L’Espagne joue gros. Le port de Valence (5,2 MEVP en 2018) est le leader en Méditerranée pour les conteneurs, devant Algésiras (4,8 MEVP) et Barcelone (3,5 MEVP). Ensemble, ils concentrent l’essentiel du trafic sur la côte méditerranéenne et près de 80 % à l’échelle espagnole.
Face à l’intensification de la concurrence, les autorités portuaires veillent et particulièrement là où le poids du transbordement constitue un élément de vulnérabilité, comme à Algésiras (88 % du trafic) et à Valence (54 %). Dans ces deux ports, l’approfondissement des quais a été engagé afin de permettre l’accueil des plus gros porte-conteneurs actuellement en service. Au cours du premier semestre, 49 unités (16 000 EVP minimum) ont escalé dans le port andalou. Ces huit derniers mois, le transbordement a progressé de 4,5 %, à 3 MEVP (3,4 MEVP en trafic global, + 7,5 %), et ce malgré la concurrence de Tanger Med.
En capacité, l’Espagne a encore des marges de progression. Outre le projet de MSC pour la construction et l’exploitation du quatrième terminal à conteneurs de Valence, des extensions sont envisageables sur les terminaux de Total Terminal International Algeciras (TTIA) et de Barcelona Europe South Terminal (BEST), filiale de Hutchison Ports, à Barcelone.
Mais la bataille de l’attractivité se joue aussi désormais hors des terminaux. Les autorités portuaires investissent massivement dans les connexions avec l’hinterland. Elles raisonnent désormais dans une logique de corridors, qui coïncide avec la stratégie door-to-door de leurs clients armateurs.
L’Autorité portuaire de Valence (APV) a ainsi prévu d’investir dans la ligne ferroviaire Valence-Saragosse, avec un budget prévu de 53,6 M€. Le trafic ferroviaire de marchandises conteneurisées devrait atteindre 2 Mt cette année selon l’APV, qui espère doubler ce chiffre en cinq ans. MSC, de son côté, a lancé un service ferroviaire de conteneurs à température contrôlée entre Saragosse d’une part et Barcelone et Valence d’autre part, opérationnel depuis le 17 octobre. La compagnie va installer une plateforme froid de 25 000 m2 dans la nouvelle zone d’activités logistiques (ZAL) de Valence.
Moindre transit-time
L’Autorité portuaire de Barcelone (APB), qui ambitionne d’être la porte d’entrée et de sortie en Europe du Sud pour le trafic avec l’Asie, est prête à mettre la main à la poche pour financer la moitié des accès ferroviaire et routier du port. Il s’agit ici de concurrencer Marseille et Gênes et, à plus long terme, les ports nord-européens, en pariant sur l’avantage que représente un moindre transit-time. Barcelone est le seul port espagnol qui dispose d’une liaison ferroviaire à écartement UIC avec la France.
Ces investissements dans les infrastructures vont de pair avec ceux des opérateurs portuaires afin de traiter des unités de grande capacité et accroître la productivité. À Barcelone, APM Terminals a annoncé, en juillet dernier, avoir atteint les 150 mouvements par heure, grâce à un engagement de 47 M€, comportant notamment l’acquisition de deux nouvelles grues super post panamax. Les trois opérateurs du port investissent en outre dans des prises reefer (3 500 actuellement).
Seuls deux terminaux espagnols sont actuellement semi-automatisés, ceux de TTIA et de BEST. Ce n’est plus un secret que plusieurs opérateurs ont des projets dans les cartons qui achoppent sur les réticences syndicales. L’heure est à la prudence, d’autant qu’une négociation délicate est en cours entre les partenaires sociaux en vue de finaliser la convention collective globale de la manutention portuaire. Mais une automatisation accrue semble désormais inéluctable.
L’intensification de la concurrence est en train de modifier le rapport de force avec les syndicats. La multiplication des hubs portuaires en Méditerranée augmente les possibilités de transbordement. Lors de la grève de 2017, MSC avait détourné une partie des conteneurs de Valence vers Barcelone. Les 9 MEVP de capacité de Tanger Med 1 et 2, identifié de plus en plus comme le concurrent sérieux, vont peser très lourd.