« L’innovation du maritime passera par l’intégration de plus de femmes si on veut rendre le secteur attractif »

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Pourquoi des associations reflétant la présence féminine dans le shipping est-il important?

Marie-Noëlle Tiné: L’économie maritime est historiquement et culturellement dominée par les hommes. À l’origine, l’association se composait d’une poignée de femmes, essentiellement issues des métiers connexes à l’instar du trading ou des professions juridiques… Depuis plusieurs années, tous les secteurs du maritime sont représentés. Même si le secteur est encore majoritairement masculin, les métiers réservés hier aux hommes sont aujourd’hui accessibles aux femmes. Je note en outre que Wista rassemble de plus en plus de femmes: 3 000 membres au niveau mondial avec 47 associations nationales et 150 membres en France dans plusieurs villes portuaires. Mais cela ne reflète pas en effet l’entièreté de la présence féminine dans le secteur, ce qui laisse une marge de progrès.

Le taux de féminisation est encore faible, en dépit d’initiatives comme les vôtres. Disposez-vous vraiment de leviers pour contrarier le poids des traditions?

M-N.T.: La filière mer en France a un taux de féminisation de 21 %, en comparaison des 49 % de la moyenne nationale des actifs. Une étude de l’Isemar montre que le taux de féminisation varie entre 20 et 28 % selon les filières.

Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir et nous avons besoin d’une mobilisation forte, tant des femmes que des hommes, pour changer les mentalités, ce qui constitue un premier levier. Pour ma part, je crois beaucoup aux vertus de la mixité hommes-femmes et de la diversité des profils dans les équipes. Plusieurs études internationales l’ont montré: pour les entreprises, la mixité est gage de performance, d’innovation, de créativité, et d’un plus grand équilibre social. Les leviers sont aussi au niveau international. En 2018, Wista international a été admis à l’OMI en tant que membre observateur. C’est un signe de reconnaissance important pour nous aider à faire bouger les lignes. La thématique choisie par l’OMI pour le World Maritime Day 2019 « Empowering women in the maritime community » que je traduis par « accroître le rôle des femmes dans le monde maritime », envoie un message fort à la communauté maritime internationale.

Wista International est en outre à l’initiative d’un manifeste appelant les entreprises à s’engager pour une meilleure représentation des femmes. Plus de 2 600 l’ont déjà paraphé [il est à télécharger sur le site web de l’association, NDLR].

Parmi vos membres, vous avez des associations professionnelles, mais pas toutes, des armateurs fleurons du shipping français, mais pas tous, de rares ports et pas la manutention…

M-N.T.: Quand j’ai rejoint Wista en 2008, nous étions une dizaine. Notre anniversaire a rassemblé 120 personnes à Marseille avec des personnalités de toute la France. Une soixantaine de dirigeants de compagnies maritimes comme CMA CGM, Le Ponant, Marfret, Corsica Linea, des ports de poids, comme Marseille et Le Havre, des organisations professionnelles comme Armateurs de France, le CMF, les Agents Maritimes et Consignataires de France, la Fédération des Pilotes Maritimes, le Club de la Croisière Marseille Provence, ont répondu présents à notre invitation.

Une femme, même deux, ont été élues pour piloter les prochaines années du Bimco. Qu’est-ce que cela vous inspire?

M-N.T.: C’est une belle preuve de la manière dont cette institution, la principale association internationale d’armateurs, s’empare des changements sociétaux et environnementaux dans le shipping. D’autres, au niveau national et international, pourraient s’en inspirer…

Le shipping est actuellement en proie à des contraintes environnementales, des tensions géopolitiques et bien d’autres incertitudes. Comment vivez-vous ce moment?

M-N.T.: La transition énergétique et écologique, coûteuse, oblige le shipping à opérer des transformations majeures. Mais elles sont inévitables pour le développement durable de notre économie maritime.

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et le développement des routes de la soie visent à amplifier l’hégémonie de certaines nations. Les routes maritimes sont bel et bien au cœur des stratégies des plus grandes puissances mondiales. Face à ces stratégies de conquête, je me réjouis de voir émerger un accord entre le Japon et l’UE visant à coordonner les transports, l’énergie et les liaisons numériques entre l’Europe et l’Asie, fondées sur des règles internationales, qui pourront être actualisées si nécessaire. La France, qui a plusieurs partenariats stratégiques en Asie-Pacifique, y joue un rôle très important et peut donc, grâce à ce nouvel accord, renforcer sa place et son rayonnement.

Quel est le message que vous aimeriez adresser in fine?

M-N.T.: L’innovation du maritime passera par l’intégration de plus de femmes et la diversité des profils si on veut rendre notre secteur maritime attractif auprès des jeunes et assurer son développement. Aux hommes dirigeants, je leur dis que les femmes sont un formidable vivier de compétences, que beaucoup réussissent brillamment leurs études et qu’elles représentent la moitié de l’humanité. Alors pourquoi s’en priver?

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