Dans son nouveau projet stratégique, le Grand port maritime de Guyane prévoit « d’achever ce que nous avons commencé dans le précédent », souligne Philippe Lemoine, le président du directoire, renouvelé dans sa fonction en juillet 2018. Traduction: finaliser la modernisation de la manutention, poursuivre les travaux de réhabilitation des infrastructures, renforcer l’insertion régionale et accompagner les projets industriels. « Nous devons nous occuper des grues et du terre-plein pour qu’ils soient plus adaptés à la manutention et au stockage des conteneurs », complète l’ingénieur divisionnaire des travaux publics de l’État. Deux grues sont attendues d’ici 2021. D’une capacité de 51 t à 35 m, elles vont permettre d’augmenter les cadences et d’éviter la saturation des quais. Viendra ensuite l’extension du quai 1, prévue par le précédent projet stratégique et inscrite au Contrat de plan État-Région pour 15 M€. Mais il a été finalement décidé d’attendre l’achèvement de la modernisation de la manutention pour en évaluer les effets et mesurer alors la nécessité de cette extension. Elle pourrait en effet être reportée à plus tard si le besoin n’en est plus si manifeste.
35 M€ pour le quai 3 et le ro-ro
En revanche, la priorité est désormais accordée au quai 3 et au poste roulier. Construits dans les années 1980, ils nécessitent quelques lourdes actions de reconstruction. Le quai, d’une longueur de 145 m, accueille des navires plus petits. Y sont réceptionnés hydrocarbures et gaz, clinker et gypse. Il comprend également une cale de cabotage et un terminal conteneurs.
La réfection du quai 3 va se traduire par des investissements élevés, de l’ordre de 35 M€, « qui vont peser lourd dans le contrat de plan État-Région et le programme européen Feder. » L’existant devrait être complété par un aménagement des terre-pleins adjacents dans le but d’y installer une plateforme logistique. Les besoins en financement pourraient provenir d’un PPP, partenariat public privé, ou d’une concession.
Le GPM souhaite aussi construire un poste frontalier communautaire. Il permettra de contrôler les marchandises en provenance de pays tiers sans qu’ils aient à transiter par des ports européens. « Ce point est crucial. Il faut absolument qu’il devienne réalité dans les deux ans qui viennent », fixe la direction.
Ce poste frontalier est lié à l’ambition de la Guyane de développer les échanges maritimes avec ses voisins, le nord du Brésil, le Surinam, le Guyana, et améliorer la connexion avec les Antilles. Une ligne régulière de cabotage est aussi envisagée pour desservir le plateau des Guyanes avec un prolongement jusqu’aux Antilles.
Le GPM mène aussi des réflexions sur plusieurs projets ambitieux. Il envisage ainsi la création d’un nouveau terminal portuaire afin d’accompagner le développement de l’Ouest de la Guyane. Le site étudié se situe à crique Margot, au nord de Saint-Laurent-du-Maroni. Plusieurs études ont déjà été réalisées afin d’examiner les fonctionnalités du terminal mais aussi l’impact environnemental ou les besoins en desserte routière, etc. Des études complémentaires sont en cours. Le projet porterait sur un investissement de 80 à 100 M€.
Logistique frontalière
Un autre projet porte sur l’aménagement d’un port sec avec une plateforme logistique à la frontière entre le Brésil et la Guyane. Le projet est commun aux deux pays, d’autant que l’État d’Amara, qui se situe au nord du Brésil et jouxte la frontière avec la Guyane, est coupé du reste du pays par le fleuve Amazone. « L’État d’Amara est enclavé », pointe Philippe Lemoine. « Il pourrait ainsi bénéficier de l’importation de marchandises qui passeraient par Dégrad-des-Cannes. » Le président du directoire est satisfait du partenariat existant avec ses homologues brésiliens mais reconnaît que le caractère très protectionniste du Brésil crée des obstacles qu’il faudra franchir.
Enfin, depuis des années, le GPM de Guyane travaille sur un mégaprojet de plateforme flottante à une vingtaine de kilomètres de ses côtes, au large du Plateau des Guyanes. Une solution qui lui permettrait de s’affranchir des problèmes de tirant d’eau. « Dégrad-des-Cannes est sujet à l’envasement. Malgré les efforts de dragage, il est difficile d’obtenir plus de 7 m de fonds. »
Avec un tirant d’eau de 15 à 20 m, la Guyane s’offrirait alors un « port en eaux profondes » et aurait un rôle à jouer dans la desserte de l’ensemble des pays du plateau des Guyanes. « Ce serait un mini-hub, relié aux différents ports par des feeders et du barging », explique Philippe Lemoine, qui souligne aussi qu’il s’agit d’un projet au long cours. Le prix à payer est cher, évalué actuellement autour de 1,5 Md€. C’est la raison pour laquelle il est envisagé de coupler au port flottant des activités d’aquaculture offshore et des services supports au large, liés par exemple à la recherche pétrolière qui a été abandonnée dans les eaux de Guyane mais se poursuit au Surinam et au Guyana.
Trafics et armements
En 2018, le trafic a porté sur 810 000 t, à 95 % des importations locales, pour un marché de 250 000 consommateurs. Les marchandises entrent par les ports de Dégrad-des-Cannes et Pariacabo. Le trafic est marqué par l’essor du trafic régional. Le fret conteneurisé de la ligne Guyanas, qui relie le site de Dégrad-des-Cannes à Pointe-à-Pitre et Fort-de-France (Antilles françaises), Port-d’Espagne (Trinité-et-Tobago), Georgetown (Guyana) et Paramaribo (Surinam), a en effet augmenté de 20 % l’an dernier. Il représente plus de 100 000 t et devrait encore progresser.
Le trafic conteneurs est assuré essentiellement par CMA-CGM et par Marfret, avec respectivement quatre et deux navires, et un service hebdomadaire pour les deux armements. D’autres compagnies se chargent des marchandises spécialisées, telles la Socatra pour les produits pétroliers, Höegh Autoliners pour les véhicules, Herning Shipping pour le méthanol, SMT Shipping pour le clinker, la Compagnie Maritime Nantaise-MN pour le fret spatial et militaire. Le nombre d’escales de navires (230), en progression, est notamment tiré par l’activité de logistique et de forages pétroliers. Mais les explorations de Total n’ayant pas donné les résultats attendus, les projets d’exploitation pétrolière devraient être abandonnés.