Les succès remportés par le port d’Anvers dans le secteur des trafics conteneurisés depuis le dernier approfondissement de l’Escaut dérangent les Néerlandais. Tout récemment, la Zélande, une province maritime du sud-ouest des Pays-Bas, bordée à l’Ouest par la mer du Nord et au Sud par la frontière belge, a fait connaître son opposition au projet que le port scaldien entend concrétiser. Il compte notamment réaliser un grand quai à marée (Saeftinghe) voisin du Deurganckdok, projet certes plus politique que répondant à des exigences maritimes et portuaires. Anvers prévoit en outre d’autres quais sur la rive droite. L’ensemble lui offrirait une capacité supplémentaire de près de 7 MEVP.
L’opposition estime que la capacité de l’Escaut n’a pas été suffisamment étudiée, que les risques de collisions et d’échouement sont réels, ou encore de pertes de conteneurs chargés de matières dangereuses. Elle anticipe en outre un impact sur la sécurité et sur la qualité de l’air et de l’eau, des dragages supplémentaires s’avérant néfastes. La province de Zélande se réserve le droit de réagir en conséquence. En fait, grâce au port néerlandais de Flessingue, situé sur l’ancienne île de Walcheren de Zélande et bénéficiant d’une position stratégique entre l’Escaut et la mer du Nord, il ne sera plus utile à terme de remonter l’Escaut…
Reefer, stratégique
Curieusement, ces réactions sont survenues quelques jours avant que l’armement MSC y ait annoncé l’escale régulière du service Angola Express avec des porte-conteneurs de 3 500 EVP pour un trafic reefer. Flessingue cherche en effet à jouer un rôle plus important dans ce segment. L’aménagement d’un grand terminal a plusieurs fois été annoncé, sans suites.
Cette situation ne peut qu’être profitable au port de Rotterdam, qui va devoir tenir compte du rebond de Hambourg. Profitant de l’approfondissement de l’Elbe, le port allemand devrait récupérer un peu de trafic. Anvers n’a néanmoins pas épuisé toute sa capacité et peut toujours traiter des ULCS de 23 600 EVP, même si partiellement chargés avec un tirant d’eau de 15 m au lieu de 16 m. En outre, dans le cadre du traité Pays-Bas/Flandres portant sur le dernier approfondissement de l’Escaut, il est clairement stipulé que, pour toute prochaine adaptation, il ne sera plus nécessaire de conclure un autre traité. Quoi qu’il en soit, Anvers sera mis à l’épreuve.
Son accessibilité maritime a, au cours des siècles, fait l’objet de nombreuses obstructions depuis le traité de Münster de 1648 et la fermeture de l’Escaut. S’en sont suivies des périodes alternant restrictions et souplesse. En 1839, l’indépendance de la Belgique a permis la libre circulation sur le fleuve, mais assortie d’un péage de 1,5 florin la tonne… ce qui a rapporté des milliards aux Pays-Bas. Il a fallu une action concertée des communautés internationales pour obtenir en 1863 l’abolition de cette redevance. Après des années de vaines discussions, la Belgique devra en passer par le tribunal arbitral de La Haye pour obtenir la réalisation de la liaison fluviale Escaut-Rhin. Aujourd’hui, l’heure est au bon voisinage, dont témoigne North Sea Port, la fusion entre Flessingue, Terneuzen et Gand, assurant tout de même aux Néerlandais le contrôle d’une section du fleuve.