rasmussen, analyste au Bimco. À mesure que l’utilisation de carburants alternatifs augmentera, il deviendra de plus en plus difficile d’établir une référence tarifaire unique et pertinente pour les marchés de l’affrètement à temps et des actifs », poursuit-il.

La propriété monte en puissance

Du fait de ce carnet de commandes massif et des achats compulsifs sur le marché S&P, qui relèvent pour une grande part de l’engouement des armateurs-exploitants, le marché de l’affrètement à temps pourrait s’en trouver modifié. « Avec l’augmentation de la part de propriété, les opérateurs n’auront plus aussi mécaniquement recours aux affrètements pour ajuster rapidement la capacité de leur flotte », relève Niels Rasmussen.

Il y a dix ans, la part des propriétaires-exploitants dans la capacité de la flotte ne dépassait pas les 50 %. Depuis, elle est remontée à 61 %. Ce pourcentage devrait être porté à 65 % dans les années à venir, selon le Bimco.

Le ralentissement s’impose pour moins polluer

Selon la taille des navires, les vitesses de navigation ont diminué de 2 à 6 % en 2023 par rapport à 2022. Les porte-conteneurs, aux deux extrémités du segment, sont ceux qui ont le moins réduit leur vitesse, tandis que l’entre-deux (3 000-12 000 EVP) a ralenti de 5 % en moyenne. Dans l’ensemble, le Bimco estime que la baisse des vitesses de navigation a réduit l’offre de 3 % en 2023 et devrait jouer à hauteur de 2 % en 2024. Mais ces estimations ont été délivrées en novembre sans les derniers événements géopolitiques en mer Rouge qui ont déjà incité plus de 300 navires à contourner par la pointe de l’Afrique, allongeant le transit time et nécessitant plus de navires pour maintenir la fréquence.

Clarksons estime par ailleurs qu’en vertu de l’indicateur d’intensité carbonique (CII), en vigueur depuis un an, environ 45 % des flottes actuelles de pétroliers, de vraquiers et de porte-conteneurs seront classées D ou E si elles sont encore en activité en 2026 et sans modifier leur vitesse ou leurs spécifications.

La construction coûtera de plus en plus cher

En raison d’un carnet de commandes de près de 8 MEVP, le plus important de l’histoire de la navigation, les constructeurs disposent d’une visibilité jusqu’en 2028, avec un pic de livraisons en 2024 et 2025.

Les normes réglementaires, qui assignent au secteur d’aligner une flotte zéro émission à horizon 2050, et une trésorerie gonflée par deux années très fastes se sont combinées pour inciter les propriétaires à passer commande.

Les prix à la construction ont suivi d’après les retours des courtiers. Un néo-panamax à haut rendement énergétique se facture actuellement à 200 M$, contre 150 M$ pour son équivalent à motorisation classique construit en Chine et 160 M$ en Corée du Sud. Le même tonnage doté d’un système de propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL) coûte 25 % plus cher. Jusqu’à récemment, le surcoût pour une motorisation au méthanol était limité à 15 %, mais sous l’effet d’un boom de la demande, il revient entre 20 % et 25 % plus cher.

Le delta entre le GNL et le méthanol s’est donc réduit. Toutefois, les inquiétudes étant croissantes quant à la disponibilité du méthanol vert à date, quelques armateurs ont déjà permuté certaines de leurs commandes. Ainsi de CMA CGM avec ses huit porte-conteneurs de 9 200 EVP, passés du méthanol au GNL.

En fin d’année 2020, quand Hapag-Lloyd avait commandé ses douze navires de 23 600 EVP au GNL, il s’était mis d’accord avec le Sud-Coréen DSME (aujourd’hui Hanwha Ocean) sur le prix de 164 M$. Les mêmes seraient facturés aujourd’hui 250 M$ en Corée et 240 M$ en Chine. Du moins, c’est ce qui a pu être négocié entre Yangzijiang et CMA CGM pour sa série commandée en 2023 avec les mêmes spécifications techniques.

Ramené à l’EVP, l’investissement pourra tout simplement doubler entre un conteneur chargé sur un 24 000 EVP commandé à des conditions favorables (environ 6 960 $/EVP) et le même transporté sur un 15 000 EVP de construction récente (environ 12 745 $/EVP).

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