Un sfumato pour seuil de flottaison. La surnage comme seul arrimage. À l’approche de la zone critique du 1er janvier 2020, le transport maritime est plongé dans cette transition vaporeuse entre lumière et ombre. Deux balises entre lesquelles il doit avancer à la hussarde pour ne pas manquer un grand rendez-vous et faire mentir sa prétendue insoutenable légèreté de l’environnement. Les êtres rieurs s’amusent de voir ses artisans prôner l’éloge de la lenteur, à un moment où ils devraient se hâter. Les esprits flingueurs veulent y voir une manœuvre dilatoire pour camoufler les difficultés. Les sujets neutres considèrent que le secteur amortit plutôt bien les embardées, entre tarifs douaniers punitifs et multiplication des restrictions qui font de son horizon, autrefois vecteur d’une mondialisation décomplexée et libérée, un espace de confrontation.
Quel sera l’impact sur les coûts de transport et les prix facturés aux chargeurs de la réglementation de l’OMI2020? Comment les armateurs et affréteurs absorberont-ils la volatilité inévitable en phase de transition? C’est la nouvelle question au goût d’iode.
Quelle que soit l’option prise pour se mettre en conformité, il y aura un prix à payer. Sur la base de son simulateur de calcul de BAF, MDS Transmodal suggère que le passage d’un fuel de type IFO 380 à un gasoil marin d’un porte-conteneur de 18 500 EVP sur un trajet Asie-Europe du Nord ferait augmenter de 62 $ par EVP le coût du bunker.
Sans répercussions de leurs coûts de soute sur le client – 31,5 % de plus en 2018 qu’en 2017, soutiennent les armateurs –, la pression devient vite insoutenable pour des entreprises dont les comptes d’exploitation sont sabordés par des taux de fret structurellement bas.
Hapag-Lloyd introduira, à compter du 1er décembre, une Transition Charge (ITC) IMO2020, « afin de compenser les surcoûts des carburants conformes ». La surtaxe sera facturée à 135 $ par EVP sur la route Asie-Europe, 130 $ sur le marché transpacifique et 80 $ en intra-Asie. D’autres armateurs ont annoncé s’en inspirer. Ce qui ne manquera pas de réarmer les chargeurs et les commissionnaires/transitaires de transport, dont la digue de l’exaspération menace chroniquement de céder face à cet art consommé de la taxe. Ils s’irritent régulièrement de ces méthodes d’ajustement aux imprévus qu’ils jugent opaques, quand ils n’accusent pas les armateurs d’en faire des arguments de pure opportunité pour renflouer les caisses. Urticant angle mort du système.