Ne pas avoir à se déjuger?

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Ce sont deux petites lettres et un chiffre qui « poldérisent » actuellement tous les débats. Le CO2 tient la marée haute et fait valser les dogmes quant à la stratégie à tenir pour s’en désintoxiquer et venir progressivement à bout des gaz à effet de serre générés par les navires. Conformément aux injonctions internationales de l’OMI, qui a sommé le transport maritime de montrer patte verte et fixé un premier curseur à 2030, date à laquelle les émissions carbone devront avoir été réduites de 40 % par rapport à 2008.

L’État français, qui s’est récemment improvisé tête de proue d’un lobby pour un transport maritime plus vert que bleu, a repris opportunément à son compte une idée défendue depuis une décennie – « souvent dans l’indifférence, parfois même l’hostilité » – par un armateur français, Philippe Louis-Dreyfus.

Dans toutes les instances professionnelles qu’il a eu l’occasion de présider, l’armateur de vraquiers n’a eu de cesse d’évangéliser le marché aux vertus des nœuds contrôlés pour épargner quelques dizaines de pourcent de gaz carbonique.

La navigation à vitesse réduite n’est pas nouvelle dans le shipping mais elle a de nombreux détracteurs. Opportune pour gérer l’excédent de navires en période de vaches maigres, elle devient vite contraignante aux heures glorieuses. Aucun armateur ne prendra sans doute l’engagement solennel et ad vitam de la vitesse sobre. Ce qui doit sans doute brider certains qui, jusqu’à ces derniers jours, semblaient défendre une tout autre solution offerte en contre-proposition: l’encadrement de la puissance de propulsion des navires. À la barre, l’une des plus représentatives organisations maritimes mondiales, le Bimco (58 % du tonnage mondiale), soutenue par la Chambre internationale de la marine marchande (ICS). Dans un communiqué fin septembre, le Bimco argumentait en ce sens, dans une formulation dont l’interprétation ne pouvait pas prêter à confusion entre vitesse et puissance. Deux forces motrices sur les enjeux écologiques semblaient se dessiner au service d’une noble cause, la fin du noir soulage. Mais une contre-réaction est venue brouiller les lignes. « Limitation de vitesse et limitation de puissance, c’est la même idée », a signifié Louis Dreyfus Armateurs dans un communiqué, tout en se réjouissant de cette avancée. Conscient que « réduire la vitesse ou la puissance n’est qu’un pas sur la route qui mènera le shipping à la décarbonation de ses activités », l’armement tricolore concluait son plaidoyer en pressant l’OMI d’accueillir favorablement cette mesure « maintenant que l’industrie est prête à faire un pas important et immédiatement ».

Au-delà de l’affrontement idéologique, des chocs de convictions, voire des postures politiques, le débat s’est désormais déplacé sur le champ de la nuance.

Certains soupçonnent même Bimco d’user de la sémantique pour masquer son rétropédalage et ne pas avoir à se déjuger publiquement. D’autres glosent sur la posture à marche forcée de Louis Dreyfus Armateurs.

Mais qu’importe. « Marche, marche! », ordonne Bossuet. « Qu’importe les écueils et les impasses, avance! »

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