L’accord de retrait du conservateur Boris Johnson ayant été approuvé par le nouveau Parlement élu début janvier, les opérateurs de ferries sur la Manche ont été épargnés par la perspective d’un scénario de « no deal ». Du moins pendant un an puisque le Royaume-Uni quittera l’UE d’ici le 31 janvier. Il reste désormais à Londres à négocier un contrat régissant sur le long terme les relations économiques et commerciales avec le bloc communautaire. Et ce, d’ici la date butoir de fin 2020 fixée par le Premier ministre britannique. À plus long terme, la menace n’est donc pas totalement écartée. Néanmoins, presque toutes les compagnies opérant en Manche ont profité de conditions de marché favorables aux nouvelles constructions pour s’équiper en navires neufs, plus grands et économes en carburants.
En septembre, P&O Ferries, qui exploite six lignes entre le Royaume-Uni et le continent européen et deux vers l’Irlande, a commandé deux nouveaux ferries d’une valeur de 260 M€, avec deux options, auprès du chantier naval chinois Guangzhou Shipyard International (groupe CSSC). Livrés d’ici 2023, ces navires de 230 m de long, avec leur capacité de transport de 2 800 mètres linéaires, 200 voitures et jusqu’à 1 500 passagers, seront les plus grands ferries jamais exploités entre Douvres et Calais. Les deux unités en option pourraient être livrées d’ici 2024. C’est sans nul doute une des réponses du leader de l’activité transmanche (57 % de parts de marché) à son rival danois DFDS, qui mettra en service le Côte d’Opale sur le Détroit. Les « super-ferries » de P&O seront équipés de deux ponts séparés, ce qui leur évitera de devoir opérer un demi-tour dans le port, et seront propulsés par un mix de fuel et de batteries.
Engagement DP World
« Cet investissement majeur dans une nouvelle génération de grands ferries, qui va nous garantir une capacité de transport maritime de première classe pour les années à venir, est un puissant témoignage de l’engagement de DP World, notre maison-mère, à favoriser les flux commerciaux entre la Grande-Bretagne et l’Europe », a commenté Robert Woods, président de P&O Ferries.
Par ailleurs, le Britannique avait anticipé l’imminence du Brexit en lançant fin septembre un nouveau service quotidien de fret non accompagné entre Calais et le port britannique de Tilbury, de façon à pallier toute congestion potentielle à Douvres. Pour la directrice générale, Janette Bell, cette offre a été conçue pour offrir aux clients un plus grand choix de dessertes, le nouvel itinéraire, assuré par le Caroline Russ (153,45 m de long, 1 600 m linéaires, 303 EVP), économise quelque 120 km chaque jour par rapport à la traversée traditionnelle Calais-Douvres. « Ce nouveau service améliorera la fluidité en Manche tout en répondant aux attentes du marché européen »,veut croire Xavier Bertrand, président du Conseil régional des Hauts-de-France. Il contribuera au développement des échanges avec le Grand Londres, les Midlands et le Grand Manchester. » Une nouvelle ligne short-sea entre Portsmouth et Anvers est aussi en cours de préparation par Portico, qui gère le terminal de fret international de Portsmouth. Son démarrage est néanmoins conditionné à la demande et la ligne sera probablement activée en cas de congestion post-Brexit sur les liaisons transmanche les plus courtes. L’offre viendrait compléter les services rouliers existants exploités par Brittany Ferries au départ de Portsmouth vers la France et l’Espagne.
Brittany, dans le sillon
Brittany Ferries s’est pour sa part engagé à utiliser Portsmouth comme base britannique jusqu’en 2032. Il était également prévu d’introduire courant janvier le Connemara – le premier d’un programme de trois navires neufs affrétés auprès de Stena Ro ro – sur la ligne Portsmouth-Le Havre. Initialement, le ferry assurait la liaison maritime entre Cork et Santander, la toute première ligne directe entre l’Irlande et l’Espagne, où il a été remplacé depuis par le ro-pax Kerry, également affrété auprès de Stena Roro. Après son redéploiement sur la façade ouest de la Manche et deux ans d’exploitation, le navire, battant jusqu’alors pavillon chypriote, a été transféré au premier registre français le 6 novembre, engendrant la création de 111 emplois, dont 25 officiers.
Un peu plus tard dans l’année, le navire francisé sera rejoint à Portsmouth par le « premier navire propulsé au GNL en service sur la Manche », le Honfleur. Actuellement en cours de construction dans le chantier allemand FSG, il offrira un linéaire total de 2 600 m et 1 680 passagers. La compagnie transmanche, qui transporte chaque année 2,6 millions de passagers (dont 85 % de Britanniques) et 40 000 unités de fret entre la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Espagne, destine son nouveau fleuron à la ligne Portsmouth-Caen.
Stena Line vient également de mettre en service un nouveau ro-pax plus grand, le Stena Estrid, sur le service Dublin-Holyhead. D’une longueur de 215 m, il dispose de 3 100 mètres linéaires de fret avec une capacité de 120 voitures et de 1 000 passagers. Il est le premier E-flex d’une série de cinq, construits pour Stena par le chantier naval Avic Weihai en Chine. Quatre unités supplémentaires seront affrétées par Brittany Ferries (3) et DFDS (1).