Gestionnaire du réseau fluvial, l’établissement public Voies navigables de France (VNF) a aussi pour mission la promotion du transport par voie d’eau. C’est à ce titre qu’a été mis en place le Plan d’aide au report modal (PARM), programme de subvention existant depuis 2012. La dernière version, pour les années 2018 à 2022, était dotée de 20 M€ de financements répartis en trois volets. D’une part, le financement des études logistiques nécessaires à l’utilisation du transport fluvial, plafonnées à 50 % et 25 000 € par projet. D’autre part, l’expérimentation avec un maximum d’une dizaine de voyages sur six mois, afin de tester le report modal en condition réelles: la subvention, ici, peut atteindre 100 % du surcoût induit par le passage au fluvial et est plafonnée à 100 000 €. Enfin, si le test s’avère concluant et que l’entreprise décide de pérenniser son utilisation du fluvial, le PARM permet de financer jusqu’à la moitié des investissements dans des équipements de manutention spécifiques avec un montant jusqu’à 500 000 €. Ce programme de subvention du report modal vers le fluvial monte en puissance: 38 études ont été financées depuis 2018, contre 16 au cours des cinq années précédentes, et surtout 35 expérimentations contre seulement deux entre 2018 et 2022.
Le PARM semble prouver son efficacité, avec 14 essais transformés en trafics pérennes ou sont sur le point de l’être car les chargeurs ont pris des décisions d’investissement dans ce sens. Seulement six n’ont pas poursuivi, la solution fluviale ne répondant pas à leurs besoins. Enfin, quinze expérimentations sont encore en cours.
D’après Éloi Flipo, responsable du développement du transport à VNF, les investissements soutenus par ce programme ont permis de générer un trafic fluvial nouveau de 1 milliard de tonnes-kilomètres par an, avec parallèlement une diversification des types de marchandises: « Les projets des filières traditionnelles du fluvial [granulats et céréales] représentent 46 % du nombre de projets, contre 67 % dans le PARM précédent. A contrario, les filières nouvelles [conteneurs, marchandises générales en conventionnel, déchets ou autres vracs secs] comptent pour 54 % en nombre de projets, contre 33 % dans le PARM précédent. »
Pour 2023-2027, VNF a reconduit le PARM avec un budget identique de 20 M€, dont 12,5 M€ financés qu’il finance, le reste provenant des régions. Ce programme de subvention a été notifié à la Commission européenne en septembre dernier et est encore en attente d’approbation.
De tous les schémas logistiques ayant fait l’objet d’un report modal vers le fluvial en 2022, celui mis en place pour les livraisons d’Ikea dans Paris est sans conteste le plus emblématique. Le géant suédois de l’ameublement y réfléchit depuis 2014 et s’est installé en 2019 dans un entrepôt du port de Gennevilliers. La même année, un premier essai est réalisé avec Fludis, un bateau électrique qui fonctionne comme un entrepôt flottant et embarque des vélos-cargo effectuant le dernier kilomètre.
En 2020, second essai avec un nouveau schéma logistique: chaque matin pendant dix jours, des camions de 3,5 à 7,5 t ont été embarqués à Gennevilliers sur un ponton poussé de la Société coopérative artisanale de transport (SCAT) pour être débarqués quelques heures plus tard dans Paris. Cette solution ro-ro évite les bouchons du périphérique et simplifie la manutention dans Paris. Mais, revers de la médaille, les camions sont immobilisés pendant sept heures à bord du bateau. Difficile à envisager pour Ikea, sur le point de s’équiper de coûteux camions électriques qui nécessitent des expéditions rapides pour être rentabilisés.
Cette expérimentation du fluvial en roulier valide par défaut un autre choix: l’utilisation de caisses mobiles, ce qui optimise à la fois le chargement du bateau et les tournées des camions tout en minorant le surcoût du passage au véhicule électrique puisque le kilométrage de la tournée est réduit alors que le même camion fait davantage de livraisons.
En décembre 2022, des petites caisses mobiles de 18 m3 (la moitié d’un conteneur 20 pieds) ont été retenues par Ikea. À Gennevilliers, 35 unités sont chargées chaque jour à bord d’un bateau de Blue Line Logistics, la filiale logistique urbaine du groupe Sogestran qui les achemine jusqu’au port de Bercy (Paris 12e). Là attendent une douzaine de camions sur le quai amodié par Haropa à Box2Home, filiale du groupe de transport et logistique Warning+ qui a conçu les petites caisses mobiles et organisé le schéma de transport.
Au-delà des subventions, VNF entend aussi désormais financer le report modal grâce aux certificats d’économie d’énergie. C’est le but du programme Remove, qui selon Éloi Flipo va « monter en puissance pour devenir structurant au sein des dispositifs de financement ». Pour lui, associer les organismes de transport routier est essentiel « pour toucher les 85 % de marchandises qui transitent par la route. Les entreprises de transport routier sont des cibles clés pour le report modal. Ce sont eux qui peuvent orienter leurs clients vers le fluvial ». Le transport routier reste en effet prescripteur. Il y a dix ans, c’est Norbert Dentressangle (racheté depuis par XPO) qui avait organisé l’acheminement des conteneurs de Franprix jusqu’au cœur de Paris par la Seine, défrichant la voie de la nouvelle logistique fluviale urbaine.