Une nouvelle saison sous le signe de la sobriété

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En novembre dernier, la Commission européenne a décidé le renouvellement, à compter du 1er avril 2020 et pour quatre ans, le règlement permettant aux transporteurs maritimes de déroger aux règles de la concurrence qui prévalent en principe en matière d’ententes et d’abus de position dominante. Après avoir entendu toutes les parties prenantes, elle a estimé que cette immunité exceptionnellement accordée remplissait bel et bien l’objectif pour lequel elle a été aménagée.

Le règlement dit « d’exemption par catégorie » (« block exemption ») a pris le relais des anciennes « conférences maritimes » déclarées illégales en 2008 par une décision européenne. Il permet concrètement aux compagnies maritimes, réunies en alliances ou consortia dont la part de marché est inférieure à 30 %, de coopérer sur le plan opérationnel (partage de capacités, coordination des itinéraires et des horaires…). Cette dérogation est octroyée en vertu du postulat selon lequel les escales hebdomadaires par alliances – « services de transport plus viables et efficaces financièrement » – profiteraient aux usagers « en termes de qualité, prix, régularité, fiabilité, couverture, fréquence, équipements portuaires ».

La décision européenne tombée le 20 novembre a véritablement surpris. Des trois options – renouvellement, suppression, modification –, celle d’une modification des règles semblait tenir la corde tant le système fait débat.

Ces 30 % invérifiables

Plusieurs rapports accablants de l’International Forum of transport (OCDE) ont notamment dénoncé le caractère monopsone de ces alliances dans un secteur déjà ultra concentré. Les quatre premiers transporteurs (Maersk, MSC, Cosco et CMA CGM) pèsent en effet 60 % de la capacité mondiale. Les trois principales alliances (2M, Ocean Alliance, THE Alliance) exploitent 95 % de la capacité totale des navires et dominent à 80 % les routes maritimes les plus fréquentées. Depuis 2002, l’ITF détaille par le menu ses effets pervers: puissance de négociation des transporteurs en raison de leur puissance d’achat, pression sur les prix et les investissements dans les ports, fragilisation des métiers intermédiaires (transitaires), érosion de la qualité de service, etc.

L’European Shippers’ Council (association des chargeurs européens), relayée en France par l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret), la Feport (Federation of European Private Port Operators), la Clecat (European Association for Forwarding, Transport, Logistics and Customs Services), l’European Towing Association (sociétés de remorquage portuaire) font partie des plus critiques.

En l’occurrence, les représentants de la chaîne logistique remettent en cause à peu près tous les éléments sur lesquels s’est fondée l’évaluation européenne pour accorder la reconduction. « Nous avons décelé beaucoup d’erreurs juridiques, d’incohérences et des préjugés en faveur des armateurs. L’analyse, les données utilisées, et les arguments retenus font débat », explique Denis Choumert, président de l’AUTF. Parmi les sujets polémiques, la mesure des 30 % de parts de marché, dont les critères de calcul seraient flous (notion de « relevant market »). La Commission européenne semble reconnaître elle-même, dans son évaluation, qu’il n’est plus évident de savoir quelles parts de marché cumulent les transporteurs.

Les chargeurs européens plaidaient pour un règlement modifié, souhaitant notamment que le seuil soit abaissé à 25 ou 20 % et que l’intégration verticale soit exclue du champ du règlement. Ils ont toujours soutenu qu’elle ne leur offrait aucun avantage tarifaire. « Les rapports de l’ITF, décrivant une situation assez dégradée de ce point de vue, ont été complétement ignorées », ajoute Denis Choumert.

Les associations qui contestent le système ont sollicité de concert une rencontre avec la commissaire européenne en charge de la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager. Le cas échéant, elles sont prêtes à « aller plus haut », en s’adressant « au parlement, voire en déposant un recours devant la Cour de justice européenne », défend Denis Choumert.

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