Depuis le mouvement de grèves de 2017, la paix sociale est revenue dans les ports espagnols. Le gouvernement a publié trois décrets lois dans le but de réformer le dispositif juridique de la manutention portuaire et le mettre en conformité avec une injonction, fin 2014, de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE), qui avait déclaré le système d’embauche du personnel de la manutention portuaire en Espagne contraire au principe de la liberté d’établissement. Une réforme qui n’a toujours pas été finalisée à ce jour.
La CJUE avait fait valoir deux principes: l’obligation faite aux entreprises de la manutention d’entrer au capital des sociétés de gestion du personnel (Sagep) et de recourir prioritairement à celles-ci pour leurs besoins de main d’œuvre. Les Sagep ont été transformées en Centres portuaires d’emploi (CPE) avec les mêmes actionnaires. Par ailleurs, les CPE n’ont plus, du moins en théorie, le monopole de l’embauche. Les entreprises de travail temporaire peuvent, sous certaines conditions, fournir de la main d’œuvre aux manutentionnaires. La réforme contenait d’autres dispositions concernant notamment la formation du personnel.
La difficulté a résidé dans la transcription des nouveaux textes officiels dans la future convention collective cadre de la manutention portuaire. L’association patronale Anesco et les syndicats ne parvenant pas à se mettre d’accord, deux médiateurs ont élaboré en novembre 2019 un pré-accord qui a été soumis à la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) et au ministère du Travail. Une date butoir avait été fixée au 31 décembre 2019 pour boucler la négociation de la convention cadre. Elle n’a pas pu être respectée. En conséquence, les conventions collectives dans les ports, qui doivent être articulées à ce texte de référence, n’ont pas pu non plus être signées.
Liberté d’embauche
En janvier, selon la presse professionnelle espagnole, le document des médiateurs aurait été retoqué par la CNMC. Les dispositions remises en causes concernent la garantie de l’emploi des salariés de la manutention en cas de dissolution partielle ou totale des CPE. La CNMC estime qu’il s’agit « d’une restriction à la liberté d’embauche ».
Le ministère des Transports, dans un rôle de facilitateur du dialogue social, les syndicats et Anesco travaillent désormais à la rédaction d’un texte qui soit conforme à la législation européenne. Anesco souhaite éviter de nouveaux recours et garantir la sécurité juridique. Les syndicats, conscients du caractère inéluctable de la réforme, veulent préserver leur statut et les acquis qui y sont liés.
Le contexte – ralentissement économique, montée en puissance de ports concurrents comme Tanger-Med ou Le Pirée – n’est pas propice au lancement de grèves à grande échelle. La solution pourrait passer par l’élaboration d’un nouveau décret-loi. La balle est à nouveau dans le camp du gouvernement.